Mali : ils sont déjà dans la course à la présidentielle
Mali mélo à mi-mandat
Ibrahim Boubacar Keïta avait promis de rétablir la sécurité et l’autorité de l’État, d’accélérer le développement, en particulier dans le Nord, et de restaurer la bonne gouvernance. Trois ans après son élection, aucun de ces chantiers majeurs n’a encore abouti. Même si, sur tous les fronts, les choses ont progressé.
Moussa Mara, Président du parti Yéléma
Dans son vaste bureau décoré de nombreux masques et statuettes, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, vêtu d’un costume blanc et coiffé d’un fougoulan tout aussi immaculé, le très pieux Moussa Mara a des allures de jeune chef d’État panafricaniste. Le président de Yéléma (« le changement », en bambara), parti de centre droit qu’il a créé en 2010, a été nommé ministre de l’Urbanisme et de la Politique de la ville en septembre 2013, puis Premier ministre en avril 2014 – le plus jeune de l’histoire malienne –, avant d’être finalement remercié début janvier 2015.
Depuis, il estime encore être un membre de la majorité présidentielle, « mais critique ». Et il n’occulte pas ses échecs. « J’ai fait mon devoir d’homme d’État républicain », dit-il à propos de sa visite contestée à Kidal, en mai 2014, alors qu’il était Premier ministre, et qui provoqua une reprise des affrontements entre l’armée malienne et les rebelles indépendantistes, occasionnant plusieurs morts.
Aujourd’hui, à 41 ans, il a repris ses activités d’expert-comptable à ACI 2000, un quartier de la commune IV de Bamako, dont il a été le maire de 2009 à 2013. Il dit avoir pour modèles « des hommes qui ont fait preuve de courage », comme « Paul Kagame, qui a rétabli la souveraineté du Rwanda, et Alassane Ouattara, qui a remis la Côte d’Ivoire sur la voie de l’émergence ».
Son prochain objectif ? La mairie centrale de Bamako, qu’il compte briguer lors des communales (reportées à quatre reprises depuis fin 2013, elles devraient se tenir le 20 novembre). Ensuite, peut-être se lancera-t-il dans la bataille présidentielle de 2018, comme il s’apprêtait à le faire en 2012, avant que le coup d’État chamboule tout. En attendant, Moussa Mara vient de publier Jeunesse africaine, le grand défi à relever (éd. Mareuil) – comme un appel du pied aux futurs jeunes électeurs.
Tiébilé Dramé, Président du Parti pour la renaissance nationale (Parena)
Lors de la grande manifestation « contre le régime IBK », le 21 mai dernier, on ne voyait que lui en tête de cortège, à côté de Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition (lire p. 79). Historien de formation, l’ancien leader étudiant, homme de gauche plusieurs fois emprisonné et contraint à l’exil sous Moussa Traoré (1968-1991), aime les bains de foule. À 61 ans, le président du Parti pour la renaissance nationale est aussi plus mesuré.
Dans sa confortable villa bamakoise, assis sur un très vieux sofa éthiopien – « acheté par ma femme », précise-t-il –, la télévision branchée sur CNN, Tiébilé Dramé a fière allure dans sa chemise noire à col Mao. Et il prend le temps de choisir les bons mots pour énumérer les maux du Mali. « La dilapidation des ressources publiques, la corruption, l’improvisation, le pilotage à vue, égrène-t-il finalement.
On a le résultat qu’on mérite… Et le pays est dans une impasse politique. » Après avoir été l’un des premiers à soutenir avec force l’intervention militaire française Serval en 2013, il déplore aujourd’hui « l’amnésie générale » face aux événements de 2012. « Si j’arrive au pouvoir, dit-il, j’organiserai de grandes rencontres pour que les Maliens décident de leur avenir, car le pouvoir ne les écoute pas. »
Oumar Mariko, Secrétaire général du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi)
Il est facile d’imaginer qu’un jour le portrait d’Oumar Mariko sera accroché, à côté de ceux de Karl Marx et de Fidel Castro, sur les murs de la permanence du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance. Son tonitruant secrétaire général est persuadé d’entrer dans l’histoire et qu’en 2018 viendra son heure. Sinon, il se retirera de la vie politique. « À quoi bon être président trop vieux, maugrée-t-il. Regardez IBK, il n’a plus d’énergie. C’est l’immobilisme ! »
Oumar Mariko, qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, est le plus prompt à dégainer, et le plus virulent, lorsqu’il s’agit de tirer sur la majorité, dont il fait pourtant partie. « Je suis prêt à accompagner IBK dans la rupture, mais là il a pris le chemin inverse, dit-il. Les Maliens ne l’ont pas vulà où ils l’attendaient, dans la lutte contre la corruption, dans la protection des paysans contre les malversations foncières. »
Le « docteur Mariko » joue les hommes intègres et rappelle que « Sadi est le seul parti à n’avoir jamais fait de compromis. C’est pour ça qu’aujourd’hui on y constate une recrudescence de militants. Moi, j’assume, j’ai soutenu le putsch en 2012 et je reste libre. Je ne suis le petit de personne. » Musulman « façon », comme on dit au Mali, il n’en est pas à une contradiction près. Fermement attaché à la séparation entre la religion et l’État, il ne verrait pourtant aucun inconvénient à s’associer avec des chefs religieux pour gouverner.
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