Les Camerounais laissent leur empreinte dans tous les champs artistiques

Peinture, littérature, humour, musique… De Paris à Kampala en passant par Hollywood.

Pascale Obolo, rédactrice en chef d’Afrikadaa. © Alexandre Gouzou pour JA

Pascale Obolo, rédactrice en chef d’Afrikadaa. © Alexandre Gouzou pour JA

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 6 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

De g. à dr., Alain Foka, Pierre N’Gahane, Calixthe Beyala, Elizabeth Tchoungui, Fred Eboko, Jacques-Greg Belobo et Achille Mbembe. © Jean -pierre Keupseu/panapress ; Ian Hanning/REA; Martin bureau/AFP; Vincent Fournier/JA; DR; Arnaud Meyer/opale/leemage; Matthias Balk/DPA/AFP
Issu du dossier

Cameroun : drôle de diaspora

Ils vivent depuis des années loin du pays de leurs parents. Ambitieux, pugnaces, décomplexés, ils se sont chacun fait un nom dans leurs domaines respectifs. Parfois même, ils se piquent de politique. Rencontre avec ces hommes et ces femmes qui ont osé et réussi.

Sommaire

Dans le monde de l’art contemporain africain, l’année 2016 aura été marquée par trois biennales internationales : celle de Dakar (Sénégal), celle de Limerick (Irlande) et celle de Kampala (Ouganda). La direction artistique de la première était assurée par l’incontournable Simon Njami, l’un des fondateurs de la Revue noire, quand les deux autres avaient pour commissaires ses héritières revendiquées, d’origine camerounaise aussi, Koyo Kouoh et Élise Atangana.

Des profils dans les arts plastiques

la suite après cette publicité

L’année prochaine, ce sera au tour de Marie-Ann Yemsi d’être à l’honneur puisqu’elle officiera fin mars, à l’occasion d’Art Paris Art Fair, qui consacrera un focus exceptionnel à l’Afrique. Sans doute peut-on aussi compter sur Christine Eyene, autre compatriote, pour dénicher un projet artistique de sous les fagots… Et l’on n’essaiera même pas de dénombrer le nombre d’expositions où apparaîtront des œuvres de plasticiens issus du pays des crevettes.

Proches de Simon Njami, Bili Bidjocka et Pascale Marthine Tayou sont fréquemment présentés dans les plus hauts lieux de l’art contemporain (Biennale de Venise, foires diverses…). Quant à Barthélémy Toguo, on le retrouve un peu partout à travers le monde, mais il lui arrive parfois de rentrer, entre deux expos, dans le centre d’art et d’agriculture qu’il a créé à Bandjoun, où il reçoit des artistes du monde entier et cultive du café. Un peu à l’image de Marilyn Douala Bell, fondatrice de Doual’art avec son mari, Didier Schaub. Même si celle-ci, qui est un peu leur maman à tous, reste sur ses terres. Pour tous ces commissaires et artistes, le relais médiatique est assuré par Pascale Obolo, rédactrice en chef d’Afrikadaa, revue en ligne de haute volée.

La romancière Léonora Miano, Prix Femina en 2013. © Ulf Andersen/Aurimages/AFP

La romancière Léonora Miano, Prix Femina en 2013. © Ulf Andersen/Aurimages/AFP

Littéraires de renom

En matière d’exportation des cerveaux, n’allons pas croire pour autant que les arts plastiques soient le seul domaine d’expertise du Cameroun. En Europe, le monde des lettres bénéficie de la présence massive de penseurs remarqués. Achille Mbembe, auteur prolifique (Critique de la raison nègre, Politiques de l’inimitié, etc.) fréquemment interviewé dans les médias francophones, est bien évidemment le premier d’entre eux.

la suite après cette publicité

On peut aussi citer le philosophe Gaston-Paul Effa, qui a publié en 2015 Rendez-vous avec l’heure qui blesse (Gallimard). Ce ne sont pas les seuls écrivains de la diaspora : la pasionaria Calixthe Beyala (C’est le soleil qui m’a brûlée, 1987) fut sans doute l’une des premières à se faire remarquer, mais elle n’est pas la seule à attirer l’attention des chroniqueurs littéraires, puisque se retrouvent souvent sur les étagères des librairies les œuvres des romanciers Eugène Ebodé, Patrice Nganang et Léonora Miano (Prix Femina en 2013). Cette dernière vient d’ailleurs de publier Crépuscule du tourment aux éditions Grasset.

