Maroc : les Forces armées royales, sentinelles de Mohammed VI

Du Congo au Yémen, des Émirats au Niger, de la Côte d’Ivoire à la Centrafrique, en treillis ou sous Casques bleus, les Forces armées royales exportent leur savoir-faire. Enquête sur des fauteurs de paix.

Cérémonie de prestation de serment d’officiers frais émoulus, devant le palais royal de Tétouan, le 31 juillet. © DN photography

Cérémonie de prestation de serment d’officiers frais émoulus, devant le palais royal de Tétouan, le 31 juillet. © DN photography

fahhd iraqi

Publié le 31 août 2016 Lecture : 6 minutes.

Dimanche 31 juillet, place du Mechouar au palais royal de Tétouan. Au garde-à-vous et en tenue d’apparat, 1 503 officiers répètent en chœur le fameux serment d’Al Massira. C’est la traditionnelle cérémonie de prestation de serment des lauréats des différentes écoles militaires et paramilitaires que préside chaque année Mohammed VI en sa qualité de chef suprême des Forces armées royales (FAR).

Cette nouvelle promotion d’officiers a été baptisée par le roi Conseil de coopération du Golfe – « en hommage aux liens de fraternité et d’entente qui nous unissent à nos frères […] et en considération du partenariat stratégique, axé sur la coopération fructueuse et la solidarité concrète », explique le souverain.

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En guerre contre Daesh

Le geste vient ainsi symboliser la solidarité militaire du Maroc avec les pays du Golfe, effective depuis toujours. Dernière démonstration en date, le placement, fin 2014, d’unités marocaines sous le commandement des Émirats arabes unis, membres de la coalition internationale contre Daesh. « C’était une manière pour le Maroc d’exprimer indirectement son soutien à cette coalition sans pour autant se positionner officiellement comme État membre », nous explique un universitaire spécialisé dans les relations internationales. Dans les faits, plusieurs centaines de soldats marocains triés sur le volet parmi différentes garnisons du royaume se sont envolés pour les Émirats arabes unis.

Mais, comme toute grande muette, les FAR n’ont jamais communiqué le détail de ce déploiement ni même la nature des opérations menées sur place. Les Marocains découvriront une partie du dispositif en avril 2015 à travers des images diffusées par une chaîne émiratie. On y voit notamment le prince héritier d’Abou Dhabi, Cheikh Mohamed Ibn Zayed Al Nahyane, saluer une escadrille des FAR sur une base militaire utilisée par la coalition arabe à Taëf (dans l’ouest de l’Arabie saoudite).

Un reportage réalisé quelques jours après la participation de l’escadron Spark (composé de six F-16 marocains) à une mission de bombardement des positions houthistes au Yémen baptisée Tempête de fermeté. Moins d’un mois plus tard, un F-16 marocain sera d’ailleurs abattu lors d’une mission de patrouille à la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen.

Aux côtés des frères arabes

Au-delà de ce déploiement aux Émirats arabes unis, les relations militaires entre le Maroc et les monarchies pétrolières du Golfe s’étendent à bien d’autres opérations. En 2011, par exemple, plusieurs médias ont rapporté qu’un accord avait été conclu entre le Maroc et la Jordanie « en vertu duquel une unité de 20 000 soldats des deux pays sera basée dans le sud de la Jordanie pour défendre les États du Golfe ».

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Une information qui n’a jamais été démentie par l’armée bien que la seule présence militaire marocaine officielle sur le sol jordanien se résume à l’hôpital médico-chirurgical du camp Zaatari, qui abrite des réfugiés syriens.

Il faut dire que, dans cette région, le Maroc n’a jamais hésité à répondre à l’appel des pays arabes. À l’époque de Hassan II, des contingents des FAR avaient été déployés en Arabie saoudite lors de l’invasion du Koweït, en 1990. Une vingtaine d’années auparavant, lors de la guerre du Kippour (1973), l’armée marocaine avait envoyé 5 500 hommes au Golan pour combattre aux côtés de leurs frères arabes. Et, au-delà des opérations menées dans le cadre de coalitions, l’expertise militaire marocaine a souvent été mise au service des pays du Golfe pour former des unités de combat et de sécurité.

