Hôtellerie : les raisons de l’optimisme
Malgré le ralentissement économique et les questions de sécurité, le marché hôtelier africain conserve son attractivité pour les opérateurs et les investisseurs.
Hôtellerie : les raisons de l’optimisme
Malgré le ralentissement économique et les questions de sécurité, le marché hôtelier africain conserve son attractivité pour les opérateurs et les investisseurs.
Un ralentissement économique, des infrastructures et des liaisons aériennes qui restent déficientes, une insécurité toujours plus caractérisée, des crises sanitaires fréquentes… Les motifs d’inquiétude ne manquent pas pour les opérateurs et les investisseurs de l’hôtellerie. Mais, plutôt que de céder au découragement, beaucoup croient en l’avenir de leur secteur.
Une hausse du nombre de chambres
Pour preuve, ce sont 30 % de chambres supplémentaires qui ont ouvert depuis 2015, réparties dans 365 hôtels et portant la capacité hôtelière du continent à 64 000 chambres, d’après un rapport publié par le consultant en hôtellerie, W Hospitality Group, en avril dernier – on ne comptait que 30 000 chambres en 2009…
Une offre qui s’adresse pour 80 % à une clientèle d’affaires ou de congrès et qui concerne principalement des établissements quatre étoiles.
Et la tendance va se poursuivre. Le nombre de chambres en construction en 2016 connaît ainsi une augmentation de 34 % (30 737) par rapport à 2015, selon une étude du cabinet STR Global publiée en mai. Si bien que, d’ici à 2020, ce sont 50 000 nouvelles chambres qui devraient s’ajouter au parc existant.
En Afrique de l’Ouest, 6 000 chambres sont en construction et 12 000 autres devraient compléter l’offre dans les cinq prochaines années, d’après Charlotte Specht, consultante chez Horwath HTL. Accra, Abidjan, Lagos ou Dakar, avec 400 nouvelles chambres en projet, illustrent ce dynamisme.
Un secteur peu impacté par la crise
Si le décollage du tourisme de loisirs n’est pas à l’ordre du jour, la chute des prix des matières premières n’a pas vraiment eu d’impact sur l’activité hôtelière des pays producteurs (Nigeria, Guinée équatoriale).
« Bien sûr, il y a des annulations de voyages ou d’événements, reconnaît Jean-Marc Schnell, vice-président des opérations d’AccorHotels en Afrique subsaharienne, basé à Dakar. Mais cela ne remet pas en question notre plan de développement, même si sa mise en œuvre peut éventuellement être décalée. »
« Ce contexte n’influence pas trop le développement hôtelier, car construire un établissement prend du temps, entre quatre et six ans, dont deux à trois ans durant lesquels les investisseurs négocient avec les chaînes », analyse Philippe Gauguier, associé chez Deloitte-In Extenso et qui conseille ces derniers.
Tous les acteurs du secteur font la même analyse : le continent reste une terre d’opportunités pour plusieurs raisons.
Il est sous-doté en nombre de chambres, alors qu’il connaît une urbanisation rapide, avec l’émergence d’une classe moyenne et des flux croissants entre pays limitrophes. « Il y a dix ans, 65 % de la clientèle était extra-continentale, et 35 % africaine ; aujourd’hui c’est l’inverse », constate Jean-Marc Schnell. Autant de facteurs stimulants pour de nouveaux opérateurs, qui multiplient les annonces d’ouverture.
Ils sont internationaux, comme Carlson Rezidor, connu pour ses Radisson, présent dans 27 pays africains avec 65 hôtels et qui prévoit 30 nouvelles implantations dans les trois ans à venir, ou encore Louvre Hotels (Golden Tulip, Campanile), propriété du groupe chinois Jin Jiang International, qui détient 13 hôtels et envisage d’en inaugurer 15 autres cette année.
Les groupes hotelliers s’affrontent
Le français Accor n’est pas en reste puisqu’il gère dans 19 pays une centaine d’hôtels sous dix marques différentes.
