Musique : avec Bombino le rock touareg a des ailes
Avec le son rock, le beat reggae et l’énergie du tendé d’Azel, Bombino promène sa guitare hypnotique aux quatre coins du monde. Et entraîne les rythmes touaregs vers d’autres horizons.
Aujourd’hui, l’homme bleu est drapé d’une tunique verte et d’une écharpe blanche. Avec son look touareg et sa bonhomie, Bombino porte bien le surnom de « gentil homme du désert ». « À l’âge de 12 ans, je chantais déjà dans les mariages, et on m’a appelé ainsi », raconte Omara Moctar, de son vrai nom, sur un ton à la fois empreint de timidité et de rondeur, à mille lieues des dures épreuves qu’il a dû traverser.
Un parcours symbolique
Né en 1980 au sein d’un campement touareg, dans les environs d’Agadez, au Niger, celui qui deviendra Bombino a dû suivre sa famille en exil en Algérie lorsqu’il avait 12 ans, après le déclenchement de la rébellion touarègue. Ce n’est que cinq ans plus tard, en 1997, qu’il peut revenir dans son Niger d’origine et tente de démarrer une carrière de musicien professionnel. Pendant plus d’une décennie, il anime des mariages avec son groupe.
Son premier album, Guitars from Agadez, est d’ailleurs en bonne partie enregistré « à la roots » lors de l’une de ces cérémonies d’épousailles. Mais, en 2007, Bombino est de nouveau contraint à l’exil : de nouvelles tensions apparaissent au Niger et le pouvoir en place semble déterminé à réprimer la rébellion du peuple touareg. Deux de ses musiciens sont exécutés par des militaires. Cette horreur, Bombino ne l’a bien sûr jamais oubliée : « Je pense à eux à chaque fois que je monte sur scène. Je me dis que c’est injuste qu’ils n’aient pas eu la chance de profiter avec nous de ce succès », confie-t-il, la gorge serrée.
Une alliance entre le rock et le reggae, ponctuée par les rythmes touaregs
Dans ce contexte politique, Bombino, qui s’exile au Burkina Faso, devient un symbole de la lutte touarègue. L’histoire du groupe séduit l’un des grands noms de Hollywood : le réalisateur Ron Wyman. Ce dernier part à la recherche de Bombino pour réaliser avec lui Agadez, the Music and the Rebellion, un documentaire qui met en lumière les souffrances des Touaregs.
« C’est une rencontre qui a changé ma vie. C’est grâce à lui que nous avons pu enregistrer notre véritable premier album », raconte l’artiste en référence à son opus Agadez, sorti en 2011. Entre-temps, le conflit au Niger a pris fin. Et, début 2010, Bombino est accueilli en héros dans son pays : il donne un concert au pied de la Grande Mosquée d’Agadez devant un public conquis célébrant la fin de la lutte. « Un moment historique, sans doute le plus beau jour de ma vie : pouvoir enfin partager ma musique avec mon peuple, chez moi », se rappelle-t-il.
Bombino multiplie les rencontres musicales. Avec Dan Auerbach, guitariste des Blacks Keys, il sort Nomad en 2013. Un deuxième album avec lequel la rock star du Niger écume les scènes du monde entier : de l’Australie aux États-Unis en passant par l’Europe et quelques escales en Afrique. Son aventure continue avec Azel, son dernier opus enregistré dans un studio de Woodstock, dans l’État de New York. « Après mon village d’Agadez, j’ai voulu rendre hommage à la ville avoisinante, Azel », explique-t-il. L’album, qui en mêlant sons rock et reggae dessine un nouveau genre, le touareggae, que ne renie pas Bombino, lui vaut l’estime de la critique.
Un discours engagé
Dans ses chansons, Bombino parle de paix, d’amour et, toujours avec cet esprit rebelle qui l’anime, s’insurge contre les nouveaux maux du Sahel. Car s’il est aujourd’hui satisfait de la situation politique au Niger, avec la reconduction de Brigi Rafini, premier Touareg à occuper la fonction de Premier ministre, il n’en est pas moins affecté de la situation sécuritaire au Sahel. « Pas d’alliance avec les terroristes, pas de feu sortant de la bouche des kalachnikovs », assène-t-il en tamasheq. Pour trouver son inspiration, l’homme a sillonné à Mobylette son Agadez natal, comme un pied de nez à ces moudjahidine qui, dénonce-t-il dans ses chansons, mènent, à bord de leurs pick-up, des razzias dans les villages de cette étendue désertique.
La sensibilité et la révolte dégagées par le son de Bombino sont communicatives. Sur la scène de Bouregreg à Rabat, où il s’est produit en concert dans le cadre du festival Mawazine, rythmes du monde, en mai, des milliers de Marocains et ressortissants subsahariens ont apprécié le son endiablé de la guitare de Bombino et celui de ses musiciens. « C’est ma première scène au Maroc, et j’espère y revenir très bientôt. C’est toujours très particulier de jouer en Afrique », confie le Nigérien, qui depuis trois ans déjà n’arrête pas de sillonner la planète. D’ici au début du mois d’octobre, il se produira dans plus d’une vingtaine de villes européennes et américaines. Le rock touareg a trouvé son nouvel ambassadeur.
Azel, de Bombino (Partisan Records).
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