Parcours : Rabah Slimani, volonté de puissance

Pilier du XV tricolore, le rugbyman, né de parents kabyles, allie un physique et un mental à toute épreuve.

L’international français évolue au poste de pilier droit ou de pilier gauche au sein du Stade français. © Vincent Fournier/JA

L’international français évolue au poste de pilier droit ou de pilier gauche au sein du Stade français. © Vincent Fournier/JA

Alexis Billebault

Publié le 6 août 2016 Lecture : 4 minutes.

Rabah Slimani a encore un an pour s’y préparer. En juin prochain, le pilier du Stade français quittera l’Île-de-France pour jouer jusqu’en 2020 à l’ASM Clermont Auvergne, l’un des clubs les plus titrés du rugby français. Pour lui qui n’a connu que deux clubs – celui de Sarcelles et le Stade français –, ce départ sera forcément un déchirement. À Paris, avec Djibril Camara ou Hugo Bonneval, ce ne sont pas seulement des coéquipiers mais des amis que cette montagne de muscles de 1,78 m et de 114 kg quittera.

« À Sarcelles, j’habitais rue d’Algérie, cela ne s’invente pas ! » s’amuse celui qui est né là en 1989 de parents kabyles. Et de rappeler que sa ville a vu naître un autre Algérien de cœur, le footballeur Riyad Mahrez, milieu de terrain des Fennecs algériens et de Leicester City.

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Le club parisien en perte de vitesse

Pour son dernier tour de piste avec le Stade français, Rabah Slimani espère ne pas revivre une saison aussi compliquée que celle qui vient de s’achever, où le riche club de l’Ouest parisien s’est longtemps fourvoyé, jusqu’à craindre une relégation en Pro D2. Des tourments qui contrastent avec l’exercice précédent : l’équipe était alors devenue championne de France, et Slimani avait été honoré du titre de meilleur pilier droit du Top 14, décerné par la revue spécialisée Rugbyrama.

« Cela peut arriver à tous les clubs, même les plus prestigieux. On en ressort fatigué, marqué, avec l’intention de ne jamais revivre une telle situation », avoue-t-il. Avec le XV de France, qu’il fréquente depuis novembre 2013, et un match face à la Nouvelle-Zélande, le Sarcellois a participé à sa première Coupe du monde en 2015. Il a marqué deux essais et atteint les quarts de finale, avant de vivre un pénible Tournoi des six nations. Mais l’essentiel, finalement, est ailleurs.

Soutien familial

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Slimani, qui ne détestait pas pratiquer le foot, le basket et le judo, appartient aujourd’hui à l’élite de l’ovalie française, alors qu’il a grandi dans une famille « pas du tout branchée rugby ». S’il y est venu, c’est par hasard, à 10 ans, lors d’un tournoi des écoles.

Pour mon père, c’était d’abord l’école, ensuite le rugby

« Ça m’a plu, mais il fallait convaincre ma mère, pour qui ce sport est violent, se souvient-il. D’ailleurs, quand elle vient assister à un match, elle ne regarde qu’à partir du moment où je sors du terrain. » Il a aussi fallu convaincre son père, employé dans la restauration à la SNCF et dont l’autorité ne se discutait pas.

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« Pour lui, c’était d’abord l’école, ensuite le rugby. Mais, comme il voyait que je m’épanouissais dans ce sport, il était d’accord. Il suivait de très près mes études – j’ai obtenu un bac STI électrotechnique – et il était souvent là pour m’emmener aux entraînements », explique Slimani en évoquant la mémoire de celui qui, décédé en 2015, repose à jamais dans son village natal, Aït Bouada.

Un talent remarquable

À Sarcelles, le talent naissant de l’ado au physique imposant tape dans l’œil du club local, l’AASS, où il signe sa première licence. Fixé au poste de pilier après s’être essayé troisième ligne et talonneur, le jeune Slimani intègre parallèlement la sélection départementale du Val-d’Oise. « J’étais motivé. Il le fallait, car j’ai passé beaucoup de temps dans les transports en commun. Mais je n’avais pas particulièrement en tête le projet de devenir professionnel un jour », confie-t-il.

Repéré par le Racing 92, le Paris UC et le Stade français, Slimani opte pour le dernier, intègre son centre de formation et quitte le domicile familial. « Cela n’a pas été facile, mais c’était une opportunité à saisir, car je venais d’un club de banlieue. »

Appelé en équipe de France des moins de 18 ans, puis dans le groupe professionnel parisien alors qu’il est à peine majeur, il commence sa carrière professionnelle en 2009, à l’occasion d’un match à… Clermont. Sept ans plus tard, il est l’un des meilleurs piliers d’Europe, et Abdelatif Benazzi, l’ancien troisième ligne d’origine marocaine du XV de France, voulait même l’attirer au sein du club Montpellier Héraut Rugby, dont il est le manager.

« C’est un joueur en avance, car un pilier arrive à maturité vers 28 ou 29 ans, explique Abdelatif Benazzi. Slimani a encore une marge de progression, mais il est déjà à un niveau de performance élevé. Il occupe un poste où le mental est essentiel, presque autant que la puissance. »

J’allais en Kabylie quand j’étais enfant, mais, avec le rugby, c’est devenu plus difficile

À 26 ans, Rabah Slimani, dont le frère Chérif, de deux ans son cadet, évolue également au Stade français, appartient à la nouvelle génération d’un rugby français dont la sélection nationale déçoit par ses résultats inégaux. L’ancien taiseux – « je suis désormais plus à l’aise face aux médias » –, père de trois enfants, admet que l’ovalie hexagonale ne pourra pas faire l’économie d’une petite révolution.

De France, il garde un œil attentif sur son pays d’origine, « car le rugby commence un peu à intéresser les gens », mais ses visites y sont devenues rares. « J’allais en Kabylie quand j’étais enfant, mais, avec le rugby, c’est devenu plus difficile. » Il y est retourné l’année dernière pour les obsèques de son père.

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