Yigo Thiam – directeur général du groupe Teyliom : « Nous allons doubler nos revenus »
Immobilier, banque, boissons, hôtellerie… Après avoir quitté les télécoms, le groupe de Yérim Sow se dit concentré sur quelques priorités stratégiques. Explications de son directeur général.
Étonnant groupe que Teyliom. Né dans l’immobilier avant de se développer dans les télécoms, le groupe fondé par Yérim Sow a progressivement quitté ce dernier secteur, où il a pourtant gagné beaucoup d’argent, pour se déployer dans l’hôtellerie, la finance et les boissons. En parallèle, la légende du très discret homme d’affaires ivoiro-sénégalais s’est sans doute légèrement ternie : ce n’est pas tous les jours qu’on vend pour une fortune l’une de ses entreprises (Loteny Telecom) à un géant (MTN, en l’occurrence), comme Yérim Sow l’a fait en 2005, à moins de 40 ans.
Néanmoins, le groupe a continué d’avancer avec une stratégie claire et lisible, a expliqué à Jeune Afrique Yigo Thiam, directeur général de Teyliom et proche de Yérim Sow depuis très longtemps. Malgré les retards, et alors que l’hôtel Noom de Conakry ouvre ses portes, les grandes ambitions dans l’hôtellerie n’ont aucunement été remisées. Les équipes de Teyliom, regroupées dans une grande tour du quartier du Plateau à Abidjan, préparent également l’entrée en Bourse de Bridge Bank Côte d’Ivoire, la filiale bancaire, et la montée en gamme de l’activité boissons.
Jeune Afrique : Le groupe Teyliom est souvent invisible dans les médias, à l’instar de votre actionnaire majoritaire, Yérim Sow. Vous êtes vous-même fort discret. Pourquoi ?
Yigo Thiam : La communication tous azimuts n’est pas dans notre culture. Elle doit se faire lorsqu’il existe des choses importantes à dire à notre public, à notre clientèle, à nos partenaires. Mais si, en externe, nous communiquons assez rarement, en interne, en revanche, nous nous parlons beaucoup…
Comment se porte votre groupe aujourd’hui ?
Il va bien ! Teyliom, qui est né il y a seulement dix ans, a réalisé un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros à la fin de 2015. Il a connu une croissance moyenne de 25 % par an ces cinq dernières années. L’an dernier, notre Ebitda [excédent brut d’exploitation] représentait 18 % de nos revenus.
Nous voulons nous diversifier dans les créneaux du moyen standing et des immeubles à loyers modérés
Votre stratégie pour ce groupe très diversifié est cependant difficile à suivre. On a l’impression qu’elle évolue en fonction des opportunités, on a du mal à discerner des synergies à long terme…
En vérité, nous sommes sélectifs ! Nous décelons une dizaine d’opportunités par jour. Si nous devions toutes les suivre, nous serions très vite débordés. Nous avons choisi de manière très claire les métiers prioritaires dans lesquels nous souhaitons nous développer : l’immobilier, l’hôtellerie, le secteur bancaire et financier et l’agroalimentaire. Teyliom a commencé son histoire dans les télécoms, mais nous en sommes sortis en 2005, au moment où ce secteur entamait une mutation que nous ne pouvions suivre.
Quels sont vos prochains objectifs ?
Sur la période 2015-2020, nous voulons doubler notre chiffre d’affaires et augmenter notre total de bilan. Ce dernier passerait de 750 millions d’euros en 2015 à 950 millions d’euros. Dans l’hôtellerie, nous investirons 300 millions d’euros sur cette période. Nous voulons à la fois développer des marques en propre et décrocher des contrats de management et de gestion de marques internationales.
Dans l’immobilier, plutôt que d’investir uniquement dans le segment résidentiel de haut standing et les bureaux comme par le passé, nous voulons nous diversifier dans les créneaux du moyen standing et des immeubles à loyers modérés. Dans ce domaine, nous ciblons la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Mali, parce que c’est là que se situe la plus grosse demande.
Enfin, dans le secteur financier, notre stratégie est concentrée sur deux pays représentant 60 % du PIB de la sous-région : la Côte d’Ivoire, via Bridge Bank, et le Sénégal, via la Banque nationale de développement économique [BNDE].