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Le fait que la police de l’émirat d’Abou Dhabi a été formée par les Marocains, sous la supervision notamment du général Hamidou Laanigri, est un secret de Polichinelle. « Ce sont les princes du jeune État émirati qui avaient sollicité le roi, nous explique notre universitaire. C’est une mission qui a duré de longues années et porté ses fruits dans la mesure où les forces sécuritaires des Émirats arabes unis comptent aujourd’hui parmi les plus performantes de la région. »

En Afrique contre le terrorisme

Les théâtres d’intervention de l’armée marocaine s’étendent aussi aux terres africaines, souvent d’ailleurs sous la bannière de l’ONU. Dès 1960, soit quatre ans seulement après la constitution des FAR, des troupes marocaines participaient en tant que Casques bleus à une mission dans l’ex-République du Congo. Elles joueront même un rôle déterminant dans la reprise des régions rebelles du Katanga et du Sud-Kasaï par le Premier ministre Patrice Lumumba.

Le soutien aux pays amis africains a revêtu plusieurs formes à travers l’histoire. Outre les opérations estampillées « secret-défense » dont personne n’entendra jamais parler, les officiers marocains ont participé sous Hassan II à la protection rapprochée de plusieurs chefs d’État, dont l’Équato-Guinéen Obiang Nguema et le Gabonais Omar Bongo Ondimba.

En ces temps de guerre généralisée contre le terrorisme, le Maroc apporte son soutien à plusieurs pays africains dans leur lutte contre les cellules jihadistes. Lors de l’intervention française au Mali, le royaume a fourni un soutien logistique décisif. Le renseignement marocain est d’ailleurs considéré comme une référence dans le combat contre le terrorisme, que ce soit au Moyen-Orient ou dans le Sahel.

Fin juillet, Mohammed VI a même proposé au Niger une aide militaire sous forme de matériel dans sa lutte contre Boko Haram. « Mohammed VI a autorisé, par solidarité avec le Niger, la fourniture d’équipements militaires, à l’exception des munitions létales, pour aider son allié traditionnel dans la région du lac Tchad à faire face aux incursions répétées de Boko Haram à partir du Nigeria voisin », a annoncé Maghreb Arabe Presse, l’agence officielle du royaume.

Forces armées… internationales

L’armée marocaine est également active à l’international. Plusieurs exercices sont menés chaque année avec d’autres forces armées, que ce soit celles de pays voisins (comme l’Espagne) ou de pays arabes, voire avec les troupes de l’Otan. Les FAR comptent par ailleurs plusieurs participations à des opérations de maintien de la paix sous la bannière de l’ONU.

À la fin juin, plus de 1 600 hommes étaient déployés dans le cadre de missions onusiennes. Le bilan de ces opérations a même fait l’objet d’une exposition organisée par la direction de l’histoire militaire de l’état-major des FAR à l’occasion du premier sommet humanitaire mondial, en mai, à Istanbul. L’armée marocaine aura participé à huit contingents de Casques bleus auxquels elle a fourni quelque 60 000 hommes et se charge également de l’acheminement des aides humanitaires octroyées par le royaume : plus de 4 000 heures de vol des transporteurs militaires C-130 ont ainsi été recensées par l’état-major des FAR dans le cadre d’opérations menées dans trente-trois pays.

Au cours de ces missions, « le soldat marocain se distinguait régulièrement par sa discipline, son courage et son dévouement, souligne Abderrahmane Mekkaoui, professeur à l’École militaire de Paris. C’est la preuve de l’engagement du royaume en faveur de la défense de la légalité internationale et une marque de son attachement au règlement pacifique des différents conflits dans le monde ».

Un arsenal modernisé

Si l’armée marocaine peut se permettre désormais de fournir une aide en matériel, c’est qu’elle a considérablement renouvelé son arsenal lors de la dernière décennie. Entre 2010 et 2016, les dépenses des FAR ont ainsi atteint la somme de 250 milliards de dirhams (22,9 milliards d’euros). Selon le Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), la part du budget de l’armée dans les dépenses publiques s’élève à 10,6 % en 2015 et avait même atteint 14,5 % en 1990. Mieux, le royaume se classe au 13e rang mondial des pays importateurs d’armes. Au cours des vingt-cinq dernières années, une part non négligeable du PIB a été consacrée à l’achat d’équipements militaires et de différents types d’armement : 4,1 % en 1990 et 3,2 % en 2015, soit l’équivalent respectivement de 1,07 et de 3,68 milliards de dollars (de 964,6 millions à 3,31 milliards d’euros). Fortes de 200 000 hommes – et de 150 000 réservistes –, les FAR constituent la septième armée d’Afrique (l’Algérie est deuxième, la Tunisie douzième). « Le Maroc, nous explique une source universitaire, n’a pas eu d’autre choix que de s’équiper, vu la course au surarmement que lui impose le voisin algérien, qui a profité de la flambée des cours du pétrole observée ces dernières années pour passer des commandes à tour de bras. » Et d’ajouter : « Il faut reconnaître néanmoins que le royaume prend soin de diversifier ses fournisseurs et de s’allier avec différentes puissances militaires. »

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