Alain Ebobissé : « Africa50 est un pont entre acteurs privés et gouvernements »

Désormais à la tête du fonds spécialisé dans les infrastructures, le Camerounais définit ses ambitions pour ce véhicule d’investissement soutenu par vingt-deux pays actionnaires.

Alain Ebobissé, nouveau Directeur Général du Fonds Africa50 promet de porter le capital à 1 milliard de dollars avant fin 2016. © Fonds Africa50

Alain Ebobissé, nouveau Directeur Général du Fonds Africa50 promet de porter le capital à 1 milliard de dollars avant fin 2016. © Fonds Africa50

fahhd iraqi

Publié le 18 août 2016 Lecture : 3 minutes.

Son mandat démarre le 8 août. Mais Alain Ebobissé arpente les couloirs du fonds Africa50, à Casablanca, depuis avril. « J’ai travaillé avec l’équipe qui assurait l’intérim pour m’imprégner des dossiers », nous confie ce spécialiste des investissements dans les infrastructures. Un domaine dans lequel il exerçait aux quatre coins du monde depuis 1998 pour la Société financière internationale (IFC). « Mais le challenge est encore plus passionnant en Afrique », affirme-t-il.

Jeune Afrique : En quoi Africa50 se distingue-t-il d’autres véhicules d’investissement panafricains ?

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Alain Ebobissé : Africa50 a la particularité d’être détenu par des États actionnaires qui lui donnent un mandat de gestion purement commercial. Nous avons l’ambition d’être un pont entre les acteurs privés intéressés par des investissements dans des projets d’infrastructures et les gouvernements soucieux de mener à bien des programmes de développement. Le facteur clé de succès sera l’étroite collaboration entre les gouvernements et les acteurs privés. C’est ce que j’ai rappelé à mes actionnaires au cours de la dernière assemblée [réunie le 21 juillet à Casablanca].

Avec vingt-deux pays actionnaires, ne redoutez-vous pas des querelles sur l’ordre de priorité ?

La priorité sera accordée aux bons projets. Nous avons des objectifs de financement, mais aussi de rendement. Il y aura des contraintes dans l’allocation des fonds, mais elles relèveront de la diversification des investissements [avec un plafond par pays], non d’une préférence pour tel ou tel actionnaire.

Vous visez 1 milliard de dollars (environ 895 millions d’euros) de capitalisation d’ici à décembre. Cela reste loin des besoins de financement d’infrastructures du continent…

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Effectivement, ces besoins sont énormes en Afrique, de 50 à 100 milliards de dollars par an. Si l’objectif d’Africa50 est bien de lever 1 milliard de dollars pour cette fin d’année, j’espère que nous pourrons lever plusieurs milliards à terme, en mobilisant des investisseurs institutionnels en plus des États actionnaires. La contribution des gouvernements représente un signal fort : ils soutiennent un véhicule géré de manière commerciale et attractive pour le secteur privé.

Nous désirons que les États actionnaires nous appuient financièrement mais aussi en améliorant leurs politiques sectorielles. Car ce n’est pas l’argent qui manque, mais plutôt les projets bancables au niveau de rendement consistant par rapport aux risques pris. Les fonds de pension africains disposent de ressources s’élevant à quelques dizaines de milliards de dollars qui peuvent être mobilisés dans des investissements de long terme dès lors que les risques sont maîtrisés. C’est ce qui va nous permettre de lever des fonds privés.

Nous n’allons pouvoir financer que des projets permettant un retour acceptable

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Quel taux de rendement votre fonds cible-t-il ?

Nous discuterons en conseil d’administration pour définir dans quelle mesure nous pouvons rendre public notre taux de rentabilité. Il y aura plusieurs taux, en fonction du stade auquel en sont arrivés les projets financés. En phase de développement, nous exigerons un taux plus élevé que celui des projets opérationnels. Car nous envisageons de prendre des participations dans des projets déjà lancés, de manière à constituer un portefeuille diversifié avec un profil de risque maîtrisé.

Et quel est l’horizon moyen de placement d’Africa50 ?

Nos actionnaires gouvernementaux nous ont donné toute latitude sur la durée de nos investissements. Naturellement, nous allons tenter de viser l’horizon le plus lointain possible tandis que les acteurs de marché vont préférer un délai court. Nous finirons par trouver un arrangement. Mais, encore une fois, Africa50 a un mandat de gestion privé : nos actionnaires sont conscients que nous n’allons pouvoir financer que des projets permettant un retour acceptable. Et nos partenaires comprendront que les investissements dans les infrastructures ne peuvent générer du cash-flow qu’à long terme.

Quand allez-vous annoncer vos premiers investissements ?

Nous avons déjà identifié un certain nombre de projets, aujourd’hui en cours d’instruction, et nous passons en revue d’autres opportunités. Je ne peux vous en dire plus. Dans ma culture [celle de la Banque mondiale], tant que l’accord n’est pas signé, rien n’est définitivement acquis. Mais j’espère pouvoir annoncer nos premiers investissements avant la fin de cette année.

Avez-vous défini des domaines prioritaires ?

Nous souhaitons couvrir la plupart des sous-secteurs des infrastructures. La priorité sera accordée à l’énergie, en cohérence avec l’un des cinq grands objectifs du développement de l’Afrique annoncés par le président de la BAD. Sans énergie, on ne peut pas faire grand-chose.

En plus, les besoins de financement dans ce domaine sont de loin les plus importants. En Afrique subsaharienne, nous estimons qu’ils représentent 50 % de l’enveloppe à consacrer aux infrastructures. Nous travaillerons aussi sur les transports, en finançant la construction de ports par exemple. Autre domaine important : le gaz. Le sous-sol africain en est riche, il faudra l’acheminer et le distribuer aux industriels et aux ménages pour gagner en compétitivité et en qualité de vie.

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