Formation : le Cerdi, incubateur de dirigeants africains

Ce centre universitaire français, spécialisé dans les politiques de développement, a vu passer sur ses bancs nombre de hauts fonctionnaires. Pour ses 40 ans, il a reçu Alassane Ouattara.

Alassane Ouattara au Cerdi le 29 septembre 2016 © Julien Vallet pour Jeune Afrique

Alassane Ouattara au Cerdi le 29 septembre 2016 © Julien Vallet pour Jeune Afrique

Publié le 18 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Pour ses 40 ans, le 29 septembre, le Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cerdi) s’est offert un invité de marque : Alassane Ouattara. Son cofondateur, Patrick Guillaumont, a noué des liens forts avec le président ivoirien, qu’il connaît depuis le début des années 1970, quand celui-ci travaillait à la BCEAO.

Ambassades ou fonction publique

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En seulement quatre décennies, ce petit organisme universitaire établi à Clermont-Ferrand (France) s’est imposé comme le principal centre de formation des cadres spécialistes du développement d’Afrique francophone. Sa proximité avec les institutions de Bretton Woods a joué pour sa renommée, bien qu’il reste peu connu en France.

S’il est financé à égalité par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’université d’Auvergne, la Banque mondiale contribue, via un système de bourses, à la scolarité des étudiants. « Il y a vingt ans, nous avons remporté un de ses appels d’offres pour un programme de formation des cadres des pays en développement en matière de politique économique, raconte Patrick Guillaumont. Nous étions en compétition avec HEC Paris et nous l’avons emporté. Aujourd’hui, nous sommes les meilleurs en matière d’économie du développement en France. »

Les quelque 200 étudiants en master, en magistère – une formation en trois ans – ou en doctorat sont pour partie recrutés dans les ambassades de France en Afrique subsaharienne via un concours. La moitié d’entre eux sont originaires du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Burkina Faso et, dans une moindre mesure, du Tchad ou du Mali. En tout, plus d’un millier d’étudiants africains sont passés par les bancs de l’école.

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La majorité ont ensuite rejoint la fonction publique de leur pays d’origine et quelques chanceux – 40 à 50 anciens élèves sur les dix dernières années – ont intégré le FMI ou la Banque mondiale. Mais au Cerdi, la formation reine s’appelle GPE, pour master en gestion de la politique économique, une sorte de MBA d’un an pour de hauts fonctionnaires africains déjà en poste. Un « accélérateur de carrière » pour les 20 étudiants qui l’obtiennent chaque année, selon le directeur du Cerdi, Vianney Dequiedt.

Libéraux

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Au Cerdi, la proximité avec certains chefs d’État africains est naturelle et revendiquée. Par le passé, le centre avait déjà reçu les anciens présidents sénégalais Abdou Diouf en 2012 et Abdoulaye Wade en 2002. Mais s’il vante sur scène les politiques d’ajustement structurel mises en place par Alassane Ouattara quand il était Premier ministre au début des années 1990, Patrick Guillaumont reste volontiers évasif quand on évoque l’influence du Cerdi sur les politiques économiques africaines.

« Nous sommes pragmatiques et anti-idéologiques, assure-t‑il. Nous croyons et au rôle de l’État et à l’économie de marché. On nous a reproché d’être trop libéraux parce que nous parlions avec la Banque mondiale, mais nous nous sommes parfois opposés à elle, par exemple sur la question des caisses de stabilisation des produits agricoles. En Afrique, le clivage idéologique est dépassé. »

Ce 29 septembre, sur scène, un ancien élève, le Sénégalais Ibrahima Sarr, distille quelques conseils aux étudiants et futurs dirigeants africains. « N’essayez pas d’appliquer tout ce qu’on vous apprend ici. Il vous faudra parfois apprendre à composer avec la sphère politique », explique le directeur général de la Société minière de la vallée du fleuve (Somiva), ex-ministre du Budget d’Abdoulaye Wade.

Avant de raconter comment il a convaincu l’ex-président sénégalais de ne pas délaisser le franc CFA : « Je lui ai délivré un conseil que l’on m’avait donné ici, au Cerdi : “Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises politiques de change. L’essentiel est d’en choisir une et de s’y tenir.” »

Son ancienne école prône une plus forte intégration monétaire de la zone franc CFA. Une position également défendue par Alassane Ouattara, lequel rabat d’une phrase la question d’un étudiant ivoirien sur le possible abandon de cette devise. « On ne discute pas des questions monétaires sur la place publique, tranche-t‑il. Par ailleurs, l’expérience a prouvé que le franc CFA était plutôt une bonne chose. »

De prestigieux anciens élèves

De nombreuses personnalités politiques et économiques africaines sont des anciens étudiants du Cerdi. Parmi elles, le Camerounais Albert Zeufack, économiste en chef Afrique subsaharienne de la Banque mondiale, le Malien Michel Sidibé, directeur exécutif du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida), la ministre ivoirienne du Plan et du Développement, Kaba Nialé , présente le 29 septembre lors des 40 ans du centre universitaire – ou encore l’ancien Premier ministre du Niger Boukary Adji.

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