Théâtre : TRANS, un beau brouillon
Écrit et mis en scène par l’auteur congolais Julien Mabiala Bissila, ce spectacle pluridisciplinaire invite à une grande traversée, et nous perd en chemin.
« Le festival des Francophonies nous demandait de semaine en semaine : c’est quoi le thème de cette pièce ? Jusqu’au bout de notre travail, il y a quelques jours, on ne pouvait pas leur répondre. » Julien Mabiala Bissila affiche un large sourire.
Devant lui, une trentaine de spectateurs conquis sont restés au théâtre de l’Union de Limoges à l’issue de la représentation pour poser des questions aux artistes. TRANS, la dernière création du Congolais né à Brazzaville, prix RFI-Théâtre en 2014, était annoncée comme LE grand moment du festival en langue française.
« Vous allez voir, il a gagné en maturité, son travail est fantastique », glissait une consœur. « Un long cheminement de paroles, de sons, de mouvements corporels et de musiques… », annonçait le programme, sibyllin. On n’a pas été déçu du voyage.
Une exploration de l’actualité
Décousu. Difficile de décrire ce que l’on a vu. Un fil rouge, très ténu, part de l’attentat visant le vol UTA 772 Brazzaville-Roissy, en 1989. Les comédiens (du collectif français Zavtra) semblent être des sortes de zombies cherchant à passer le temps et à quitter le désert où leur avion s’est écrasé. De transe, la danse, il n’est pas vraiment question, même si le chorégraphe congolais associé au projet, DeLaVallet Bidiefono, a travaillé autour de cette notion.
« L’idée, c’est de parler de ‘‘trans’’, comme transport, une traversée géographique, mais aussi à travers des sujets, de l’actualité », précise l’auteur. Entre deux crises d’hystérie qui voient les comédiens gesticuler en slip sur une musique électro rageuse sont donc abordés pêle-mêle : la Françafrique, la colonisation, la traite négrière, l’émigration clandestine, le mariage forcé, l’indépendance du Congo, la sape…
Le texte, qui doit beaucoup aux improvisations des comédiens, joue un peu la provoc en s’appuyant sur un vocabulaire ordurier ponctué de « putain » et de « merde » qui peine à défriser l’assistance. Il multiplie les formules antiflics, pro-émigration et anti-impérialistes qui n’ont personne à convaincre parmi les aficionados du théâtre public.
Les Congolais me disent que mon rôle, c’est d’éduquer la population, pas de faire du ‘‘théâtre de Blancs’’
Évidemment, on a du mal à suivre la pensée de l’auteur. Mais celui-ci nous rassure. « Une pièce où tout est maîtrisé, ce n’est plus la vie. » Pas besoin de construire une narration, puisque c’est le chaos même qui fait poésie et qui nous rapproche du réel.
« Un artiste interroge, pose des questions, il met dans sa marmite des tomates et des scorpions. Il ne cherche pas à faire beau ou à faire de la pédagogie. Sur les réseaux sociaux, les Congolais me disent que mon rôle, c’est d’éduquer la population, pas de faire du ‘‘théâtre de Blancs’’. Ici, les spectateurs en veulent pour leur argent quand ils viennent voir mes pièces : ils exigent une entrée, un plat de résistance et un dessert. Mais je n’ai pas de compte à rendre ! »
L’artiste affirme qu’on ne comprendra peut-être ses expérimentations que dans plusieurs siècles. Une semaine après, on confirme, en tout cas, qu’on ne voit toujours pas où il veut en venir.
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