Libye : Ali Shamekh, le nouveau « Monsieur Business »

Relancer les investissements en Afrique, tel est l’un des objectifs assignés au nouveau – et déjà contesté – patron du principal fonds souverain du pays. Portrait.

Ali Shamekh, nouveau président de la branche de Tobrouk de la Libyan Investment Authority (LIA). © Eastern PM Office

Ali Shamekh, nouveau président de la branche de Tobrouk de la Libyan Investment Authority (LIA). © Eastern PM Office

Publié le 6 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Dans le pré carré de Kadhafi, Ali Shamekh était l’incontournable « Monsieur Pétrole ». Disparu des écrans radars après la révolution, il revient aujourd’hui sur le devant de la scène en prenant la tête de la branche de Tobrouk de la Libyan Investment Authority (LIA), principal fonds souverain libyen, dotée de quelque 67 milliards de dollars d’actifs et dont le siège se trouve à Malte. Nommé le 11 août par le conseil de la LIA dépendant de Tobrouk immédiatement après la démission et l’arrestation de son prédécesseur, Hassan Bouhadi, Shamekh ne fait pas l’unanimité, alimentant un peu plus les dissensions et les surenchères entre les autorités rivales de Tripoli et de Tobrouk.

En parallèle et peut-être en réaction à cette désignation, le gouvernement d’union de Fayez el-Sarraj a en effet aussitôt adoubé un nouveau comité de direction de la LIA chargé des affaires juridiques en cours, mais sans pouvoirs opérationnels sur le fonds et ses avoirs, faisant fi des conseils d’AbdulMagid Breish, ex-président de la LIA Tripoli, qui souhaitait la réunification des deux entités afin que les intérêts du pays soient défendus d’une même voix.

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Plusieurs chantiers d’exploitation pétrolière sous Khadafi

De son côté, Ali el-Hibri, gouverneur de la branche Est de la Banque centrale de Libye et membre du conseil de la LIA Tobrouk, a démissionné pour protester contre cette nomination, qu’il juge inadéquate. « C’est un précédent dangereux qui doit être combattu par tous les moyens administratifs et légaux », a-t‑il asséné, estimant que Shamekh n’est pas en mesure de gérer le fonds.

Ali Shamekh a été, sous Kadhafi, la cheville ouvrière de l’implantation économique de la Libye à travers l’Afrique.

Pourtant, ce colonel de 60 ans, originaire de l’Est et qui a fait sa carrière dans les hydrocarbures, connaît bien les rouages de la LIA pour avoir été, de 2008 à 2011, à la direction de Libya Oil Holdings (LOH), anciennement Tamoil, filiale du fonds souverain. À ce titre, ce géologue formé au Royaume-Uni, comme beaucoup d’autres officiers libyens, a été la cheville ouvrière de la politique de Kadhafi en faveur de l’implantation libyenne en Afrique dans le secteur des hydrocarbures.

À l’actif de Shamekh, le financement de l’exploration de champs pétroliers, l’entrée en production d’une série de projets au Bénin, au Soudan et au Tchad et l’installation de pipelines, dont celui qui relie Kigali à Kampala ou celui reliant Muanda à Matadi, en RD Congo.

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Autre fait d’armes, la reprise, en 2008, sous le label OiLibya, de neuf succursales d’ExxonMobil (Niger, Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon, Cameroun, Kenya, La Réunion, Tunisie et Maroc). Après avoir entamé son parcours en prenant la direction de la raffinerie de Zouara, ce père de famille qui n’hésite pas à poser en public aux côtés de ses deux filles et qui a initié son fils, Ahmed Ali, aux affaires a réussi à gagner la confiance de Kadhafi grâce à sa discrétion et à un solide carnet d’adresses.

Immersion dans le monde des affaires

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Réfugié avec sa famille en Égypte après la chute du « Guide », Shamekh se range du côté du gouvernement de Tobrouk tout en restant immergé dans le monde des affaires. En 2012, il lance, avec d’autres associés, dont son fils, la Somika London Limited, une société de services et de conseil basée à Wembley, au Royaume-Uni, qu’il quittera un an plus tard. Nul doute que son entregent pourrait faciliter la tâche du nouveau patron de la LIA, dont l’un des objectifs est la reprise en main des investissements libyens en Afrique.

Mais pour l’opinion publique, Shamekh devra surtout suivre les procès intentés à Londres contre Goldman Sachs et la Société générale, deux groupes bancaires que la LIA accuse de l’avoir incitée à acheter des produits financiers toxiques et auxquels elle réclame 2,5 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros environ) de dédommagement. Encore faut-il, au préalable, que Tripoli et Tobrouk accordent leurs violons.

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