Présidentielle à São Tomé-et-Príncipe : la fin d’une histoire sans fin

Après un scrutin présidentiel rocambolesque, la victoire du parti de Patrice Trovoada face à Manuel Pinto da Costa signe l’épilogue probable d’une rivalité familiale qui dure depuis quatre décennies.

À São-Tomé, le 18 juillet. © Samir Tounsi/AFP

À São-Tomé, le 18 juillet. © Samir Tounsi/AFP

Publié le 30 août 2016 Lecture : 3 minutes.

Le vainqueur n’est pas toujours celui que l’on croit. Evaristo Carvalho, 74 ans, le candidat de l’Action démocratique indépendante (ADI), et parti du Premier ministre Patrice Trovoada, a définitivement remporté l’élection présidentielle de São Tomé-et-Príncipe, avec 41 820 voix pour 1 522 bulletins blancs et 7 884 votes nuls au deuxième tour de l’élection présidentielle, soit 100% des voix exprimées, selon les résultats définitifs proclamés par le Tribunal constitutionnel.

Un scrutin rocambolesque. Après avoir annoncé la victoire de Carvalho au premier tour avec la majorité absolue, la commission électorale nationale avait fait marche arrière, annulant les résultats. Un second tour a donc eu lieu le 7 août, malgré les demandes d’annulation formulées par Manuel Pinto da Costa, président sortant et candidat à sa succession. L’issue ne faisait guère de doute. Débouté par la justice, Pinto da Costa avait dans la foulée décidé de boycotter ce second tour, laissant la voie libre à son adversaire. Si le score est confortable, l’élection de celui qui avait échoué une première fois en 2011 est toutefois entachée par une abstention estimée de 54 %.

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Trovoada conserve ses prérogatives

Cette victoire reste symbolique : comme au Portugal, l’ancienne puissance coloniale, la Constitution n’accorde qu’un rôle d’arbitre au président de São Tomé-et-Príncipe, où le pouvoir est en réalité détenu par le Premier ministre. Mais avec la fin de la cohabitation, Patrice Trovoada, 54 ans, a désormais les mains libres pour gouverner. « Cela va nous faciliter la vie pour mener à bien les réformes », confie-t‑il.

Patrice Trovoada a plusieurs raisons de se réjouir. D’abord, son principal adversaire, le Mouvement pour la libération de São Tomé-et-Príncipe (MLSTP), le parti historique, a subi une cuisante défaite en ne parvenant pas à se qualifier pour le second tour. Une formation dont est issu Manuel Pinto da Costa, 79 ans, qui concourait en tant qu’indépendant.

Ensuite, ce dernier pourrait mettre un terme à sa longue carrière politique, achevant par la même occasion un drame politico-familial qui l’opposait aux Trovoada, de père en fils. Une rivalité notoire dont l’origine remonte à 1975, à l’indépendance de l’archipel. « Ce départ probable est vécu comme un soulagement par une bonne partie de la famille, notamment la femme de Miguel, qui a vécu des moments difficiles après l’arrestation de son mari, puis le renversement du gouvernement de son fils », explique un proche des Trovoada.

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Une rivalité de père en fils

À l’époque, Pinto da Costa conduit le pays sous la bannière du MLSTP, alors parti unique. Son Premier ministre n’est autre que Miguel Trovoada, père de l’actuel tenant du poste. Mais ce dernier tombe en disgrâce. En 1979, il est jeté en prison, et n’en sortira que deux ans plus tard, aidé par des campagnes d’ONG. Aucune charge ne sera jamais retenue contre lui, mais la politique ouvertement marxiste et anti-occidentale de Pinto da Costa pourrait être au cœur de la brouille.

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Un bulletin d’Amnesty International de janvier 1981 relate que Trovoada a été tenu responsable des émeutes d’août 1979, suscitées par l’annonce d’un recensement de la population, qui semblait être un préalable à l’introduction du travail obligatoire. Quoi qu’il en soit, l’épisode a conduit toute la famille à vivre une longue période d’exil à Paris.

En 1991, avec l’instauration du multipartisme, Miguel Trovoada, de retour au pays, remporte l’élection présidentielle, puis est réélu pour un second quinquennat en 1996, battant à nouveau son adversaire historique. Et quand Manuel Pinto da Costa regagne le palais présidentiel en 2011, Patrice Trovoada est déjà devenu Premier ministre. L’histoire se répète, mais cette fois la rivalité va se poursuivre sur le terrain législatif.

Pinto da Costa parvient en 2012 à évincer son Premier ministre grâce à une motion de censure. Nouvel exil, au Portugal. Deux ans plus tard, Trovoada fils remporte les urnes lors des législatives. Depuis, les deux hommes, condamnés à s’entendre, cohabitaient tant bien que mal, se rencontrant tous les quinze jours dans les jardins du palais présidentiel. Avec le retrait probable de la vie politique de Pinto da Costa, les deux familles tourneraient une longue page de leur histoire et de celle du pays.

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