France : les jeunes ambitieux se pressent au portillon de la présidentielle de 2017
Qu’ils participent ou non aux primaires en vue de la présidentielle, Emmanuel Macron, Arnaud Montebourg, Bruno Le Maire, NKM et les autres rêvent de prendre la relève d’une classe politique discréditée. Ce sont…
François Hollande manifeste une étrange propension à se prendre pour François Mitterrand. Fermez les yeux et écoutez les discours de sa campagne de 2012 : l’illusion est (presque) parfaite. Depuis, la crise mimétique ne s’est pas apaisée. Encouragé par ce premier succès, le chef de l’État cultive le machiavélisme, dissimule ses intentions, multiplie les promesses qu’il ne pourra tenir et dresse ses courtisans les uns contre les autres.
Résultat, il n’inspire plus que méfiance et défiance. Les rangs de ses fidèles s’éclaircissent, ceux de ses affidés déçus grossissent à proportion. Les désenchantés sont d’autant plus acharnés à sa perte que, pour Hollande, les sondages pourraient difficilement être plus mauvais. Pas de quartier pour le chef en perdition ! Dura lex, sed lex.
Nicolas Sarkozy est différent. Lui ne se soucie pas de « synthèses ». Il agresse ses adversaires, brocarde ses alliés et houspille publiquement ses assistants. Personne n’a forcé François Fillon à demeurer cinq ans à Matignon. Mais la haine qu’il manifeste à l’endroit de l’ancien président laisse deviner la violence des outrages infligés à sa vanité. L’ex-« collaborateur » ne reculera devant rien pour empêcher Sarkozy de reconquérir l’Élysée.
Critique des anciens
La Cause du peuple, le récent livre du très maurrassien Patrick Buisson, qui fut le principal conseiller de l’ancien chef de l’État, n’est certes pas parole d’évangile. On y sent trop d’aigreur et de ressentiment, sa crédibilité en souffre. Mais le trivial florilège sarkozien qu’il met en scène est bien dans la manière du personnage : Jacques Chirac ? « Corrompu et avide. » Fillon ? « Pauvre type, minable. » Xavier Bertrand ? « Méchant. » Christian Estrosi ? « Abruti. » On ne saura jamais si ces propos ont vraiment été tenus.
Mais ils auraient pu l’être. Pour s’offrir ainsi le luxe de rudoyer la terre entière, il faudrait être toujours vainqueur. Comme l’on sait, ce n’est pas le cas de Sarkozy. Tôt ou tard, l’heure des comptes sonnera pour lui. Dura lex, sed lex.
Par une sorte de loi naturelle, l’affaiblissement du chef provoque immanquablement des floraisons inopinées. Partout, de jeunes ambitieux sortent de terre. Las de ronger leur frein dans l’ombre, ils se prennent à rêver de plus radieuses destinées.
Le phénomène existe partout, sauf au Front national (FN), où la forme insolente de Marine Le Pen décourage toute velléité contestatrice. Mais un échec de son parti aux législatives qui suivront la présidentielle pourrait attiser la rivalité qui couve entre Marion Maréchal-Le Pen (26 ans), la nièce de la patronne du FN, et Florian Philippot (34 ans), son adjoint souveraino-chevènementiste. Guère de danger non plus pour Jean-Luc Mélenchon. Au Parti de gauche, personne ne semble désireux d’irriter le vieux chef incommode. Mais, partout ailleurs, c’est la jungle, la folle exubérance.
Franchir l’étape du premier tour
Au Parti socialiste (PS) et dans ses parages immédiats, la perspective d’une humiliante défaite au premier tour de la présidentielle est loin de dissuader la meute des prétendants. Qu’ils participent ou non à la primaire de la gauche en janvier, Emmanuel Macron (38 ans), Arnaud Montebourg (53 ans), Benoît Hamon (49 ans) et les autres rêvent moins d’en découdre avec le président que de le détourner d’une nouvelle candidature élyséenne. Leur stratégie relève davantage de la dissuasion que de la confrontation.
À titre personnel, ils n’ont pourtant ni les mêmes objectifs ni les mêmes moyens. Certains (Macron, Montebourg) croient dur comme fer en leurs chances de victoire, ce que les sondages n’infirment pas. D’autres préparent le coup d’après. Des esprits mal tournés mais pas forcément mal informés soupçonnent par exemple Hamon de vouloir s’emparer de la direction du PS, quitte à se rallier préalablement à Hollande au second tour de la primaire pour affaiblir Montebourg, son principal concurrent à gauche. D’autres encore se repaissent par avance des reliefs d’un festin médiatique auquel ils ne sont d’ordinaire jamais conviés.
La conséquence directe des embardées politiciennes du président est donc l’apparition dans son camp de deux vrais rivaux. L’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Le plus redoutable est à ses yeux Macron. En privé, il se déclare « meurtri » par la « trahison » de ce jeune homme pressé qu’il couva longtemps de sa sollicitude et à qui il confia les clés du coffre-fort (Bercy). « C’est Brutus, mais Hollande n’est pas César », s’amuse Alain Juppé.
