Justice : la présidente de la CPI accusée de corruption par un Ougandais sur la base d’une fausse preuve
La présidente de la CPI est accusée par un activiste ougandais d’être au cœur d’une vaste affaire de corruption. Sauf que le seul document à charge est un faux…
L’affaire aurait pu discréditer pour longtemps la Cour pénale internationale (CPI). Le 28 juin, David Nyekorach Matsanga, activiste ougandais installé au Kenya et président du Pan-African Forum, portait à la connaissance de la juridiction internationale une allégation gravissime, censée être étayée par des documents accablants : l’Argentine Silvia Fernández de Gurmendi, présidente de la CPI depuis mars 2015 – elle y est juge depuis 2010 et officiait précédemment au bureau du procureur –, aurait perçu clandestinement, entre 2004 et 2015, la somme de 17 millions de dollars (environ 15,2 millions d’euros).
Cette manne aurait servi à corrompre des témoins à charge dans la procédure ouverte contre le président soudanais Omar el-Béchir, visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis en 2009 et en 2010 pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide. Un dossier devenu pomme de discorde entre l’Union africaine, qui s’oppose à la mise en cause d’un leader africain en exercice, et la CPI.
Accusée de soutenir la crise soudannaise
Dévoilée le 3 juillet par un média en ligne dépourvu d’organigramme, le London Evening Post, dont David Matsanga est à la fois la seule source et le directeur général, l’affaire passe quasi inaperçue dans la presse internationale. Dans l’article, l’Ougandais réclame la démission de la juge présidente, accusée d’être au cœur d’un gigantesque scandale géopolitico-judiciaire. L’argent drainé vers ses comptes bancaires par diverses sociétés offshore aurait financé des mouvements opposés au régime de Khartoum, dont le Sudan Liberation Movement. Avec un objectif inavouable : « Recruter de faux témoins et collecter des preuves frelatées visant à incriminer le président el-Béchir. »
À La Haye, on saisit aussitôt le Mécanisme de contrôle indépendant (MCI), organe d’inspection, d’évaluation et d’enquête de la CPI. Le 3 août, celui-ci rend un rapport – confidentiel – dont la teneur est partiellement divulguée par Fadi El Abdallah, porte-parole de la Cour : « La seule preuve présentée par M. Nyekorach Matsanga […] réside en une facture présumée, dont il a été prouvé qu’elle avait été falsifiée. »
Une facture authentique a en effet été contrefaite en y inscrivant a posteriori le nom de la présidente de la CPI, laissant croire à une transaction douteuse entre la magistrate et un mouvement rebelle du Darfour.
« Chasse aux sorcières »
L’enquête interne se poursuit actuellement « afin de déterminer si les relevés bancaires [fournis par David Matsanga] sont également frauduleux ». La CPI devra ensuite envisager les « mesures ou actions en justice » susceptibles d’être engagées contre l’auteur de cette cabale, dont le pedigree est plus que trouble. Tout au long des années 2000, David Matsanga a en effet été le porte-parole puis le négociateur – avec les autorités de Kampala – de la LRA (Armée de résistance du Seigneur), la tristement célèbre rébellion ougandaise dirigée par Joseph Kony, lui-même toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI.
Devenu un farouche pourfendeur de la juridiction internationale, Matsanga a notamment milité contre les procédures engagées contre le président kényan, Uhuru Kenyatta, et son vice-président, William Ruto – lesquelles se sont soldées, depuis, par des non-lieux. Il est également un admirateur revendiqué du Zimbabwéen Robert Mugabe, l’un des tenants africains de la ligne dure anti-CPI, qu’il conseilla par le passé en matière de relations publiques.
Dénonçant « la chasse aux sorcières » dont se rendrait coupable la Cour, en vertu d’un « plan fomenté par Kofi Annan [ex-secrétaire général de l’ONU] pour causer du tort à l’Afrique », Matsanga affirmait, en juillet, détenir « un dossier truffé de preuves » à l’appui de sa théorie du complot. Elles aussi falsifiées ?
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