Livres : « Bleu Blanc Noir », le cauchemar français
Dans « Bleu Blanc Noir », Karim Amellal imagine la victoire d’une candidate de l’extrême droite à la présidentielle. Dans un futur lointain ? Non, en 2017.
Martin Luxembourg est président de la République. Mireille Le Faecq, elle, dirige le Parti national, tandis qu’Alban Péjut est maire de Bordeaux et François Cramoisi, ancien chef de l’État. Toute ressemblance avec des personnes existantes est purement volontaire dans le dernier roman de Karim Amellal, Bleu Blanc Noir. Sauf qu’il se passe en mai 2017, autour de la présidentielle française, et que le clone de Marine Le Pen gagne l’élection au second tour.
L’exercice de politique-fiction auquel s’est prêté avec dérision l’auteur, franco-algérien, qui a grandi en banlieue parisienne et été formé à Sciences-Po, ferait sourire s’il ne donnait en même temps froid dans le dos. Car, depuis la polémique sur le burkini, notamment, et la libération d’une parole raciste (ou « décomplexée »), ses prédictions romanesques résonnent étrangement dans l’actualité française.
L’actualité sociale française en toile de fond
Le narrateur, jeune trentenaire d’origine maghrébine, cadre à succès dans la finance et bienheureux non-engagé de la politique, voit l’arrivée au pouvoir du Parti national détruire progressivement sa quiétude, sa famille et son avenir. Fallait-il résister plus tôt à l’installation de l’extrême droite dans les esprits quand on n’avait qu’une envie, celle de se fondre dans la masse d’une société française qu’on préférait croire accueillante ? Comment s’engager pour lutter contre la haine et la division alors qu’on a longtemps préféré faire de l’argent, un aveuglement coupable en eût-il été le prix à payer ? Les questions sont valables pour beaucoup de Français aujourd’hui, et pas seulement pour ceux issus de l’immigration…
C’est le débat sur la déchéance de nationalité, à la suite des attentats de novembre 2015, qui a décidé Amellal à reprendre la plume dix ans après son premier roman, Cités à comparaître (2006). « Cette proposition de François Hollande a été pour moi le symptôme de la banalisation du populisme d’extrême droite, révélateur de ce perpétuel recul des lignes morales qui en dit long sur le délitement de la gauche de gouvernement », explique-t-il.
S’il est, en ce sens, pertinent et agréable à suivre, le parcours de son triste héros n’en sonne pas moins comme un signal d’alarme. À lire vite, donc, avant qu’il ne soit trop tard.
Bleu Blanc Noir, de Karim Amellal, Éditions de l’Aube, 384 pages, 23 euros
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