Frédéric Gagey et Franck Legré – Air France-KLM : « Nous réfléchissons à des long-courriers low cost »

Sécurité, crise des matières premières mais aussi vols low-cost, montée en gamme… Le continent fait partie des défis comme des projets du géant français. Revue de détail avec deux de ses hauts dirigeants.

Frédéric Gagey (pdg Air France) et Frank Legrè (DG Afrique Air France), aéroport d’ Oran, Algérie. 25 septembre 2016.
© Air FRance © Air France

Frédéric Gagey (pdg Air France) et Frank Legrè (DG Afrique Air France), aéroport d’ Oran, Algérie. 25 septembre 2016. © Air FRance © Air France

Julien_Clemencot

Publié le 12 octobre 2016 Lecture : 5 minutes.

Tour de contrôle de l’aéroport international Léopold-Sédar-Senghor, à Dakar. © Guillaume BASSINET pour JA
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Aérien : des progrès qui rassurent

De nombreuses compagnies africaines demeurent sur la liste noire de la Commission européenne. Mais, depuis cinq ans, les transporteurs, les institutions du secteur et les États réalisent des efforts importants pour assurer la fiabilité de leurs aéroports et de leurs vols.

Sommaire

L’année est pleine de paradoxes pour Air France-KLM. Après avoir annoncé en février ses premiers bénéfices depuis 2008, le groupe, qui a transporté près de 90 millions de passagers en 2015, a dû faire face à la démission surprise de son PDG, à deux mouvements sociaux importants, aux conséquences du terrorisme en France tout en affrontant la concurrence toujours plus forte des compagnies d’Asie et du Golfe. Sur le continent, les nouvelles ne sont guère meilleures, en raison de la crise des matières premières. Frédéric Gagey, PDG d’Air France, et son directeur Afrique, Franck Legré, ont répondu aux questions de JA lors de l’ouverture de la ligne Paris-Oran le 25 septembre.

Jeune Afrique : Air France ne desservait plus Oran depuis 1994. Que signifie la réouverture de cette ligne ?

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Frédéric Gagey : Cela démontre notre ambition. Il n’est pas si fréquent que nous desservions deux villes dans un même pays africain. Et cela s’explique par la proximité entre les deux rives de la Méditerranée, au niveau culturel et en raison de la forte diaspora algérienne en France. Il s’agit aussi d’un accompagnement offert aux entreprises françaises.

Malgré la baisse des flux touristiques vers le Maghreb, où elle est très présente, les résultats de votre filiale Transavia y sont-ils bons ?

F.G. : Des ajustements de réseau ont été faits en 2015, avec des fermetures de lignes ou des diminutions de fréquences, par exemple en Égypte. Cette année, la compagnie est dans une phase de consolidation, avec l’augmentation de ses fréquences et l’ouverture de quelques lignes supplémentaires comme Nantes-Alger ou Lyon-Agadir. Au niveau global, la croissance de Transavia est supérieure à 20 %, à la fois en capacité et en trafic.

Mais en Afrique du Nord, sa performance dépend effectivement fortement de l’activité touristique. Au Maroc, elle enregistre une hausse du trafic, même si elle ne retrouvera pas le niveau de 2014. Et en Tunisie, la situation reste plus compliquée, marquée par une légère baisse.

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Transavia va-t‑elle aller au sud du Sahara ?

F.G. : La question des vols long-courriers low cost n’est pas tranchée. Cela fait partie du plan stratégique qui sera présenté début novembre par Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM depuis le mois de mai. Ces questions sont posées depuis un moment, mais le changement de PDG a retardé la prise de décision.

La demande de billets vers la France a baissé de 19 % depuis le début de l’année

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Votre compagnie accuse au dernier trimestre un recul important de son trafic. Comment l’expliquez-vous ? Les lignes africaines sont-elles concernées ?

F.G. : Globalement, le trafic recule de 10 %, mais sur certains marchés on enregistre -20 %. En France, les ventes ont légèrement progressé, et les correspondances via le hub de Charles-de-Gaulle fonctionnent bien. Mais le manque d’attractivité de Paris a entraîné une forte chute du trafic.

La situation sécuritaire, mais aussi sociale, a joué un rôle négatif. En France, le nombre de clients chinois, japonais et américains s’est réduit drastiquement. Anne Hidalgo, la maire de Paris, a lancé un film pour faire la promotion de la ville, et nous allons le diffuser dans nos avions. Sur le million de clients que les hôteliers disent avoir perdu pendant l’été, la moitié ou les trois quarts auraient pris l’avion et 70 % seraient venus avec Air France.

