Jean-Fidèle Otandault : « La dépendance du Gabon au pétrole n’est pas une fatalité »
Malgré la chute des cours de l’or noir, le pays résiste. En explorant de nouveaux secteurs tout en améliorant la gestion de ses finances. Entretien avec Jean-Fidèle Otandault, directeur général du budget et des finances publiques depuis décembre 2014.
Présidentielle au Gabon : le bilan d’Ali Bongo Ondimba passé au crible
Économie, démocratie, libertés, jeunesse, logement, emploi, infrastructures… Jeune Afrique a passé au crible le bilan du chef de l’État gabonais.
Jeune Afrique : La chute des cours mondiaux de l’or noir a eu une forte répercussion sur l’économie de Port-Gentil, et plus largement du Gabon. Nombre d’entreprises ont licencié, d’autres ont tout simplement fermé. Quels efforts le gouvernement a-t-il déployés pour y remédier ?
Jean-Fidèle Otandault : Au Gabon, cette évolution s’est traduite par une baisse de près de 50 % de la part des recettes pétrolières dans notre PIB. Mais, grâce aux mesures prises par le gouvernement, la part des recettes hors pétrole est passée de 14,6 % à 16,1 % du PIB. Concernant Port-Gentil, les conséquences auraient été encore plus graves si les autorités n’avaient pas engagé des chantiers pour édifier les infrastructures dont la ville a besoin.
Ces grands projets ont stimulé l’économie locale en créant de nouveaux emplois et en accordant des marchés à des PME locales. Parmi eux : le financement des activités génératrices de revenus [AGR], officiellement lancé en février par le président Ali Bongo Ondimba ; la construction de la route Port-Gentil-Omboué ; la modernisation de l’aéroport de la ville ; sa centrale à gaz ; ainsi que tous les travaux de réhabilitation de voiries urbaines. J’ajouterai également la construction du stade, qui accueillera une partie des matchs de la CAN en 2017.
Pouvez-vous fournir des chiffres ?
Au niveau national, la construction des routes représente des milliers d’emplois. Rien qu’à Port-Gentil, les travaux de voirie effectués – qui s’inscrivent dans le cadre de plusieurs conventions signées entre l’État et les entreprises gabonaises – ont touché près de 300 personnes. D’autres initiatives, tels le contrat d’apprentissage jeunesse et les AGR, ont également produit des résultats intéressants. Notre objectif, ambitieux, est de créer à terme plus de 4 000 emplois. Au niveau national, plusieurs milliers de personnes ont directement bénéficié de ces actions.
Vous êtes originaire de Port-Gentil. Quel message souhaiteriez-vous faire passer à sa jeunesse ?
En tant que natif et conseiller municipal de cette ville, son avenir me tient particulièrement à cœur. D’ailleurs, le chef de l’État a inauguré le 8 août la Maison de la jeunesse et de la culture de Port-Gentil. Notre ville traverse une phase de mutation profonde. Les projets structurants, le processus irréversible de diversification économique, les actions en faveur de l’accès à la connaissance sont autant de signes qui démontrent que la deuxième agglomération du pays se tourne résolument vers l’avenir. Et pas d’avenir sans notre jeunesse. Au niveau national, le programme
« Un jeune - un métier », pour sortir 2 580 jeunes de la rue, le programme Graine, inscrit dans le cadre de la diversification de l’économie, ou les mesures adoptées pour lutter contre la vie chère sont autant d’opportunités qui s’offrent à elle. Enfin, le président a déclaré, dans notre ville, que si le peuple gabonais lui renouvelait sa confiance, il consacrerait son prochain septennat à l’éducation, à la formation et à l’emploi des jeunes.
Que prévoyez-vous pour soutenir les PME ?
Nous devons notamment continuer à les sensibiliser aux procédures de passation de marchés, renforcer les efforts déployés en 2015 et 2016 pour leur donner accès aux commandes publiques, fluidifier la procédure d’obtention d’avances financières de démarrage de travaux… Le gouvernement s’attachera par ailleurs à apurer progressivement les arriérés de l’État vis-à-vis des entreprises privées. Une centaine de PME gabonaises ont déjà été payées, et 32 milliards de F CFA (48,8 millions d’euros) ont été décaissés à l’endroit des PME, dont une partie opère à Port-Gentil.
Il n’y a que des opportunités à saisir, à Port-Gentil comme au Gabon
La dépendance du Gabon au pétrole est-elle une fatalité ?
Notre pays a durant des décennies été victime du syndrome hollandais. Nous avons été prisonniers d’une économie de rente. Mais la croissance actuelle des secteurs hors pétrole démontre que ce n’est pas une fatalité. Le pays possède de nombreux atouts pour opérer une mutation économique. Port-Gentil par exemple dispose d’un port, d’une façade maritime extraordinaire, d’une population jeune qui ne demande que les moyens d’exprimer son imagination.
Prochainement, une route contribuera à son désenclavement et lui donnera toutes ses chances pour briller aux niveaux national et continental. Il n’y a donc que des opportunités à saisir, à Port-Gentil comme au Gabon.
Vous avez été au cœur de la réforme des finances publiques, destinée à en assainir la gestion et à donner plus d’efficacité aux dépenses de l’État. Ce retour à l’orthodoxie est-il de nature à favoriser une meilleure redistribution de la richesse nationale ?
Le gouvernement a opéré une série de réformes pour mettre en place un nouveau modèle de gestion des finances publiques, basé sur la budgétisation par objectifs de programme [BOP]. C’est dans ce contexte que la Direction générale du budget et des finances publiques [DGBFIP] a été créée. Une meilleure gouvernance de ces ressources favorise le développement inclusif.
Le pays dispose à présent d’instruments indispensables pour optimiser ses dépenses et accélérer la réalisation du Plan stratégique Gabon émergent. Dès lors que l’allocation des crédits budgétaires est attachée à l’atteinte de résultats précis et mesurables grâce à des indicateurs, nous améliorerons nos performances. La réforme nous amène également à respecter l’orthodoxie financière et à observer une certaine discipline budgétaire. Il s’agit, en un mot, de redonner du sens à la dépense publique.
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