Khadija El Bouhali : couscous et sirop d’érable

En proposant des plats surgelés pour les rayons des épiceries québécoises, cette Marocaine comble sa soif d’entreprendre sans renier son goût des saveurs berbères.

« On a fait énormément de tests de semoule, de bouillon, de sauce, pour trouver ce que les gens aiment », confie Khadija El Bouhali. © Francois Nadeau pour JA

« On a fait énormément de tests de semoule, de bouillon, de sauce, pour trouver ce que les gens aiment », confie Khadija El Bouhali. © Francois Nadeau pour JA

Publié le 7 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

«C’est définitivement mon passage à l’émission québécoise Dans l’œil du dragon qui m’a propulsée sur le devant de la scène, confie fièrement Khadija El Bouhali. C’est après sa diffusion que les choses ont changé. » Et pourtant, très peu de personnes y croyaient, jugeant l’intervention médiatique de la jeune femme dans cette émission de téléréalité, où des investisseurs privés décident ou non de soutenir une entreprise, prématurée. C’était compter sans la détermination de cette néo-Canadienne qui a su capter leur attention.

Couscous prêt-à-manger

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Regard décidé et sourire franc, Khadija El Bouhali raconte son cheminement, celui d’une Berbère venue en conquérante s’attaquer au marché très compétitif de la transformation alimentaire. « On a fait énormément de tests de semoule, de bouillon, de sauce, pour trouver ce que les gens aiment. » C’est ainsi que Cousmos, son entreprise spécialisée dans la production de plats de couscous santé prêt‑à-manger, propose aujourd’hui trois variantes : le Couscous vert végétarien, le Berbère authentique et le Terroir sans gluten, qui intègre les saveurs québécoises de sirop d’érable et de canneberge.

« Ce qui est important pour moi, c’est la certification Aliments préparés au Québec. » Khadija El Bouhali met un point d’honneur à travailler avec des partenaires locaux, et même plus spécifiquement de Rive-Sud (Montréal), où elle demeure. « J’ai un attachement profond au développement local. » Même si l’entreprise n’a pas encore d’employés, elle compte sur ses stagiaires et sur la présence de sa patronne sur tous les fronts.

« Avant les Dragons, j’ai passé énormément de concours pour me prouver à moi-même ce que j’étais capable de faire. Je suis dans un secteur difficile, il y a de gros fournisseurs et d’importants détaillants dans la transformation alimentaire. Mais je me répétais sans cesse : je vais y arriver. » Elle rafle ainsi le Concours québécois en entrepreneuriat dans la catégorie bioalimentaire en 2015, le concours Lys Affaires de Média Mosaïque et le concours d’excellence du Congrès maghrébin au Québec.

En 2016, elle obtient le Prix de la détermination du Concours québécois en entrepreneuriat de la Chambre de commerce et d’industrie de la Rive-Sud. C’est forte de cette confiance grandissante que la jeune mère de deux enfants s’est inscrite à l’émission. « C’était simple, j’allais aux Dragons ou je fermais la porte. »

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Le coup de poker a été gagnant. Avec plus de 1 million de téléspectateurs, Khadija El Bouhali a immédiatement séduit les investisseurs, dont le millionnaire Gilbert Rozon, qui l’ont d’emblée qualifiée de meilleure entrepreneuse de la saison 2016. Les portes se sont ouvertes. « Le timing était parfait. L’émission a été diffusée le 4 avril, juste avant que je participe au Salon international de l’alimentation, qui se tenait à Montréal dix jours après. Plusieurs distributeurs et acheteurs se sont arrêtés à mon kiosque. »

J’avais envie d’un vrai couscous !

Femme engagée et déterminée

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Un couronnement pour cette ancienne journaliste militante issue d’une famille de dix enfants, qui a quitté son Maroc natal à l’âge de 26 ans. Avec un père travaillant dans les mines de phosphate de Khouribga et une mère au foyer, la jeune femme étudie au Maroc, puis rejoint en 1998 l’un de ses frères installé au Québec.

Elle y cumulera les emplois de femme de ménage le jour, d’aide à domicile la nuit et de serveuse le week-end, tout en menant des études en développement des affaires à l’université du Québec. Femme engagée, elle devient bénévole dans diverses associations locales, côtoie différents partis politiques, conseille des organismes citoyens. Ce qui lui vaudra, en 2011, le trophée Femmes arabes en arts et culture. « Je voulais comprendre le Québec. Savoir comment ça fonctionne ici. »

Trop occupée à essayer de comprendre son nouveau pays et à se forger de nouveaux repères, Khadija El Bouhali regrette de ne pas avoir pu profiter plus de ses parents, qui étaient eux-mêmes venus s’établir au Canada. « Le temps passe et je ne les ai pas vus vieillir. » Emportés successivement par des cancers du poumon fulgurants, ils ont eu le temps de voir leur fille se lancer dans la folle aventure du mariage des saveurs marocaines et québécoises.

L’idée d’un couscous prêt‑à-manger a germé à la suite d’une déception, celle de ne trouver nulle part un plat qui se rapprochait de ce qu’elle avait connu au Maroc. « J’avais envie d’un vrai couscous ! » Elle commence alors à cuisiner pour ses amis, puis élargit son cercle de goûteurs et s’aperçoit qu’il y a peut-être une place à prendre. Inspirée et encouragée par ses parents, El Bouhali a su forger une entreprise québécoise d’inspiration culturelle marocaine.

Aujourd’hui, Cousmos est en affaires avec une usine locale de transformation alimentaire de Saint-Hyacinthe, qui lui a permis de retravailler ses recettes, de choisir la semoule adéquate, d’ajouter des légumes et d’augmenter la qualité et la saveur de ses plats sous vide. Les nouvelles formules sont confiées à un distributeur qui assure la répartition chez les détaillants. « Je veux que les gens goûtent à autre chose ! Mes produits sont bio, sans produits additifs, sans colorants. Je veux qu’ils découvrent un couscous de qualité. »

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