Hors-série : incertitudes dans le secteur bancaire

Recul des devises, ralentissement de la croissance… La période est délicate pour les 200 premiers établissements africains. Une analyse à retrouver dans notre « Spécial finance ».

Le rand, monnaie utilisée en Afrique du Sud a perdu un quart de sa valeur face au dollar en 2015. © Denis Farrell/AP/SIPA

Le rand, monnaie utilisée en Afrique du Sud a perdu un quart de sa valeur face au dollar en 2015. © Denis Farrell/AP/SIPA

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 28 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Après des années de forte croissance, à peine affectée par la crise internationale amorcée en 2007-2008, les banques africaines semblent être entrées dans une période délicate. L’édition 2016 de notre hors-série « Spécial finance » en témoigne largement : pour la première fois en dix-huit ans, deux des principaux indicateurs de croissance des 200 premières banques du continent reculent simultanément.

Fin 2015, le total des actifs atteignait 1 497,2 milliards de dollars (environ 1 370 milliards d’euros), contre 1 579,3 milliards un an plus tôt, soit une diminution de 5,2 %. Les revenus connaissaient la même évolution, avec une baisse du produit net bancaire (PNB) cumulé des 200 de 6,1 %. Et aucune région n’a échappé au phénomène.

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Monnaie et banques en ralentissement

En apparence, la cause directe de ce recul est à chercher du côté de l’évolution des devises : le rand, la monnaie de l’Afrique du Sud (dont les banques pèsent environ un tiers du total africain), a ainsi perdu en 2015 un quart de sa valeur face au dollar, monnaie de référence de notre classement. Le shilling kényan, le naira nigérian, le franc CFA et le dirham marocain ont reculé respectivement de 11,3 %, 8,5 %, 7,7 % et 7,4 %.

En seconde lecture, toutefois, le recul se révèle aussi lié au ralentissement de la croissance du secteur bancaire africain et à des conditions d’opérations qui se sont globalement durcies, avec une croissance en nette baisse dans les deux plus grandes économies (l’Afrique du Sud et le Nigeria) ou des tensions plus spécifiques dans d’autres (comme le Maroc ou le Kenya).

Le 10 octobre, Moody’s s’inquiétait des difficultés en matière de crédits rencontrées par les cinq plus grandes banques du Nigeria, estimant que le taux de prêts douteux allait passer de 5 % fin 2015 à 12 % d’ici à un an. Plus de 40 % des prêts accordés par la première banque du pays, First Bank of Nigeria, l’ont été dans le domaine du pétrole et du gaz… La banque d’affaires émiratie Arqaam Capital est allée plus loin, évoquant « une crise financière à part entière » et un resserrement annoncé du crédit.

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Une possible reprise de l’informel

Au Kenya, jusqu’ici exemplaire en matière de dynamisme bancaire, l’inquiétude est vive à la suite des difficultés rencontrées par trois banques locales (dont Chase Bank, dans laquelle le capital-investisseur panafricain Amethis avait investi). Mais pas seule­ment. « Un retournement est en train de se produire : les créances en souffrance ont bondi de 30 %, et les crédits diminuent », analyse Amine Bouabid, directeur général de Bank of Africa (présent à Nairobi), qui nous a accordé une interview à retrouver dans ce hors-série.

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« À cela s’ajoute une réglementation devenue trop contraignante, avec plusieurs réformes compliquées pour les banques. Mi-septembre, un taux maximal pour les crédits à 14 % – alors que le marché se situait autour de 22 %-23 % – et un taux minimal de rémunération des dépôts à 7 % ont ainsi été fixés. Dans ce pays, je pense qu’il va y avoir un spectaculaire retour vers l’informel », poursuit Bouabid.

Au Ghana, le total des prêts douteux a bondi de 59,9 % entre mars 2015 et mars 2016, selon des données de la Banque centrale, en raison notamment des difficultés de plusieurs entreprises, dont la raffinerie de Tema.

Ailleurs sur le continent, si la situation est loin d’être aussi critique, la montée des risques préoccupe de plus en plus une profession où la concurrence s’exerce encore trop souvent autour des mêmes clients. Laissant à tous un défi d’autant plus complexe qu’il se produit dans un environnement économique souvent dégradé : innover pour continuer à croître tout en musclant les capacités de contrôle et de gestion des risques.

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