F. L. : Sur le continent, l’Afrique du Sud est le marché qui est le plus affecté par ce climat. La demande de billets vers la France a baissé de 19 % depuis le début de l’année. Mais ailleurs en Afrique, ce sont d’autres facteurs qui sont en cause. Par ailleurs, les récentes élections au Gabon ou la crise pétrolière pèsent sur nos résultats.

Air France souffre-t‑il de la crise des matières premières ?

F.L. : Parmi les comptes globaux d’Air France, le secteur des hydrocarbures accuse une baisse de 33 % en matière de recettes par rapport à l’an dernier. Le Nigeria, l’Angola et le Congo sont des marchés actuellement difficiles. Nous essayons de maintenir le réseau en adaptant les fréquences. Au Nigeria, nous allons maintenir nos dessertes de Lagos, Abuja et Port Harcourt, où nous allons passer de six à cinq vols par semaine. Ce changement tient aussi compte de la difficulté à rapatrier nos recettes car les banques nigérianes n’ont plus de devises. La situation financière est similaire en Angola.

Le plan Perform 2020 prévoit encore des économies pour améliorer la compétitivité du groupe Air France-KLM. L’Afrique participe-t‑elle à cet effort ?

F.G. : Des efforts ont été réalisés concernant l’optimisation des réseaux, la réduction des coûts et la digitalisation des produits.

F.L. : En trois ans, le nombre d’expatriés va diminuer de 40 % grâce à des formations pour nos managers africains les plus prometteurs. Offrir des postes à responsabilité à des cadres locaux permet de réduire nos coûts et d’avoir des collaborateurs qui connaissent mieux le marché.

Même quand il y a des tensions dans un pays, nous maintenons des vols.

Le plan Trust Together, qui sera présenté en novembre, doit rétablir la confiance entre la direction et les salariés d’Air France-KLM. Quel est l’état d’esprit des équipes africaines ?

F.G. : Hors d’Europe, nos équipes sont souvent petites, et Français, Néerlandais ou locaux n’ont pas de problème pour travailler ensemble. Ce qui leur importe, c’est la part de marché du groupe.

L’ex-PDG d’Air France-KLM, Alexandre de Juniac, a souhaité une montée en gamme des prestations. L’Afrique en a-t‑elle profité ?

F.G. : Bien sûr. Sur les vols moyen-courriers, il y a plus de confort. Et Air France a apporté le premier A380 au sud du Sahara, à Abidjan.

F.L. : En 2014, les nouvelles cabines de la classe affaires ont été présentées à Shanghai et Paris, mais aussi à Libreville. Et elles ont été introduites sur les Boeing 777 qui desservent l’Afrique centrale. Les lignes long-courriers africaines utilisent la flotte triple 7 mais aussi les Airbus 330, qui seront à leur tour équipés d’ici à 2018. Et le premier Boeing 787 Dreamliner va être mis en service en janvier sur la ligne du Caire.

Envisagez-vous d’augmenter votre part de 11,1 % dans le capital d’Air Côte d’Ivoire ? Que vous apporte-t‑elle concrètement ?

F.L. : Nous sommes prêts à étudier les propositions des autres actionnaires. Sur les villes que nous ne desservons pas tous les jours, ce partenariat nous apporte plus de trafic via des correspondances à Abidjan. Et nous pouvons vendre depuis Paris des liaisons intra-africaines avec nos vols Air France.

Qatar Airways, RAM, Turkish Airlines… Les concurrents ne manquent pas en Afrique. Comment vous distinguez-vous ?

F.G. : Grâce à notre comportement hautement responsable. Quand les conditions à Bangui sont difficiles, quand il y a des tensions à Libreville, nous essayons de maintenir les vols.

F.L. : Si on avait quitté la Côte d’Ivoire il y a six ans, nous ne serions pas aussi présents aujourd’hui et cela aurait été une grave erreur.

Comment gérez-vous les fortes contraintes sécuritaires au Sahel ?

F.G. : Nos équipages ne séjournent ni au Mali, ni au Burkina Faso, ni en Mauritanie. En octobre, notre équipe de sûreté verra dans quelle mesure elles pourraient y retourner.

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