Historiquement très présent en Afrique de l’Ouest, il entend doubler son réseau d’ici à 2020 avec des ambitions dans l’est, le centre, et le sud du continent. En prévision notamment, l’ouverture de 50 établissements en Angola, allant du segment économique au luxe (27 Ibis Styles, 22 Grand Mercure et 1 Sofitel), soit au total 6 200 chambres, pour un budget de 300 millions d’euros.
À ce match de poids lourds se mêlent aussi des acteurs indépendants. C’est l’exemple de la chaîne hôtelière malienne Azalaï – de l’homme d’affaires Mossadeck Bally –, des hôtels économiques Onomo, bâtis près des aéroports et qui appartiennent à la famille française Ruggieri, ou de Mangalis, une filiale du groupe Teyliom – de l’entrepreneur sénégalais Yérim Sow.
Ce dernier, à l’origine du Radisson Blu de Dakar, construit en 2009, dispose de ses propres équipes d’ingénieurs et d’architectes, et a programmé 18 hôtels d’ici à 2018.
Si ces indépendants ont la particularité de construire, d’exploiter et de rester propriétaires de leurs murs, derrière les grandes chaînes en revanche se trouvent souvent des investisseurs locaux ou internationaux, privés ou institutionnels, qui ont trouvé dans l’immobilier hôtelier une source de diversification ou un moyen de faire fructifier une fortune acquise.
À l’image du groupe agro-industriel camerounais Fadil, de Mohamadou Bayero Fadil, propriétaire notamment d’un hôtel Pullman à Douala (ex-Méridien), ou du promoteur d’origine libanaise Ghaby Kodeih, qui investit au Bénin – par le biais de sa société d’hôtellerie, de restauration et de loisirs – dans la construction et l’exploitation d’un trois-étoiles Best Western, inauguré en 2014, d’un quatre-étoiles Ramada et d’un cinq-étoiles Marriott en chantier.
Des contrats de gestion ou de franchise sont alors signés. L’investissement hôtelier résulte souvent d’un mariage d’intérêts. « Les grandes chaînes hôtelières vont trouver en Afrique un levier de croissance. Les entrepreneurs, industriels ou propriétaires privés, disposent quant à eux de trésorerie et de foncier disponibles qu’ils veulent valoriser », explique Philippe Gauguier.
Redonner de la valeur à l’offre
Des investisseurs qui assument tous les risques locatifs, alors que les grandes chaînes n’interviennent que dans le service.
« Quand Radisson voit son hôtel être la cible des terroristes à Bamako en novembre 2015, il est peu exposé financièrement », rappelle Philippe Gauguier. Des investissements bien entendu répartis entre divers pays, car il faut souvent sept ou huit établissements pour amortir un tel choc.
« Au moins deux ans sont nécessaires pour redonner de la valeur à un hôtel après un événement comme une attaque terroriste », assure Othmane Jabri, le vice-président fusions et acquisitions chez Kingdom Hotel Investments, qui, après avoir investi pendant huit ans dans la construction et réalisé une belle plus-value, se désengage pour demeurer actionnaire des sociétés de gestion de ses marques Mövenpick, Fairmont, Raffles et Swissôtel.
Pour Stéphane Affro, le directeur du fonds Kaydan Real Estate, chargé du développement des hôtels Golden Tulip en Côte d’Ivoire, cet engouement des investisseurs pour le marché hôtelier a sa raison : « L’hôtellerie présente un rendement plus intéressant que le résidentiel ou l’immobilier d’entreprise. Ces hommes d’affaires pourraient construire des entrepôts, mais le foncier disponible dans les zones portuaires ou industrielles demeure encore la propriété de l’État. »
Même si le taux d’occupation des hébergements n’est souvent que de 70 % à 75 %, le secteur reste attractif, avec des intérêts entre 8 % et 25 %. Mais c’est une rentabilité qui se mesure sur le long terme, entre huit et douze ans, le temps de développer le bien hôtelier avant de le céder.
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