Stratégie : face à l’essoufflement de sa croissance, le Maroc mise sur l’industrie

Abdellatif Jouahri, le gouverneur de Bank Al-Maghrib, le martèle : il faut changer de modèle économique. Analystes et patrons s’entendent sur un même cap : étoffer l’appareil productif du royaume.

Abdellatif Jouahri est le gouverneur de Bank Al-Maghrib, la Banque centrale du Maroc. © Stringer/REUTERS

Abdellatif Jouahri est le gouverneur de Bank Al-Maghrib, la Banque centrale du Maroc. © Stringer/REUTERS

fahhd iraqi

Publié le 1 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Le Maroc doit changer de modèle économique ! Ces derniers mois, c’est le même message qui est répété, comme un mantra, par les principaux décideurs du royaume en la matière. À chaque conférence ou présentation de rapport, ils soulignent les limites qui brident le développement du pays. Le dernier haut responsable à pointer cette réalité n’est autre que le wali de Bank Al-Maghrib.

Le 29 juillet, dans sa présentation au roi Mohammed VI du rapport annuel de la banque centrale, perçu comme très critique, Abdellatif Jouahri a décrypté les symptômes du patient économique marocain : « La faiblesse de la croissance et de la création d’emplois, la sensible détérioration des déficits ces dernières années, l’aggravation du niveau d’endettement et la persistance d’un faible niveau de compétitivité de notre tissu productif sont autant de signes de fragilité qui reflètent l’essoufflement d’un modèle de développement basé sur la demande intérieure », a-t-il lancé devant le chef d’État. Et le gouverneur a des arguments chiffrés pour étayer ses dires.

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La consommation au ralenti

Depuis deux ans, la demande intérieure patine. Elle n’a progressé que de 0,9 % en 2015, après une petite hausse de 1,2 % en 2014. Quant à sa contribution au développement économique, elle n’était que de 1,3 point pour 2,4 % de croissance en 2014 ; et de 1 point seulement pour 4,4 % de croissance en 2015.

Révolu donc le temps où la consommation des ménages et les dépenses publiques constituaient le moteur de croissance du royaume : entre 2008 et 2013, la contribution de la consommation à la croissance a été de 3,7 points, soit une contribution moyenne de 58 % du PIB sur cette période. Avec les piètres performances de 2015, le Maroc est revenu aux niveaux observés… il y a vingt ans.

« Ce modèle nous a permis jusque-là de contenir les effets de la crise mondiale de 2008 […] Mais il est aujourd’hui insuffisant pour garantir un niveau de croissance soutenu », estime le ministre de l’Économie et des Finances, Mohamed Boussaid, dont l’analyse va dans le même sens que celle de Jouahri. Le ministre, comme le gouverneur, préconise une véritable refonte de ce modèle en mettant l’industrie, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois, au centre des mutations, grâce à son potentiel en matière d’exportation.

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L’industrialisation, une porte de sortie

L’effort d’industrialisation, mis en avant depuis longtemps par les autorités, mais qui a peiné à se concrétiser, fait la quasi-unanimité chez les opérateurs et observateurs économiques. Début juillet, lors de la présentation de son budget exploratoire 2017, le Haut-Commissariat au plan, dirigé par Ahmed Lahlimi, a appelé à fédérer urgemment les énergies « à tous les niveaux pour engager un réajustement résolu du modèle économique national dans le cadre d’une nouvelle ère de croissance axée sur l’industrialisation ».

Douze secteurs ont été structurés en 41 écosystèmes

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À en croire le ministre de l’Économie, le Maroc est cette fois-ci sur la bonne voie. « Le plan d’accélération industrielle et les différentes réformes menées devraient permettre de porter la contribution de ce secteur au PIB de 14 % à 23 % sur les six prochaines années », affirme Mohamed Boussaid. Le processus de création d’écosystèmes, mis en place par le ministère de l’Industrie, piloté par Moulay Hafid Elalamy, a, c’est vrai, connu un certain succès.

À fin juin, douze secteurs ont été structurés en 41 écosystèmes, engageant les industriels à générer 250 000 emplois. En contrepartie, 17,3 milliards de dirhams (environ 1,6 milliard d’euros) ont été mobilisés par les pouvoirs publics pour soutenir ces pans d’industrie. « Cette approche a eu le mérite de permettre de baisser le coût du capital et donc de remettre l’industrie au goût du jour », fait valoir Abdelhakim Marrakchi, vice-président de la Confédération générale des entreprises du Maroc.

Mais, pour cet industriel aguerri, à la tête de Maghreb Industries, actif dans l’agroalimentaire, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. « Nous rencontrons toujours des difficultés dans les démarches administratives pour construire des unités industrielles, confie-t-il. Et il faut aussi revoir la fiscalité du travail pour rendre le secteur encore plus attrayant et générer des créations d’emplois. »

Autre défi à relever : la progression des exportations industrielles. « Il faut améliorer substantiellement le taux d’intégration locale des industries exportatrices du Maroc, concède Mohamed Boussaid. C’est ce que nous cherchons à faire dans le secteur automobile. À travers les conventions passées avec PSA et Renault, nous allons passer dans les années à venir d’un taux d’intégration de 30 % à 80 % », annonce-t-il.

Si les souhaits du ministre sont exaucés, les belles performances de l’industrie automobile marocaine auront davantage d’impact sur les comptes nationaux. Ce secteur est devenu en 2014 le premier domaine d’exportation du pays, devant les phosphates, avec 50 milliards de dirhams de marchandises vendues à l’étranger en 2015, soit 20 % de plus qu’en 2014.

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