Portrait : Ernest Dikoum, le pilote qui doit sauver Camair-Co
Pur produit du dubaïote Emirates, le nouveau directeur général de la compagnie camerounaise est chargé de mettre en œuvre le plan de relance élaboré par Boeing Consulting. Mais aura-t‑il les coudées franches ?
Aérien : des progrès qui rassurent
De nombreuses compagnies africaines demeurent sur la liste noire de la Commission européenne. Mais, depuis cinq ans, les transporteurs, les institutions du secteur et les États réalisent des efforts importants pour assurer la fiabilité de leurs aéroports et de leurs vols.
Le 22 septembre, Ernest Dikoum a dû pousser un ouf de soulagement en voyant le Boeing 767 de Camair-Co avec à son bord les 200 premiers Camerounais de retour de La Mecque atterrir à l’aéroport de Douala. Ce vol marque le début d’une noria devant ramener 3 500 pèlerins et constitue l’épreuve de feu pour le nouveau patron de la compagnie camerounaise.
Un défi important
« C’est un professionnel qui aime relever les défis », assure Mathiaco Bessane, le directeur des transports aériens au ministère sénégalais du Tourisme. Mais la relance de Camair-Co, qu’il dirige depuis le 22 août, est une autre paire de manches. Depuis le lancement de ses activités, en 2011, le transporteur a déjà épuisé quatre directeurs généraux, traîne une ardoise de plus de 35 milliards de F CFA (53 millions d’euros) et voit régulièrement saisis les deux appareils qu’il loue. Pour ne rien arranger, sa subvention mensuelle d’équilibre, de 1,5 milliard de F CFA, ne lui est pas toujours versée.
Le défi est donc de taille pour ce Camerounais de 49 ans formé aux métiers du transport aérien à l’Emirates Aviation University, où il a décroché un Executive MBA en 2012, tout en obtenant parallèlement un MBA en gestion logistique de l’université de Coventry. Auparavant, il était passé par l’École des métiers du tourisme de Rabat et s’était engagé pendant six ans avec l’islandais Icelandair, avant de rejoindre Emirates en 2004.
Ernest Dikoum est donc chargé de piloter le troisième plan de vol élaboré par Boeing Consulting, qui continuera à le conseiller pour ramener Camair-Co à l’équilibre dès 2018, si le calendrier est respecté. Selon ses préconisations, l’État doit injecter 60 milliards de F CFA dans l’entreprise. Le nouveau patron devra quant à lui user de son carnet d’adresses pour acquérir neuf nouveaux appareils et porter le parc à quinze avions. Une flotte indispensable pour renforcer le transport des passagers et développer l’activité de fret.
Sauveur
Le nouveau pilote de Camair-Co sera surtout attendu sur l’ouverture de nouvelles lignes, dont neuf destinations domestiques, deux africaines et cinq intercontinentales. Son expérience devrait l’y aider. En tant que directeur général des opérations au Sénégal de 2010 à 2016, Ernest Dikoum a permis à Emirates de rayonner en Afrique de l’Ouest à partir du hub de Dakar. Le transporteur dubaïote dessert aussi le Mali, la Mauritanie, la Gambie, la Guinée-Bissau, la Guinée et le Cap-Vert.
« Si ça ne tenait qu’à Emirates, le bureau de Dakar aurait fermé. Il s’est battu en augmentant l’activité, avoue un ancien collaborateur. En outre, il a convaincu la compagnie de se réengager sur des destinations comme Bamako ou Conakry, un temps suspendues à cause du virus Ebola et des attentats terroristes ».
La difficulté en Afrique tient à ce qu’on est soumis à des décisions politiques ne correspondant pas souvent à la réalité économique
Mais pour réussir à la tête de Camair-Co, encore faut-il qu’il ait les coudées franches. Son premier test en la matière sera de réduire les effectifs. Un chantier que son prédécesseur, Jean-Paul Nana Sandjo, n’avait pas voulu ouvrir, tant le sujet est politiquement sensible. « Bienvenue en Afrique ! » n’a pas manqué de lui dire, en le taquinant, son ex-collaborateur d’Emirates, mettant en avant les pesanteurs culturelles qui bloquent la compétitivité des compagnies du continent dans un univers aussi concurrentiel.
S’il ne doute pas de la volonté d’Ernest Dikoum de relever ce nouveau défi, Mathiaco Bessane le met aussi en garde : « La difficulté en Afrique tient à ce qu’on est soumis à des décisions politiques ne correspondant pas souvent à la réalité économique. » Ernest Dikoum est à tout le moins prévenu.
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