L’Afrique reste le continent de la pauvreté

La démocratie, la vraie, est-elle en train de progresser en Afrique ? La pauvreté y est-elle en régression ? À ces deux questions, les plus importantes qu’on puisse et doive se poser, la réponse est, hélas, négative.

Dans le quartier d’Old Fadama, à Accra, au Ghana en janvier 2015. © CARBAJAL PEREZ JAVIER/SIPA

Dans le quartier d’Old Fadama, à Accra, au Ghana en janvier 2015. © CARBAJAL PEREZ JAVIER/SIPA

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Publié le 27 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

1) Malgré certaines apparences, la démocratie africaine, au lieu de progresser, s’est mise à régresser.

2) La pauvreté ? Elle a reculé partout dans le monde et de façon spectaculaire en Asie, mais guère en Afrique.

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Une trop grande partie de la population de la majorité des cinquante-quatre pays du continent est encore engluée dans un état de grande pauvreté.

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C’est là le résultat de la mauvaise gouvernance et de l’absence de toute industrialisation digne de ce nom, contrastant avec la richesse du sous-sol d’un continent où l’électricité fait encore défaut et qui donne l’impression de n’être pas sorti du XIXe siècle.

1) Examinons d’abord la situation de la démocratie.

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Tout le monde sait, et en premier lieu ceux qui y aspirent, que le pouvoir ne s’acquiert plus par des coups d’État. L’on y accède durablement, et l’on ne s’y maintient désormais que par les urnes.

Mais celles-ci sont capricieuses, et leur verdict est aléatoire. Que faire quand on veut le pouvoir à tout prix ?

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On triche, et, dès lors que tous les candidats ou presque s’adonnent à cet exercice, ce qui est le cas, l’emporte celui qui triche le plus et le mieux.

Il le fait trois fois de suite : lors de l’établissement des listes, le jour du vote et au moment du dépouillement.

Ceux qui détiennent le pouvoir et veulent s’y maintenir ont appris, en outre, à contrôler la commission électorale (censée être indépendante) et à faire en sorte que ce juge suprême qu’est le Conseil constitutionnel arbitre en leur faveur.

L’alternance est ainsi quasi impossible.

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La Constitution dont vous avez hérité ou que vous avez vous-même fait élaborer limite le nombre de vos mandats ? Qu’à cela ne tienne ! Vous cherchez et trouvez le moyen de la modifier.

Vos concurrents crient à la fraude ? Leurs contestations sont trop bruyantes ? Vous avez les moyens, dont la prison ou même pire, de les faire taire.

Et si eux-mêmes, leurs avocats et leurs partisans protestent, vous répondez sans ciller : « Nous sommes dans un État de droit, la justice est indépendante… »

Et vous jouez la montre, attendez que le temps fasse son œuvre. On se lassera de protester, et « le fait accompli » viendra confirmer votre victoire : au bout de quelques semaines, vous voilà « un président démocratiquement élu ».

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Ces pratiques ont pour principale victime la démocratie africaine elle-même : est-elle « morte-née » ?

Oui, tant que l’opinion publique africaine acceptera cette situation, que l’Union africaine (UA) et ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale » ne seront pas plus sévères à l’endroit de ces présidents faussement élus et qui ne sont, en réalité, que des dictateurs qui se défendent de l’être.

Il suffirait de refuser de reconnaître « les assassins de la démocratie » et de s’abstenir de traiter avec eux. N’est-ce pas de cette manière qu’on a combattu les coups d’État au point de leur enlever tout intérêt et de les faire ainsi disparaître ?

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2) Un signe qui ne trompe pas : la pauvreté

Début octobre, la Banque mondiale en a donné les derniers chiffres disponibles : dans le monde, 767 millions d’hommes, de femmes et d’enfants, soit un peu plus de 10 % des êtres humains, ne disposent (en parité de pouvoir d’achat) que de 1,90 dollar par jour au maximum, juste de quoi ne pas mourir de faim.

Ce chiffre et ce pourcentage ont beaucoup baissé en vingt ans (entre 1993 et 2013), car ces malheureux étaient près de 2 milliards en 1993, soit le tiers de l’humanité.

En Inde et en Chine, respectivement plus de 200 millions et plus de 300 millions de personnes sont sorties de la pauvreté au cours de la dernière décennie.

Quid de l’Afrique ? La même Banque mondiale donne les pourcentages disponibles par pays. On note tout d’abord l’absence de chiffres pour une quinzaine d’entre eux : on ne sait pas ! Dans une dizaine d’autres, plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté.

Dans d’autres États enfin, qui forment la moitié du continent et sont les mieux lotis, la proportion de pauvres se situe entre 20 % et 40 %.

Nous sommes, comme vous le voyez, le continent de la pauvreté : elle est plus répandue chez nous que partout ailleurs…

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Si l’on s’aventure à comparer avec les pays riches ou assez riches, membres de l’OCDE, on doit tout d’abord changer de critère : dans ces trente-cinq pays sont décomptés comme pauvres ceux dont le revenu est inférieur à la moyenne nationale.

Le pourcentage des personnes dites pauvres est en même temps indicatif de l’inégalité qui règne dans les pays considérés.

Le taux de pauvreté dans l'OCDE © OCDE

Le taux de pauvreté dans l'OCDE © OCDE

Le graphique ci-contre indique :

• les cinq pays où il y a le plus de pauvres – Israël, les États-Unis, la Turquie, le Chili et le Mexique ;

• et les cinq où il y en a le moins – la France, la Norvège, la Finlande, la République tchèque et, champion de la non-pauvreté, le Danemark.

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Revenons à l’Afrique, pour constater que, contrairement à l’Asie et à l’Amérique latine, elle a peu réduit le nombre de ses pauvres : plus de la moitié des quelque 800 millions d’êtres humains très pauvres sont africains, alors que l’Afrique ne rassemble aujourd’hui que 15 % de la population mondiale.

Si l’on rapproche ces deux pourcentages – 15 % de la population mondiale et 50 % de ses pauvres –, on voit que les Africains ont encore à parcourir un très long chemin pour se hisser au niveau des autres. Et pour faire leur entrée dans le XXIe siècle.

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