Bourse : Jean-Claude Ngbwa peut-il apaiser la place de Douala ?

Le nouveau président de la Commission des marchés financiers (CMF) du Cameroun arrive dans un contexte de crise entre le régulateur et les sociétés de Bourse. Sa mission : relancer un secteur atone.

Jean-Claude Ngbwa /Fernand Kuissu pour JA © Fernand Kuissu pour JA

Jean-Claude Ngbwa /Fernand Kuissu pour JA © Fernand Kuissu pour JA

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Publié le 28 juillet 2016 Lecture : 4 minutes.

La préparation du prochain emprunt obligataire du Cameroun, qui s’élève à 150 milliards de F CFA (près de 230 millions d’euros), traduit le désamour qui s’est instauré. Alors que par le passé plusieurs prestataires de services d’investissement (PSI) participaient, cette fois-ci seul le consortium constitué des filiales d’Afriland First Bank, de Société générale et d’Ecobank a répondu à l’appel d’offres portant sur l’arrangement de cette opération.

« Nous ne voulons pas nous faire taper dessus après coup et subir une mauvaise publicité pour d’éventuels manquements », réagit le responsable d’une société de Bourse. Même son de cloche du côté du Douala Stock Exchange : la CMF avait en effet également ouvert les hostilités à l’encontre de la société de marché, coupable à ses yeux d’avoir accordé un visa au placement sur le marché hors cote de 69 milliards de F CFA d’obligations du Trésor à coupon zéro appartenant à la Société nationale de raffinage (Sonara).

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Une initiative qui se veut neutre

L’heure est donc à l’apaisement. « La culture du dialogue doit remplacer le régime de la terreur », résume un autre acteur. Un impératif pour donner un nouveau souffle à une Bourse atone ne disposant que de trois actions cotées après une décennie de fonctionnement et dont la capitalisation au 4 juillet n’était que de 406,3 milliards de F CFA.

D’après notre analyste, la CMF pourrait marquer le coup en organisant une grande réunion avec tous les acteurs pour repartir ensemble sur de nouvelles bases. S’il assure rester à l’écoute, Jean-Claude Ngbwa tient toutefois à faire valoir sa conception du régulateur : « Il doit être d’une grande impartialité, d’une constante réactivité et d’une efficacité éprouvée. »

D’efficacité, ce natif de Mengong (Sud) en aura certainement besoin, car les chantiers sont immenses pour relancer la place de Douala. La communication et la formation, tant des professionnels que du public, sont des besoins communément admis.

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Et une refonte des textes régissant le secteur financier – parfois adoptés dans la précipitation – se révèle nécessaire. L’une des incongruités porte sur le statut de Société générale Cameroun, qui exerce à la fois en tant que PSI et en tant que banque de règlement. Au-delà du conflit d’intérêts, cette situation crée un déséquilibre par rapport aux autres acteurs. Il est donc primordial de filialiser les pôles marchés financiers des banques.

L’harmonisation de la fiscalité et de la tarification des prestations avec celles de la BVMAC, fait également partie des urgences.

« Ce sera aussi l’occasion de revoir les agréments pour les octroyer en fonction des métiers et non des sociétés, comme c’est le cas aujourd’hui, relève notre analyste. Car les conflits d’intérêts sont manifestes lorsqu’une même entité fait à la fois de la conservation de titres, de la gestion d’actifs, de l’intermédiation et du conseil. »

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L’harmonisation de la fiscalité et de la tarification des prestations avec celles de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC), à Libreville, fait également partie des urgences. En attendant l’aboutissement éventuel du projet de fusion des deux marchés, les régulateurs sont invités à travailler en bonne intelligence. Jean-Claude Ngbwa et Rafaël Tung Nsue, le patron de la Cosumaf, se sont déjà téléphoné et ne devraient pas tarder à se rencontrer. « Il faut mettre les questions d’ego et de souveraineté de côté, plaide un dirigeant de PSI.

Il est clair qu’en l’état du marché le Cameroun ne lèvera sur son sol que la moitié des 150 milliards de F CFA qu’il désire. Il doit donc solliciter l’épargne des autres pays de la Cemac et, pour cela, obtenir le visa de la Cosumaf. Cette tendance est appelée à s’accentuer à l’avenir et concerne tous les pays de la Cemac. »

Une maîtrise assurée et réputée du secteur

Jean-Claude Ngbwa n’arrive pas en terrain inconnu. Après l’obtention d’un diplôme d’inspecteur du Trésor à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), en 1983, il a commencé sa carrière au ministère des Finances. Il a ensuite séjourné à l’Office national pharmaceutique et au ministère des Travaux publics. Puis, en 2002, il est revenu dans son administration d’origine comme directeur des contrôles économiques et des finances, participant ainsi à la mise en place du marché financier.

Jean-Claude Ngbwa a d’ailleurs représenté le ministère des Finances au sein du collège de la CMF avant d’atterrir à Libreville comme secrétaire général de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima), en 2006.

Pendant une décennie, il a régulé ce secteur, faisant notamment passer le capital social minimum des compagnies d’assurances de 1 milliard à 5 milliards de F CFA. « Il leur a mis la pression pour les obliger à payer les sinistres », retient Jean Victor Ngué, patron de la Garantie mutuelle des cadres (GMC). Mais plus que tout, Jean-Claude Ngbwa a contribué à mettre fin à l’assurance à crédit.

 Le progrès, ce n’est rien d’autre que la révolution faite à l’amiable, assure t-il.

Après avoir constaté une accumulation très forte d’arriérés de primes impayés – allant au-delà de 50 % dans certains marchés –, décision fut prise d’appliquer l’article 13 du code Cima, qui oblige l’assureur à encaisser la prime avant tout paiement. « Ce ne fut pas facile, parce que les enjeux étaient très importants, mais la mesure était courageuse », reconnaît Jean Victor Ngué, pour qui Jean-Claude Ngbwa est un homme « subtil et fin mais difficilement déchiffrable, car il dévoile rarement ses intentions ».

L’intéressé préfère parler de sa méthode : « Je prends le maximum de précautions avant de décider quelque chose, en ayant recours au dialogue et à la concertation. » Et ce passionné de lecture de citer Victor Hugo : « Le progrès, ce n’est rien d’autre que la révolution faite à l’amiable. » De quoi rassurer la place de Douala.

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