Vos grands projets dans l’hôtellerie ont pris beaucoup de retard, notamment à Conakry…
Un programme hôtelier prend du temps, entre l’acquisition du foncier, la construction, sans oublier le montage du financement bancaire. C’est surtout lors de la première étape – l’accession au foncier – que nous avons connu des difficultés. Et puis chaque projet a ses spécificités. À Abidjan, nous avons rencontré un problème technique dans la préparation de l’assise foncière sur un terrain en bordure de la lagune. À Conakry, les dix-huit mois de crise sanitaire entraînés par le virus Ebola ont ralenti la construction de notre hôtel Noom, mais ce dernier a finalement ouvert ses portes.
Vous aviez affiché l’objectif de construire pour votre compte quinze hôtels dans treize pays. Et de décrocher une quarantaine de contrats de management d’établissement. Ces ambitions sont-elles toujours d’actualité ?
Nous avons revu nos ambitions à la baisse, mais nous allons accélérer notre expansion par l’ouverture du capital de notre branche hôtelière à d’autres investisseurs spécialisés dans ce secteur. En 2019, nous détiendrons déjà six hôtels de haut standing opérationnels : un à Conakry, deux à Abidjan, un à Cotonou, un à Freetown, et un à Niamey. Nous lancerons ensuite des projets à Kinshasa et à Douala – pour laquelle les décisions d’investissement sont déjà prises. Quant aux contrats de management, nous en détiendrons une vingtaine à l’horizon 2019.
Il y a une forte concurrence dans l’hôtellerie dans la région, avec l’ouverture de milliers de chambres chaque année… Est-ce légitime de parier sur ce secteur, qui représente aujourd’hui 43 % de votre chiffre d’affaires ?
Il y a de la place pour tous sur ce marché en Afrique ! Le ratio de chambres d’hôtel pour 1 000 habitants est de quinze aux États-Unis, et de dix en Europe. Sur le continent, la moyenne de ce ratio est de deux.
Dans notre sous-région, il est de un seulement. Seuls le Ghana, l’Afrique du Sud, le Kenya et les pays du Maghreb disposent d’une offre correcte. Mais, ailleurs, elle est insuffisante pour répondre aux besoins des clientèles d’affaires et de tourisme de loisir. Autre constat : les hôtels existants vieillissent. Beaucoup d’entre eux ne sont plus aux normes de sécurité, d’hygiène et de confort attendues par la nouvelle clientèle nationale et internationale.
Dans le domaine bancaire, vous avez dit ne pas avoir vocation à vous implanter dans toute la sous-région. Pourquoi ?
En dix ans, Bridge Bank, fondée en 2006, est passée des profondeurs du classement au neuvième rang des 24 banques actives en Côte d’Ivoire – c’est déjà une belle réussite. Au cours des quatre dernières années, nous avons triplé la taille de notre bilan, qui avoisine 230 milliards de F CFA [près de 351 millions d’euros]. La banque est très rentable, avec un retour annuel pour ses actionnaires situé autour de 20 %.
Nous voulons continuer à nous développer, non pas à travers une expansion géographique dans d’autres pays, mais en étendant les services que nous offrons à notre clientèle tant en Côte d’Ivoire, avec Bridge Bank, qu’au Sénégal, avec BNDE. Nous comptons notamment inaugurer des activités de société de gestion et d’intermédiation à la Bourse régionale des valeurs mobilières en 2017. Et nous souhaitons introduire Bridge Bank en Bourse à Abidjan d’ici à deux ans.
À propos de la BNDE au Sénégal, dont vous êtes un actionnaire minoritaire, confirmez-vous les bruits qui ont couru sur votre souhait de faire partir le directeur actuel de la banque, Thierno Seydou Nourou Sy ?
Nous avons investi dans un projet avec des partenaires, dont des institutionnels de référence comme la Banque ouest-africaine de développement [BOAD]. Et tous ensemble – actionnaires et administrateurs –, nous œuvrons à la croissance de la banque. Je n’en dirai pas plus. Nous sommes confiants et croyons à son potentiel. Avec nos partenaires, nous mettrons tout en œuvre pour connaître le même succès que Bridge Bank en Côte d’Ivoire.
Dans l’agroalimentaire, votre développement est encore timide…
Nous avons démarré cette activité industrielle – complètement nouvelle pour nous – en 2007 avec le groupe Continental Beverage, qui inclut des eaux minérales et les jus Doucy. Nous avons terminé une phase d’apprentissage et de rodage difficile, mais nous sommes optimistes pour la suite. C’est un secteur qui enregistre une croissance moyenne de 15 % environ pour l’eau minérale et de 7 % à 8 % à peu près pour le marché des jus. Nous rentrons maintenant dans un cycle positif au niveau de cet investissement. Continental Beverage deviendra rentable dès cette année.
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