Comment le chef de l’État a-t‑il pu commettre une telle imprudence ? Par sympathie pour le personnage ? Peut-être. Par calcul ? Sûrement. Quel meilleur moyen de tempérer les trop voyantes ambitions de Manuel Valls, son Premier ministre, que de faire émerger un rival qui lui ressemble ? Avec seize ans de moins.
Jeune loup
Macron a toujours été précoce. Au gouvernement comme dans son couple ou dans le cercle de ses amis, c’est toujours lui le plus jeune. Héritière d’une grande famille de chocolatiers picards, Brigitte Trogneux, son épouse, est de vingt-quatre ans son aînée. Les insolites tourtereaux se sont connus au lycée : elle était professeur de français, lui élève prometteur. Après quelques complications familiales, les noces furent célébrées en 2007 dans un grand hôtel du Touquet (Pas-de-Calais).
Henry Hermand, le témoin du marié, n’était pas non plus un perdreau de l’année (il a aujourd’hui 92 ans). Rocardien et catholique de gauche proche de la revue Esprit, il n’a jamais dédaigné les activités plus lucratives comme l’immobilier commercial ou la grande distribution. C’est lui qui, à l’orée des années 2000, plaça délicatement le pied du jeune inspecteur des finances dans l’étrier du big business. Chez les ténors du CAC 40, on observe avec bienveillance et circonspection les efforts de l’ancien ministre pour requinquer une économie française engluée dans ses archaïsmes.
Macron ne serait pas la première comète à balayer le ciel électoral avant de s’abîmer dans l’océan
L’opération peut-elle réussir ? Les critiques adressées par Macron à son ancien patron pour justifier la création d’un mouvement à sa dévotion, puis son retrait du gouvernement, ne sont pas infondées. On le croit quand il estime que le président a tendance à « faire les choses à moitié ». À preuve, il s’est tôt arrêté sur le chemin des réformes et a beaucoup édulcoré la loi dite Macron 1. La libéralisation du marché des autocars, l’ouverture des magasins le dimanche ou la simplification du permis de conduire sont sans doute des mesures utiles, mais permettront-elles de relancer la croissance et d’inverser enfin la courbe du chômage ?
Macron dispose au sein du PS, dont il n’est plus membre, de soutiens appréciables, comme celui du sénateur Gérard Collomb, président de la métropole lyonnaise. Mais il est surtout honni par une nuée disparate de vallsistes, de hollandais et de frondeurs. La balance n’étant pas à l’équilibre, il ne commettra pas la folie de participer à une primaire qu’il serait assuré de perdre.
Sans doute suscite-t‑il des sympathies à droite et au centre, mais pas au point d’y déclencher un raz-de-marée en sa faveur. Alors, il tergiverse, reste évasif sur son programme et diffère l’annonce de sa candidature. Hollande fait exactement la même chose. Qui l’emportera au petit jeu du chat et de la souris ? Ni l’un ni l’autre ? Macron ne serait pas la première comète politico-médiatique à balayer le ciel électoral avant de s’abîmer dans l’océan…
Les marchandages du PS
Le fringant Arnaud Montebourg, qui a quitté le gouvernement à l’été 2014 avant de rejoindre l’entreprise de meubles Habitat, a lui aussi hésité avant de franchir le Rubicon. Il voulait au préalable s’assurer qu’il ne serait pas lésé par les modalités de l’organisation de la primaire. Et, surtout, se convaincre de ses chances de l’emporter face au sortant, dont il juge le bilan « indéfendable ». Les sondages et la direction du parti ont fini par apaiser ses craintes.
En 2011, lors des précédentes joutes internes, il avait bien figuré au premier tour (17 % des suffrages) avant de se rallier à Hollande au second, alors qu’il passait pour proche de Martine Aubry. Un marchandage fut-il la cause de ce virage sur l’aile ? L’ex-ministre du Redressement productif, qui, à la vérité, n’a rien redressé du tout en dépit de sa tapageuse promotion des produits made in France, affirme regretter son choix. Mais a-t‑il pour autant changé ? Si d’aventure il est élu président, il promet de « casser la vaisselle » au siège de l’Union européenne, à Bruxelles. « Son ennemi, c’est la faïence », commente un humoriste.
Les jeunes Républicains tentent de prendre la relève
À droite, le renouvellement des générations s’annonce sous de moins favorables auspices. Sarkozy (61 ans), Juppé (71 ans) et Fillon (62 ans) ne sont pas pressés de passer la main. Leurs cadets le savent et adaptent leurs plans de carrière en conséquence. Les Geoffroy Didier (40 ans), ex-plume de Brice Hortefeux et vice-président du conseil régional d’Île-de-France, Guillaume Peltier (même âge), transfuge du Front national et du microparti de Philippe de Villiers, ou Gérald Darmanin (34 ans), maire de Tourcoing et vice-président du conseil régional des Hauts-de-France, savent que le temps travaille pour eux. Ils apprennent donc la patience, tissent leurs réseaux et peaufinent leurs allégeances. En attendant mieux.
