Ligue arabe : pourquoi le « sommet de l’espoir » a tourné au fiasco

Expédiée en un temps record, la 27e session ordinaire de l’organisation, à Nouakchott, n’a rassemblé qu’une poignée de chefs d’État.

La Ligue arabe réunie au Caire, le 10 janvier 2016. © Ahmed Omar/AP/SIPA

La Ligue arabe réunie au Caire, le 10 janvier 2016. © Ahmed Omar/AP/SIPA

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 4 août 2016 Lecture : 2 minutes.

Pour la première fois depuis la création de la Ligue arabe, en 1945, Nouakchott accueillait, les 25 et 26 juillet, la 27e session ordinaire de l’organisation. En février, le Maroc avait en effet renoncé à recevoir l’événement, afin de ne pas donner « une fausse impression d’unité et de solidarité dans un monde arabe qui traverse une période difficile ». De fait, ce qui devait être « le sommet de l’espoir », selon les organisateurs, a tourné à la déconfiture.

Réunion écourtée et les nombreuses absences des chefs d’Etat

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Des 22 États membres, seuls le Soudan, le Yémen, Djibouti, le Qatar et le Koweït étaient représentés par leurs chefs respectifs, les poids lourds régionaux n’ayant envoyé que des responsables de moindre niveau. Et la réunion, prévue sur deux jours, n’a duré qu’un après-midi. Bref, ce fut le sommet le plus court et la participation la plus faible jamais enregistrés dans les annales de la Ligue, bien que le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, ait voulu y voir « un succès »…

Certes, le Liban et la Libye, sans président, ne pouvaient faire autrement ; Bachar al-Assad, le maître de la Syrie, suspendue en 2011 pour la répression des manifestations, n’était pas le bienvenu ; l’état de santé du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, lui interdisait le déplacement ; et le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a dû renoncer en apprenant la mort de son frère.

Mais le roi d’Arabie saoudite, Salman Ibn Abdelaziz, arguant de problèmes de santé, n’aurait-il pu envoyer son vice-prince héritier, Mohammed Ibn Salman, qui a la haute main sur les affaires du royaume ? Et si le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a prétexté un agenda chargé, des sources diplomatiques suggèrent que c’est sa sécurité qui n’aurait pas été suffisamment assurée.

Enfin, la délégation libanaise – qui n’a pas été la seule à avoir cette indélicatesse – a préféré aller passer la nuit au Maroc voisin, plus confortable : « Les infrastructures sont pitoyables », a déclaré l’un de ses membres à une télévision locale. Un affront pour la Mauritanie, qui n’a eu que trois mois pour se préparer et dont les moyens ne peuvent être comparés à ceux des riches États arabes.

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Le début de la fin ?

« Cette invitation a été traitée avec un mépris qui flirte avec le racisme, commente le politologue libanais Ziad Majed. Mais, au-delà, les chefs d’État ont toujours considéré comme une corvée, voire une punition, de devoir se réunir pour accoucher de communiqués qui la plupart du temps ne disent rien. » De fait, la « déclaration de Nouakchott » a de nouveau énoncé de nobles principes sur la Palestine, l’environnement, la lutte contre le terrorisme et le refus des ingérences iraniennes, sans rien annoncer de concret.

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« Ce fiasco est aussi l’expression de la désunion régionale, qui n’a jamais été aussi forte, poursuit Majed. Entre pro-islamistes et anti-islamistes, entre révolutionnaires et réactionnaires, entre partisans et contempteurs de l’Arabie saoudite… Et alors que la Ligue doit porter l’idéal de l’unité arabe, nombre d’États qui la constituent se désagrègent eux-mêmes. » Quel signal ont voulu envoyer ses dirigeants en annonçant l’organisation du sommet 2017 dans un Yémen aujourd’hui écrasé sous les bombes saoudiennes ?

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