Maroc : sexe, mensonges et faux dévots

Comment ne pas ressentir une certaine jubilation en voyant les tartuffes démasqués et les donneurs de leçons se prendre les pieds dans le tapis de leurs beaux discours ?

Un couple de Marocains dans une rue de Marrakech. © Jarry/ANDIA

Un couple de Marocains dans une rue de Marrakech. © Jarry/ANDIA

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Publié le 12 septembre 2016 Lecture : 2 minutes.

La farce est d’autant plus grotesque que les deux amants ont fait profession de combattre le vice et la dépravation. La barbe peignée, le voile serré, ils sont de ceux qui infusent dans la société marocaine un puritanisme morbide, éructant contre la fornication, les homosexuels, s’attaquant à la liberté des femmes ou aux festivals de musique.

Comme souvent avec les dévots, le sexe les obsède, et, avec l’aplomb de ceux qui n’ont jamais péché, ils menacent les paillards de l’enfer, faisant ainsi le lit de la misogynie et de la haine. Le PJD a fait de la vertu son fonds de commerce. Mais les récents scandales impliquant des responsables du parti démontrent que les islamistes sont des hommes comme les autres et que la société idéale qu’ils prônent, où n’existeraient ni désir ni péché, n’est jamais qu’un vœu pieux. Qui veut faire l’ange fait la bête…

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Mais, derrière la farce, nous aurions tort d’occulter la tragédie. Car ce qu’ont vécu Nejjar et Benhammad, des dizaines de Marocains le vivent chaque jour dans l’indifférence générale. Combien de jeunes se cachent pour trouver un moment d’intimité ? Combien d’amants clandestins ont été humiliés par la police en vertu de l’article 490 du Code pénal qui punit de un mois à un an d’emprisonnement les coupables de relations hors mariage ?

Benhammad et Nejjar le savent bien mais, comme toute la société marocaine, ils s’accommodent de l’hypocrisie et du mensonge. Dans un pays où l’âge moyen du mariage est de 28 ans, où les femmes sont de plus en plus nombreuses à travailler, les relations sexuelles hors mariage se sont généralisées.

Tout le monde le sait et se voile la face. Mustapha Ramid, ministre de la Justice, a même théorisé cette hypocrisie : « Si les relations sexuelles hors mariage sont légalisées, je démissionne. Toutefois, nous n’allons pas commencer à entrer dans des maisons où vit un couple. Si les voisins ne se plaignent pas parce qu’un couple non marié les dérange, ces derniers ne seront jamais incriminés. » Voilà un bon résumé de ce que pensent les islamistes. Pour eux, comme pour le Tartuffe de Molière, « ce n’est pas pécher que pécher en silence ». Il suffit de ne pas se faire prendre.

La sexualité concentre toutes les contradictions et toutes les inégalités qui minent le Maroc

Mais, aujourd’hui, l’injonction à la discrétion ne permet plus de maintenir la paix sociale. Les rares et courageux militants qui luttent contre cette culture institutionnalisée du mensonge n’ont de cesse de montrer qu’elle génère de la violence et de la frustration. La sexualité concentre toutes les contradictions et toutes les inégalités qui minent le Maroc. Interdite, réprimée, elle est l’espace même où peuvent s’exercer l’arbitraire de l’État, la vengeance personnelle et la pression islamiste.

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Sous Benkirane, on aura beaucoup parlé de sexe. De l’affaire Amina Filali au baiser de Nador, de la culotte de Jennifer Lopez à celle de Loubna Abidar, des jeunes filles en jupe aux homosexuels lynchés, la société marocaine aura révélé la profonde fracture qui sépare les tenants des libertés individuelles des défenseurs d’un ordre moral qu’ils sont incapables d’appliquer à eux-mêmes.

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