Enquête : pourquoi le métro d’Abidjan n’est toujours pas sur les rails
La mise en service du premier tronçon du train urbain de la mégalopole ivoirienne est reportée une nouvelle fois d’au moins trois ans. Retour sur les péripéties d’un projet qui a bien du mal à avancer.
Annoncé pour 2017, puis 2019, le premier tronçon de 37,9 km du train urbain baptisé « métro d’Abidjan », qui doit transporter 300 000 citadins chaque jour, ne sera finalement pas mis en service avant 2020. De multiples reports qui s’expliquent par des négociations âpres entre l’État et les entreprises intéressées par le projet – principalement françaises et coréennes. Certaines ont même fini par jeter l’éponge.
Un nombre insuffisant d’offrants
Dernier sujet qui achoppe entre les autorités ivoiriennes et le consortium de la Société de transports abidjanais sur rail (Star), qui réunit Bouygues (pour le génie civil), Dongsan Engineering (ingénierie), Hyundai Rotem (matériel roulant et signalisation) et Keolis (exploitation) : la question cruciale de la garantie de trafic.
Suivi en haut lieu à la présidence ivoirienne, le projet du métro d’Abidjan n’en est pas à ses premières difficultés.
En cas de fréquentation inférieure à un seuil minimal, l’État doit s’engager contractuellement à verser une compensation au groupement. Et pour le moment, les deux parties ne se sont accordées ni sur le niveau de ce seuil, ni sur celui de la compensation.
Suivi en haut lieu à la présidence, le projet du métro n’en est pas à ses premières difficultés. L’appel d’offres pour la réalisation de la première ligne, lancé en mai 2013, est revenu infructueux au mois de décembre de la même année, au motif que les entreprises candidates – dont leur chef de file, le français Alstom – ne répondaient pas aux critères du gouvernement, notamment sur les questions de financement.
Pour faire avancer le dossier malgré tout, le Premier ministre Daniel Kablan Duncan avait autorisé en février 2014 Gaoussou Touré, le ministre des Transports, à ouvrir un cadre d’accord de négociation exclusif sans appel d’offres, en incitant les entreprises soumissionnaires à former un consortium, duquel Alstom s’est retiré au dernier moment.
« La structuration du financement ne répondait plus à notre éthique », nous confie une source proche du dossier au sein de la société française, regrettant le manque de transparence des autorités dans la gestion de ce dossier et leur volonté d’imposer le coréen Dongsan Engineering en lieu et place de son compatriote et partenaire privilégié Systra.
Après la sortie d’Alstom et de Systra du projet, les sociétés parties prenantes de la Star ont fait gonfler le budget. Fin 2015, ils ont fait savoir au gouvernement que 1 milliard d’euros serait nécessaire pour la première ligne, au lieu des 500 millions d’euros planifiés initialement. Mais avant même que les chantiers ne démarrent, la seule réalisation des études complémentaires coûtera 40 millions d’euros, financés via un prêt de la Banque Atlantique de Côte d’Ivoire (Baci).
Un montant que la Star justifie par des risques importants et un niveau de qualité inspiré du Gautrain de Johannesburg, en Afrique du Sud (piloté par Bombardier), et de la ligne 9 du métro de Séoul (menée par Hyundai).
L’addition pour le métro d’Abidjan semble salée par rapport au tramway d’Addis-Abeba (412 millions d’euros) et au projet de train express régional de Dakar (744 millions d’euros).
Addition salée
Reste que l’addition pour le métro abidjanais semble salée si on la compare aux budgets du tramway d’Addis-Abeba (412 millions d’euros), qui vient d’entrer en service, et du projet de train express régional de Dakar (744 millions d’euros). Pourtant, la Star pourra utiliser une partie des infrastructures ferroviaires préexistantes et ne prévoit pas de réaménagement urbain d’envergure. Le gouvernement veut éviter les opérations de déguerpissements dans les quartiers populaires d’Abobo et d’Adjamé, traversés par la future ligne 1 nord-sud.
En attendant la fin des études, les premiers coups de pelleteuse n’ont toujours pas été donnés. « Le chantier devrait durer de trois à cinq ans et demi », indique-t‑on au ministère des Transports.
Quant à la réflexion sur une éventuelle ligne 2, d’ouest en est, de Yopougon jusqu’à Bingerville, elle en est encore à ses balbutiements. Selon une source à la présidence, Frank Timis, un entrepreneur minier controversé qui a déjà travaillé avec plusieurs groupes ferroviaires chinois en Afrique de l’Ouest, aurait été sollicité pour participer à ce second projet. Une information démentie par l’entourage du tycoon australo-roumain, qui ne semble pas intéressé.
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