Portraits : une promo pour l’avenir
Ils sont les premiers Leaders pour l’Afrique de demain sélectionnés par le programme LeAD Campus. Rencontre avec ces ambitieux dirigeants d’entreprise venus passer l’épreuve du feu à Paris.
Emploi et formation
Malgré les efforts des États et la multiplication des établissements privés, l’école africaine n’est toujours pas au niveau. À la recherche de main-d’œuvre qualifiée, des entreprises prennent le relais.
Trois minutes pour expliquer quel problème leur projet compte résoudre, quelles sont les difficultés rencontrées, comment ils les ont surmontées. C’est à cet ultime exercice que se sont livrés début septembre, au siège parisien de l’Agence française de développement (AFD), les 25 dirigeants d’entreprise – dont 7 femmes – originaires de 14 pays africains membres de la première promotion du LeAD Campus (Leaders pour l’Afrique de demain).
Un programme mis en œuvre par l’Institut supérieur de management (ISM) de Dakar, l’université du Cap, Sciences-Po Paris et l’AFD. Après un premier module au Cap sur le leadership en avril, et un volet financier et marketing à Dakar en mai, ces cadres du privé et du public ont pu, lors d’une semaine marathon, s’ouvrir aux défis du monde de l’entreprise sur le continent, faire le bilan des compétences managériales et entrepreneuriales acquises et, souvent, passer à l’étape suivante de leurs projets. Jeune Afrique a profité de l’occasion pour sonder les aspirations de quatre de ces 25 leaders au fort potentiel.
Narcisse Zolla, entrepreneur dans l’âme
Ce Béninois actif dans le secteur des mines et des matériaux de construction reconnaît bien volontiers qu’il est plus entrepreneur que manager. À la tête de cinq sociétés, Narcisse Zolla a participé au LeAD Campus avec un objectif : mettre en place un dispositif pour mieux les administrer, alors qu’il envisage de sortir du capital de sa PME spécialisée dans l’extraction de gravier, Normat Bhelix, pour n’en conserver qu’une part minoritaire.
Il compte ainsi investir davantage dans ses autres activités, dans les transports et l’énergie solaire. « Quand une société atteint cette taille, sa gestion ne m’intéresse plus. Mon objectif, d’ici à dix ans, est d’avoir une quinzaine de PME de la taille de ma société minière d’aujourd’hui. »
Il avait un temps envisagé de créer un fonds, mais ses échanges avec d’autres participants l’ont convaincu de créer un cabinet qui supervisera l’ensemble de ses sociétés, une sorte d’incubateur à la mesure de son entreprise.
Sehl Zargouni, un financier à l’écoute
«Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends », lance Sehl Zargouni, le directeur général de Microcred Tunisie. Cette filiale du groupe du même nom, qui compte quelque 3 000 collaborateurs et est présent dans huit pays en Afrique, propose des services financiers aux personnes mal servies par le système classique ou qui en sont exclues. Mais ce financier de métier, « qui aime les chiffres », souhaitait y ajouter un volet social.
Son projet consistait à mettre en place pour ses clients une politique d’accompagnement en marketing, en comptabilité et force de vente, et en gestion des stocks. Un projet qui recevra l’appui de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd). Celui qui a été particulièrement ému par la visite, en Afrique du Sud, de la prison où fut enfermé Nelson Mandela a aussi été très sensible aux thématiques du développement africain, jugeant que le Maghreb a beaucoup à partager avec ses voisins subsahariens.
Partage d’expériences à Dakar
En novembre 2014, l’Institut supérieur de management (ISM) et l’Institut africain de management (IAM), deux grandes business schools ouest-africaines nées respectivement en 1992 et en 1996 à Dakar, avaient annoncé leur rapprochement, créé pour faire émerger un pôle de management. « Il ne s’agit pas d’une fusion juridique, mais d’un partage d’expériences, notamment dans la recherche et l’obtention des accréditations », précise Amadou Diaw, président fondateur de l’ISM. « Ce sont les seules écoles membres à la fois de AACSB et de l’EFMD, qui sont deux organismes accréditeurs aux États-Unis et en Europe. Et l’ISM vient d’être admis dans le réseau AMBA, accréditeur pour le Royaume-Uni. » Une première en Afrique francophone.
Hagasata Rakotoson, à fond(s) derrière les PME
C’est le lauréat du prix du meilleur entrepreneur, décerné par Proparco – la branche de l’AFD consacrée au secteur privé – lors de la dernière session de LeAD Campus. Après avoir travaillé chez un grossiste en médicaments génériques, Hagasata Rakotoson a lancé en 2008 Solidis, un fonds de garantie de 25 millions d’euros destiné à 1 500 PME de son pays et agréé par la Banque centrale de Madagascar.
Une somme qu’il juge toutefois insuffisante, au regard des besoins de ces entreprises. Un constat qui l’a amené à créer un fonds d’investissement stratégique destiné à une dizaine de secteurs – dont l’hydroélectricité rurale et la bijouterie artisanale –, dans lequel il a engagé 100 000 euros de fonds propres. Hagasata Rakotoson a aussi mis en place un instrument de crédit logement, et attend d’avoir suffisamment de capitaux pour s’étendre sur le continent. Avec un défi : que sa structure financière soit suffisamment solide pour faire face aux problèmes de change.
Régis Gervais Loussou Kiki, partenaire des femmes d’affaires
Cet ancien cadre de l’ex-Air Gabon, aujourd’hui « patron des patrons » gabonais, est parti d’un constat : dans son pays, il n’est pas facile d’être à la tête d’une petite entreprise lorsqu’on est une femme. Dans un univers masculin, les dirigeantes de PME et de TPE ne sont pas prises au sérieux. Des revenus trop faibles, une autorité et des compétences difficilement reconnues, peu de soutien dans leurs démarches auprès des institutions financières… Il leur est difficile de trouver des interlocuteurs.
Des problèmes qui « se posent d’un bout à l’autre du continent », rappelle Régis Gervais Loussou Kiki. D’où l’idée de créer un cabinet de conseil pour les former et les accompagner dans la mise en place de leur business plan.
Ses échanges pendant les séminaires l’ont aidé à mieux mûrir son projet « à visée sociale ». Reste à savoir où trouver des fonds pour aider des femmes qui sont rarement solvables.
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