Logement : au Burkina, la Banque de l’habitat tente de se relancer
Augmentation du capital, ouverture d’agences, nouvel organigramme… L’institution se remet en selle après la crise traversée en 2015.
Un an après l’éviction de son directeur général, mis en cause dans une affaire de malversations et de détournements, la Banque de l’habitat du Burkina Faso (BHBF), spécialisée dans le financement de logements sociaux, déroule un plan de relance censé lui permettre de redresser ses indicateurs financiers et de renforcer son leadership sur son marché de prédilection, l’immobilier.
« La crise de 2015 [qui, d’après nos informations, a dégradé le portefeuille de la BHBF] est maintenant derrière nous. Nous avons rétabli une relation de confiance avec notre clientèle », se félicite Sibiri Coulibaly, qui a pris les rênes de l’institution il y a bientôt un an.
Un important retard à rattraper
Passé par le panafricain Ecobank, le nouveau directeur général – qui cumule dix-huit ans d’expérience dans le secteur bancaire – préfère mettre en avant sa stratégie de relance plutôt que s’attarder sur les difficultés que son établissement a traversées en 2015.
Sibiri Coulibaly affirme tout d’abord vouloir porter le nombre de ses agences de huit à douze dès cette année. Objectif : « Rattraper notre retard, nous rapprocher davantage de la clientèle et gagner des parts de marché », explique-t-il.
Dixième des treize établissements actifs au Burkina, la BHBF (dont le total de bilan s’établissait à 56,36 milliards de F CFA en 2014, soit près de 86 millions d’euros) doit se consoler avec une part des emprunts de seulement 2,5 %, contre 1,5 % des dépôts.
Croissance du capital
Ensuite, le plan du patron prévoit surtout l’augmentation du capital de l’institution de 5 milliards à 10 milliards de F CFA. Une opération destinée à renforcer ses capacités opérationnelles mais aussi à la rendre conforme aux exigences de la commission bancaire de l’Uemoa, selon lesquelles le capital social minimal des établissements de la zone doit être porté à 10 milliards de F CFA en juillet 2017 au plus tard.
Jusqu’ici, la banque est détenue à 49,57 % par l’État et à 25 % par des investisseurs privés, le reste étant aux mains d’organismes tels que la Chambre de commerce et d’industrie. « Les négociations sont en cours. Et le niveau des souscriptions est appréciable », assure le patron, sans toutefois fournir plus de détails.
Enfin, un nouvel organigramme a été établi. Il recentre les services, instaure des postes de gestionnaire et des comités internes consacrés à l’informatique, au marketing et au recouvrement. « Ces innovations visent à dynamiser le gouvernement d’entreprise à travers le comité d’audit et des risques », selon la direction générale.
Alors que le programme « 10 000 logements », lancé en 2007, dont elle avait été l’un des principaux porteurs, a connu un bilan mitigé, avec seulement 4 689 maisons livrées au 31 juillet, la Banque se prépare à une autre échéance.
De nombreux chantiers en projet
Le gouvernement de Paul Kaba Thiéba a récemment annoncé un vaste chantier de 42 000 unités. Seul bémol : aucune date de lancement n’a été communiquée pour l’instant.
En attendant, la BHBF constitue déjà le bras financier d’un programme en cours dans le village de Bassinko, à 15 km au nord de la capitale. Des promoteurs privés y construiront 14 000 foyers pour abriter 84 000 habitants afin de pallier le manque de logements à Ouagadougou.
Depuis 2007, c’est elle qui avait géré Folos, un fonds public doté annuellement de 1,5 milliard de F CFA lui permettant de financer à un taux bonifié de 5 % des promoteurs immobiliers dans un premier temps et des ménages en quête de logement dans un second temps.
« La BHBF joue un rôle d’intermédiaire financier entre les promoteurs [producteurs d’habitations] et les salariés acquéreurs. Il s’agit pour elle de financer les premiers à court terme pour réaliser les logements sur la base d’une précommercialisation et de relayer ensuite ces crédits promoteurs par des crédits acquéreurs salariés à moyen et long termes », analyse Coulibaly.
Un mécanisme qui permet au promoteur d’être remboursé par la mise en place des crédits acquéreurs, ce qui lui donne la possibilité d’enclencher à nouveau des projets.
L’institution – qui a injecté près de 11 milliards de F CFA dans des opérations immobilières pendant les six années passées – estime ses besoins à environ 1 milliard de F CFA pour 2016.
Silence radio
Où en est l’enquête ? Difficile à dire un an après l’arrestation du directeur général de la Banque de l’habitat du Burkina Faso (BHBF). Ni la banque ni l’État ne communiquent sur la question. Interrogée, la direction générale botte en touche. « Nous ne savons pas ce qui s’est passé. C’est l’État qui a agi. Nous préférons ne pas évoquer ce sujet », glisse un cadre présent au moment des faits.
Selon les informations recueillies par JA, l’ex-directeur général Pierre Zerbo serait en liberté provisoire depuis décembre. « Il attend le jugement et se bat pour son procès », confie une source proche du dossier. Le 7 mai 2015, l’homme avait été interpellé par la gendarmerie, qui le soupçonnait de détournements et de malversations portant sur plusieurs milliards de F CFA. Des soupçons de versement de pots-de-vin et de rapatriement de fonds pour des dignitaires du régime Compaoré entouraient ce dossier « délicat et difficile à démêler », d’après les enquêteurs.
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