D’autres, comme Xavier Bertrand (51 ans), Valérie Pécresse (50 ans) ou Laurent Wauquiez (41 ans), ont choisi de prendre provisoirement leurs distances avec les « cénacles parisiens » et les « appareils politiciens ». Bref, avec le « système » honni. Dans les Hauts-de-France, en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes, les fiefs qu’ils se sont taillés en 2015, ils jouent avec application la carte de l’enracinement régional et s’interdisent – ou font semblant – de rêver à un destin national. Pourquoi pas ?
Ex-chiraquien, ministre compulsif mais aussi maire de Troyes (Grand Est), François Baroin (51 ans) est un peu dans le même cas. Mais lui a clairement choisi son camp dans la guerre des droites. Si Sarkozy l’emporte, il sera sans doute Premier ministre.
Candidats des jeunes
Restent les deux stars de la nouvelle génération, l’une et l’autre candidates à la primaire. Très atypique et peu populaire à droite – Sarko l’accuse d’être en voie de « boboïsation » accélérée –, Nathalie Kosciusko-Morizet (43 ans) prétend combattre un « système » qu’elle incarne jusqu’à la caricature. Polytechnicienne, ex-ministre de l’Écologie et candidate malheureuse à la mairie de Paris en 2014, elle descend d’une longue lignée de responsables politiques. André, son arrière-grand-père, fut même l’un des fondateurs du Parti communiste français (PCF) !
« NKM » séduit un électorat jeune, urbain et très branché nouvelles technologies. Raison pour laquelle, sans doute, elle a peiné à réunir les parrainages requis pour participer à la primaire. Aux dernières nouvelles, elle recueillerait moins de 5 % des intentions de vote.
Sociologiquement, Bruno Le Maire (47 ans) a un peu le même profil : École normale supérieure, Sciences-Po Paris, ENA… Le cursus royal ! Mais, politiquement, il navigue sensiblement plus à droite. Dans ces eaux très fréquentées, il croise souvent la route d’un certain Nicolas Sarkozy, qu’il ne parvient pas à prendre de vitesse. Du coup, il restera jusqu’au bout le « troisième homme » de la primaire, ce qui n’est déjà pas si mal et lui permet de prendre date.
« BLM » fut un bon ministre de l’Agriculture et écrit lui-même de bons livres (Jours de pouvoir, Des hommes d’État, etc.). Mais il a tort de considérer que son intelligence est un handicap qu’il lui faut surmonter par des slogans débiles. « La primaire, c’est Le Maire », franchement… Mais personne n’est parfait !
Sept candidats à droite…
La primaire de la droite et du centre se tiendra les 20 et 27 novembre (second tour). Elle réunira six dirigeants des Républicains ayant recueilli les parrainages d’élus et de militants requis. Il s’agit, par ordre alphabétique, de Jean-François Copé, François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire et Nicolas Sarkozy. En tant que président du Parti chrétien-démocrate, Jean-Frédéric Poisson participera à ce scrutin interne sans avoir eu à passer par l’épreuve des parrainages.
Trois débats entre les prétendants à l’investiture sont prévus avant la consultation. Le premier a eu lieu le 13 octobre en direct sur TF1 et RTL. Il était censé durer environ deux heures trente (seize minutes maximum par candidat). Thèmes abordés : la sécurité et le chômage. Le deuxième aura lieu le 3 novembre sur BFMTV et i>Télé. Et le troisième, le 17 du même mois sur France Télévisions et Europe 1.
… et combien à gauche ?
La primaire de la gauche, « ouverte aux acteurs de la Belle Alliance populaire » (PS, écologistes progouvernement et Parti radical de gauche – PRG), n’aura lieu que les 22 et 29 janvier 2017, ce qui explique que la consultation comporte encore de nombreuses incertitudes. Mais on sait déjà que le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, candidat en toute occurrence, et Europe Écologie-Les Verts, qui organisera son propre scrutin interne, n’y participeront pas. Le Parti communiste français réserve encore sa position.
Avant l’épreuve des parrainages, on recense neuf candidats déclarés. Dans l’ordre alphabétique : Jean-Luc Bennahmias (Union des démocrates et des écologistes), Gérard Filoche (frondeur PS), Sidi Hamada-Hamidou (PRG), Benoît Hamon (frondeur PS), Marc Jutier (PS), Marie-Noëlle Lienemann (frondeuse PS), Arnaud Montebourg (frondeur PS), François de Rugy (Parti écologiste) et Sylvain des Rochettes (militant associatif). Tous ne seront évidemment pas sur la ligne de départ. Sauf catastrophe, François Hollande devrait déposer un dossier de candidature, mais pas Emmanuel Macron, son ancien ministre de l’Économie, qui, s’il se résout à franchir le Rubicon électoral, devrait concourir sous ses propres couleurs.
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