Des humoristes incontournables

la suite après cette publicité

Si le grand public connaît bien Calixthe Beyala pour son engagement en faveur des minorités et son goût de la polémique, les plus jeunes citeront surtout la nouvelle génération d’humoristes et de comédiens comme l’incontournable duo Fabrice ÉbouéThomas N’Gijol, tous deux anciens du Jamel Comedy Club. Ensemble, ils se sont illustrés dans deux comédies, l’une sur l’esclavage (Case départ) et l’autre sur la Françafrique (Le Crocodile du Botswanga).

Bien entendu, cette liste ne saurait être complète si mention n’était faite de Dieudonné M’Bala M’bala, dont le père était camerounais. Comme nul ne peut l’ignorer, « Dieudo » s’est fait connaître grâce au duo qu’il formait avec Élie Semoun, avant de s’illustrer en politique par des positions proches de l’extrême droite française. Controversé et sulfureux, il conserve aujourd’hui une certaine assise populaire au sein d’un public aux motivations diverses.

Beaucoup plus discret, le talentueux comédien Ériq Ebouaney, qui tient le rôle principal dans Lumumba de Raoul Peck, peut pour sa part se targuer d’avoir travaillé avec quelques-uns des plus grands réalisateurs de son époque : Brian De Palma, Jean Becker, Ridley Scott, Claire Denis, Jean-Jacques Annaud…

Musique

Cette rapide peinture d’une des diasporas culturelles les plus actives d’Afrique – comparable, peut-être, à la diaspora nigériane au Royaume-Uni – se doit de s’achever en musique. Le saxophoniste Emmanuel N’Djoké Dibango est bien entendu celui auquel on pense immédiatement, mais ce n’est pas une raison pour ignorer les chanteurs et bassistes Richard Bona ou Étienne M’Bappé ! Il existerait d’ailleurs un véritable tropisme camerounais pour la quatre-cordes, que maîtrisent si bien Manfred Long, Jeannot Dikoto Mandengué, Richard Epesse, André Manga, Hilaire Penda, etc.

Et pourquoi pas l’opéra, tant qu’on y est ? Eh bien si, le Cameroun a son chanteur classique à la voix basse, Jacques-Greg Belobo, qui sera présent pour Africa Lyric’s Opera au Théâtre des Champs-Élysées (Paris) le 28 septembre.

Des économistes qui comptent

Les Camerounais sont très en vue au sein des institutions économiques internationales. En mai, Albert Zeufack est devenu le premier Subsaharien à occuper le poste d’économiste en chef pour l’Afrique à la Banque mondiale.

Et ses compatriotes sont très présents au sein de cette institution : Paul Noumba Um pilote le bureau régional couvrant le Mali, la Guinée, le Niger, le Tchad et la Centrafrique ; Emmanuel Noubissie Ngankam est le directeur adjoint des opérations pour la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Bénin et le Togo.

Installée à Dakar, Vera Songwe (photo) administre le bureau Afrique de l’Ouest et Afrique centrale de l’IFC (Société financière internationale).

Autre nomination récente, celle de Célestin Monga, jusque-là directeur général adjoint de l’ONU pour le développement industriel (Onudi). En juillet, il est devenu économiste en chef de la BAD et vice-président pour la gouvernance économique et la gestion du savoir.

Il rejoint ainsi Janvier Litse, vice-président chargé des opérations au sein de l’institution et Alain Ebobissé, qui dirige le fonds Africa50. Enfin, Afreximbank compte aussi deux piliers camerounais : Hippolyte Fofack, au poste d’économiste en chef et George Elombi, vice-président.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image