COP22 – Kamal Lahbib : « Le Maroc doit adopter une démarche environnementale cohérente »

À trois mois de la COP22, le coordinateur de la Coalition marocaine pour la justice climatique souligne la place prise par la question du développement durable dans la société civile.

Kamal Lahbib, dans son bureau de la Société Maroc Rouleaux
à Casablanca, le 12 juillet 2016 © naoufal sbaoui pour J.A.

Kamal Lahbib, dans son bureau de la Société Maroc Rouleaux à Casablanca, le 12 juillet 2016 © naoufal sbaoui pour J.A.

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 16 août 2016 Lecture : 3 minutes.

«Le Maroc n’est pas une poubelle ! » scandaient les Marocains début juillet pour protester contre l’importation d’une cargaison de déchets italiens. Quelques semaines auparavant, ils étaient descendus dans les rues par milliers pour y ramasser les sacs en plastique abandonnés et montrer leur adhésion à l’entrée en vigueur, le 1er juillet, de la loi interdisant leur utilisation.

Militant alternatif de longue date et coordinateur de la Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC), une ONG née en février et regroupant 200 associations, Kamal Lahbib, 66 ans, explique comment le royaume est devenu eco friendly. Et, à trois mois de la Conférence des parties sur la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la COP22, qui doit se tenir à Marrakech du 7 au 18 novembre, il revient sur les objectifs de la société civile, marocaine et internationale.

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Jeune Afrique : Entre la COP7, qui s’est tenue à Marrakech en 2001, et aujourd’hui, la société civile est-elle mieux représentée ? Son rôle a-t-il changé ?

Kamal Lahbib : Grâce à elle, depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992, la question de l’environnement n’est plus abordée de manière technocratique mais via le lien étroit entre les dérèglements climatiques d’origine humaine d’un côté et la justice et le développement humain de l’autre. À présent, les populations réalisent l’importance de ces enjeux.

On a pourtant l’impression que le climat reste un débat d’élites…

Cela fait quarante ans que je bataille au sein des associations. Aujourd’hui, une véritable mutation sociale s’opère au Maroc. Prenons l’exemple de la loi entrée en vigueur le 1er juillet, qui interdit les sachets en plastique : les gens ont compris qu’ils sont un danger, mais ils réclament une alternative.

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Sur les marchés populaires ou dans les campagnes, on me parle de problèmes de gestion de l’eau, de désertification, d’excès de pesticides… Les Marocains ont pris conscience de ces problèmes qui les touchent dans leur quotidien, qui menacent leur santé, voire leur survie, et ils réclament des mesures concrètes de la part de l’État.

Pourquoi cette conscience n’est-elle pas plus visible au niveau politique ?

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Notre seul handicap aujourd’hui est la persistance de faibles taux de participation lors des scrutins. Nous n’arrivons donc pas à donner une légitimité populaire aux élus. La bataille que nous menons depuis que nous avons lancé le Forum social Maroc, en 2000, consiste justement à mettre en place des mécanismes de démocratie participative. Il y aura toujours des résistances de la part de l’État et notre mission, en tant que société civile, est de le pousser à adopter des mesures qui consacrent le droit du peuple à s’autodéterminer.

Comment comprendre qu’on demande aux citoyens de cesser d’utiliser des sacs plastiques quand on autorise l’importation de déchets en plastique ?

L’affaire des déchets italiens destinés à être incinérés au Maroc présage-t-elle une confrontation entre l’État et la société civile ?

Le nombre de communiqués publiés par les associations et relayés sur les réseaux sociaux pour cette affaire est tout simplement extraordinaire. Même s’il l’a fait en retard, le ministère de l’Environnement a fini par réagir. Lorsqu’ils crient que « le Maroc n’est pas une poubelle », les citoyens appellent l’État à se montrer cohérent dans sa démarche. Comment comprendre qu’on leur demande de cesser d’utiliser des sacs plastiques quand on autorise l’importation de déchets en plastique ?

Pourquoi le gouvernement ne commence-t-il pas par mettre en place un système de tri sélectif qui permette de recycler nos propres déchets ? Autant de questions qui feront certainement avancer le chantier de la justice climatique. Au-delà de toute polémique, la société civile réclame l’accès à l’information, la transparence des transactions, l’arbitrage de commissions indépendantes et la fin de l’impunité dans ces domaines.

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