RD Congo : Gabriel Amisi Kumba, un général dans le collimateur des États-Unis

Cet ancien rebelle congolais, chargé de réprimer les récentes manifestations anti-Kabila à Kinshasa, s’est vu geler ses avoirs par les États-Unis.

En septembre 2002, à Kindu, lorsqu’il officiait encore au sein de la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma). © RODRIQUE NGOWI/AP/SIPA

En septembre 2002, à Kindu, lorsqu’il officiait encore au sein de la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma). © RODRIQUE NGOWI/AP/SIPA

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 5 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Dans les années 2000, Gabriel Amisi Kumba et John Numbi se sont déjà retrouvés côte à côte. C’était dans l’armée congolaise : le premier dirigeait les forces terrestres, le second l’armée de l’air. Depuis, la notoriété de ces deux généraux a crû au fil des accusations dont ils ont fait l’objet.

Kabila pris pour cible

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Mais cela ne les a jamais empêchés de rester proches du chef de l’État, Joseph Kabila. C’est d’ailleurs ce qui leur vaut, depuis le 28 septembre, un gel de leurs avoirs par les États-Unis. Il s’agit en effet d’une nouvelle pression de Washington pour obtenir le départ du président au terme de son ultime mandat constitutionnel, en décembre.

Un temps divisés sur la question, les Européens menacent désormais de faire de même. Et vont jusqu’à brandir des interdictions de voyage d’ici à la fin de l’année si la crise politique et les violences se poursuivent.

Des personnalités déjà connues en en RDC

Depuis l’affaire Floribert Chebeya, le pedigree de Numbi est largement connu. Il est soupçonné d’avoir commandité l’assassinat de ce militant des droits de l’homme en 2010, alors qu’il était chef de la police. Officiellement démis de ses fonctions depuis, Numbi est toujours actif à Lubumbashi, selon Washington : il aurait notamment menacé de mort plusieurs opposants pour qu’ils retirent leur candidature au poste de gouverneur lors des élections de mars.

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Gabriel Amisi Kumba, alias Tango Four, est moins célèbre hors de la RD Congo. Il occupe pourtant un poste important : celui de chef de la première zone de défense, qui couvre notamment la capitale, Kinshasa. À ce titre, c’est lui qui a « géré » les manifestations des 19 et 20 septembre.

Là où les Américains ont vu une féroce répression, le pouvoir congolais s’est félicité de l’action d’Amisi : en matant des « émeutiers qui s’apprêtaient à incendier le Palais du peuple », il aurait « sauvé des flammes le temple de la démocratie ». Le bilan, même officiel, est pourtant peu démocratique : 32 morts.

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Des accusations, Tango Four en a vu d’autres. Originaire du Maniema (Est), formé sous le régime de Mobutu, cet officier a rejoint, à la fin des années 1990, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), une rébellion soutenue par le Rwanda dans l’est de la RD Congo.

D’abord nommé responsable de la logistique (dénomination du poste : T4, d’où son surnom), il devient ensuite commandant de Kisangani. Il y mène, au côté du chef rebelle Laurent Nkunda, la répression d’une révolte en 2002 : plus de 160 morts, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.

Vente d’armes

À la faveur des accords de paix, Amisi est finalement réintégré à l’armée congolaise, avant de devenir chef des forces terrestres. À ce poste, il est plusieurs fois accusé par les experts de l’ONU d’exploiter illégalement des mines dans l’Est.

Sa collaboration passée avec Nkunda lui vaut alors le soupçon, tenace, de complicité avec l’ennemi – surtout après que Nkunda a monté une nouvelle rébellion, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), en 2006. En 2012, lorsque l’armée congolaise est aux prises avec le Mouvement du 23-Mars, Amisi est accusé par de nouveaux rapports onusiens de vendre du matériel de guerre à des groupes armés, pour certains dans un camp opposé au sien. Il est alors retiré du front mais, dès 2014, il est blanchi par la justice militaire, puis nommé à son poste actuel.

Entre-temps, Tango Four n’a semble-t‑il rien perdu de sa fortune : il possède des entreprises et des biens immobiliers, à Kindu comme à Kinshasa. Depuis 2007, il s’est même offert le luxe de présider le prestigieux AS Vita Club de Kinshasa.

Comme tous les clubs de football congolais, c’est un gouffre financier, mais cela lui permet de se bâtir une réputation plus positive… C’est en tout cas à son portefeuille que les Américains s’en prennent aujourd’hui. Au-delà d’éventuels actifs aux États-Unis, leurs sanctions paralysent tous ses comptes en dollars, même dans les banques congolaises. Mais l’intéressé, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, a peut-être d’autres méthodes de paiement.

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