Tunisie : « Notre avenir doit s’affranchir du passé »

« Aurons-nous un jour un autre avenir que notre passé ? » Cette interrogation du regretté écrivain marocain Driss Chraïbi n’a jamais été aussi actuelle, en Tunisie comme dans tous les pays touchés peu ou prou par ce qu’il est communément admis d’appeler « le printemps arabe ».

Habib Karaouli, PDG de la BAT, Banque d’affaires de Tunisie © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com

Habib Karaouli, PDG de la BAT, Banque d’affaires de Tunisie © Nicolas Fauqué / www.imagesdetunisie.com

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Publié le 16 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Tunis, le 10 juillet 2015. © Sophia Barakat pour JA
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Tunisie : en quête de confiance

Loué pour le succès de sa transition démocratique, le pays n’a guère été soutenu sur le plan financier. Et sa situation économique est désormais très difficile. Pour accélérer la reprise, les 29 et 30 novembre, il organise une conférence internationale destinée à rassurer et à réveiller les investisseurs.

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Pour n’examiner que le cas tunisien, l’analyse de l’offre politique et économique nous renvoie à ce constat amer tant les idées, les programmes, les modèles, pis, les perspectives proposés par ceux qui prétendent à la conduite des affaires de la cité sont passéistes, éculés, répétitifs et ignorants des enseignements de l’histoire des peuples.

Retour aux sources, mimétismes, nostalgie de lignées disparues sans postérité… Pourtant, n’est-ce pas le propre d’une révolution que de rompre avec le passé ? De casser les codes anciens pour en générer d’autres ? Bien évidemment, il ne s’agit pas de faire table rase.

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Nous avons toutes les raisons du monde d’aimer notre histoire, surtout dans sa profondeur, sa diversité et sa richesse. Mais n’est-il pas temps d’en construire une autre pour les générations futures au lieu de leur laisser celle de nos aïeux, fût-elle des plus glorieuses ?

Déficit d’imagination. J’ai toujours considéré que tous les déficits étaient résorbables sauf un, celui de l’imagination, qu’illustre cette incapacité avérée à sortir du paradigme pour trouver des solutions originales et innovantes – sans lesquelles il n’y aura point de salut –, en comptant d’abord et surtout sur nous-mêmes.

Si nous voulons garder notre souveraineté de décision et nos choix de société, les solutions durables ne peuvent être générées que par nous-mêmes. Il faut rompre avec cette attitude quémandeuse, culpabilisante et déresponsabilisante qui consiste à demander à autrui de trouver des solutions à nos problèmes – fût-il pour partie responsable de notre situation, comme c’est certainement le cas s’agissant de certains pays occidentaux.

Il y a eu désinvestissement par les opérateurs privés et par l’État, là où ils auraient dû intervenir massivement

Au risque d’en offusquer plus d’un, j’estime que le monde ne nous doit rien. C’est à nous de démontrer au reste du monde que nous sommes capables de pérenniser nous-mêmes, à notre rythme et avec nos moyens, notre démocratie naissante, parce que nous l’avons voulue et choisie comme système de gouvernement et comme modèle de société. Aucun édifice n’est viable s’il est constamment tenu à bout de bras et d’attelles, qui plus est fournies par l’étranger.

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Quête sociale. Il faut l’admettre désormais. Le monde sera de moins en moins dans l’admiration et de plus en plus dans le questionnement. Qu’avons-nous fait de cette liberté reconquise ? Qu’avons-nous fait pour réinventer un modèle qui mette fin au développement hémiplégique du pays et au chômage structurel, notamment des jeunes diplômés ? Suprême ironie. La fracture sociale et régionale s’est considérablement aggravée depuis six ans. Il y a eu hélas désinvestissement par les opérateurs privés et par l’État, là où ils auraient dû intervenir massivement.

Oublierait-on que la révolution est partie d’une quête sociale, avant d’être politique et encore moins identitaire ? Toutes les politiques économiques seront jugées et jaugées à l’aune de leur capacité à répondre aux facteurs qui ont déclenché la révolution. À défaut, une remise en question brutale du processus de transition démocratique n’est plus à exclure.

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Le monde comme horizon. La crise est toujours une occasion pour faire des choses que l’on pensait irréalisables avant. C’est un moment propice à la révélation de solutions originales et innovantes. Il est temps de se ressaisir et de rompre avec la culture de la résignation. Il n’y a aucune fatalité à l’échec. Ayons de l’ambition.

Consolidons notre ancrage européen (on ne lâche pas la proie pour l’ombre) et ayons le monde comme horizon, en saisissant toutes les opportunités. Libérons les initiatives et multiplions les histoires à succès. Montrons que nous sommes capables de nous prendre en charge et d’avancer par nous-mêmes. Cette démocratie sera pérenne ou ne le sera pas, selon que nous accepterons ou non de rester dépendants des autres. Il nous appartient d’en décider.

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