Syndicat : qui sera le nouveau patron des patrons ivoiriens ?

Avec le départ imminent du président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, la course à la succession s’emballe. Portraits croisés des deux concurrents.

Jean-Marie Ackah. © DR

Jean-Marie Ackah. © DR

Julien_Clemencot

Publié le 24 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

Fin octobre, le patronat ivoirien inaugurera un nouveau chapitre de son histoire. Après plus d’une décennie de règne, Jean Kacou Diagou (JKD), fondateur du groupe de banque-assurance NSIA, tirera sa révérence en quittant la présidence de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI). Échu théoriquement en 2014, son mandat avait été prorogé de deux ans pour coïncider avec le renouvellement du conseil d’administration du syndicat. L’exécutif de la CGECI avait ainsi répondu au souhait du chef de l’État de voir JKD rester à la tête du patronat au moins jusqu’à l’élection présidentielle de 2015.

Proche de la sphère politique

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Figure tutélaire du milieu des affaires ivoirien, ce cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) affiche un soutien constant au gouvernement depuis la crise de 2011. À l’étranger, il a été de tous les grands raouts pour faire la promotion de son pays auprès des investisseurs. Mission pour laquelle il a reçu un appui franc des autorités françaises, toujours promptes à l’inviter à s’exprimer lors des événements organisés à Paris.

Sur la scène nationale, JKD a aussi contribué à la visibilité du secteur privé, tout en ménageant le pouvoir ivoirien lorsque celui-ci confiait un grand nombre de contrats à des groupes étrangers, principalement dans le BTP. Le leadership de la CGECI, contesté par la chambre de commerce et d’industrie quand Jean-Louis Billon présidait cette dernière, est aujourd’hui incontestable. La Confédération fédère 1 500 entreprises, qui cumulent 14 000 milliards de F CFA (21,3 milliards d’euros) de chiffre d’affaires, représentent plus de 200 000 emplois au total et participent à hauteur de 80 % aux recettes de l’État.

Duel entre les anciens et les modernes

À quelques semaines de l’échéance, le 27 octobre, difficile de dire avec certitude qui d’Alain Kouadio ou de Jean-Marie Ackah, seuls candidats déclarés à la succession de JKD, remportera la majorité des votes. Depuis plus de six mois, les deux vice-présidents fourbissent leurs armes en coulisse. Et aucun ne semble décidé à renoncer aussi près du but, malgré les tentatives de dialogue engagées par leurs entourages respectifs.

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C’est la querelle des anciens et des modernes. À 61 ans, Jean-Marie Ackah joue la carte de la maturité. Fondateur de la Société ivoirienne de production animale (Sipra), il compte parmi les principaux agro-industriels du pays, au même titre que les dirigeants de Sifca, dont on le dit proche. Son groupe réalise environ 70 milliards de F CFA de chiffre d’affaires.

« La CGECI ne peut être dirigée par un patron qui manque d’envergure. Jean-Marie Ackah possède la puissance financière suffisante », souffle l’un de ses partisans. L’intéressé insiste surtout sur sa capacité à rassembler les plus importantes sociétés du pays depuis qu’il préside l’Union des grandes entreprises industrielles de Côte d’Ivoire (Ugeci). « La CGECI doit constituer le creuset des organisations patronales, comme le Medef », affirme Jean-Marie Ackah.

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Face à lui, Alain Kouadio ne se laisse pas impressionner et plaide pour un renouveau. « Il y a plus d’entreprises qui adhèrent directement à la Confédération que d’entreprises représentées via les groupements professionnels », justifie le challenger. Fondateur du groupe Kaydan, présent dans les secteurs de la distribution de gaz, de l’immobilier, de la finance et des télécoms et dont le chiffre d’affaires atteint 25 milliards de F CFA, le quinqua compte sur sa connaissance des rouages de la CGECI pour faire chuter Goliath – ou à tout le moins le pousser dans ses retranchements.

Introduit par Mathieu Kadio-Morokro, président de la société de distribution d’hydrocarbures PetroIvoire, le diplômé de l’université de Sherbrooke (Canada) a été secrétaire général du Groupement des professionnels de l’industrie du pétrole (GPP) de 2003 à 2010 et membre de la commission économique de la CGECI. C’est en prenant la présidence de cette structure stratégique qu’il s’est rapproché, à partir de 2007, du fondateur de NSIA.

Adversaire ou héritier ?

Aujourd’hui, même si Jean Kacou Diagou se garde bien de l’adouber, Kouadio se présente comme son héritier. Depuis trois ans, il évolue dans son sillage, l’accompagnant dans ses déplacements. En avril, c’est lui qui s’exprime à la tribune face à Pierre Gattaz, patron des patrons français, en visite pour la première fois dans la capitale économique ivoirienne, tandis que Jean-Marie Ackah se contente d’une participation à un débat.

En mai, il est à ses côtés à Paris pour présenter le plan national de développement ivoirien, quand son rival se tient à l’écart. Et en septembre, au siège parisien du Medef, c’est à nouveau lui qui intervient lors de la clôture de la session qui réunit les patronats africains et français. Cette fois, Jean-Marie Ackah ne s’est même pas déplacé. Depuis quelques semaines, JKD rééquilibre néanmoins les rôles de ses vice-présidents.

Pour compenser son manque d’envergure économique, Alain Kouadio, en excellent communicant, fait campagne autour d’axes forts : la conquête des marchés africains ; la promotion de l’entrepreneuriat, avec la volonté de renforcer le dispositif de CGECI Academy (une compétition créée pour détecter des champions nationaux) ; et le développement des capacités d’analyse économique de son organisation.

S’il possède aussi de solides appuis politiques, notamment celui de Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur et numéro deux du gouvernement, il est peu probable que cela pèse dans la décision. Ackah, cadre du PDCI comme JKD, mise plutôt sur ses connexions dans le monde des affaires. Il peut compter sur les patrons de sa génération, tel Michel Abrogoua, président de la banque d’affaires Phoenix Capital Management, ou sur Joël Dervain, ex-directeur général de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) et président de l’Association des raffineurs africains (ARA), pour faire jouer son droit d’aînesse.

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