Tunisie : adieu Mohamed Masmoudi

L’ancien ministre tunisien des Affaires étrangères s’est éteint le 7 novembre, à l’âge de 91 ans.

Mohamed Masmoudi à l’aéroport d’Orly, dans la région parisienne, le 10 février 1958. © Gamma-Keystone via Getty Images

Mohamed Masmoudi à l’aéroport d’Orly, dans la région parisienne, le 10 février 1958. © Gamma-Keystone via Getty Images

Publié le 14 novembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Natif de Mahdia, il vouait à sa ville, dont il fut le maire, un amour inconditionnel. Mohamed Masmoudi repose désormais dans son cimetière marin. L’ironie de la vie a voulu que celui qui s’était souvent déclaré fils spirituel de Bourguiba et qui en fut l’un des compagnons de lutte dès le début des années 1940 quitte ce monde un 7 novembre, date de la destitution de son mentor par Ben Ali.

Comme pour signifier le paradoxe des rapports au pouvoir et rappeler que ce brillant diplomate n’en était pas moins homme, il avait exulté, dans l’euphorie du moment, le jour de l’éviction de Bourguiba, pour très vite regretter sa joie, laquelle ne soldait pas son contentieux avec le « Combattant suprême ». Car Masmoudi ne s’était jamais remis de sa mise à l’écart pour avoir amené le raïs, en février 1974, à signer avec la Libye une union dont il avait été l’instigateur et dont il devait être le vice-Premier ministre. Une initiative qu’il estimait salutaire pour l’économie tunisienne et qui n’aura duré que quarante-huit heures car aussitôt contrée par Wassila, épouse de Bourguiba, et le Premier ministre Hédi Nouira, avec l’appui du président algérien Houari Boumédiène. Le passage en force de ce fils de pêcheur, grand amateur de couscous, lui vaudra une définitive et cuisante disgrâce.

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Facilitateur entre Bourguiba et de Gaulle

L’élève du collège Sadiki fut pourtant un fin diplomate qui joua un rôle déterminant lors de l’accession de la Tunisie à l’autonomie interne, en 1955. Il sera ensuite ministre de l’Économie du gouvernement Tahar Ben Ammar, puis succédera à Béchir Ben Yahmed au poste de secrétaire d’État à l’Information, en 1958, avant de prendre la tête du ministère du Tourisme. Les entretiens de Rambouillet, en 1961, marquent un tournant dans sa carrière, puisqu’il réussit, grâce à son entregent, à apaiser les tensions entre Bourguiba et de Gaulle.

Cet amateur de cigares qui se prévalait de l’amitié de Pierre Mendès France, Edgar Faure, Michel Debré et Maurice Couve de Murville sera ambassadeur de Tunisie en France et passera pour le premier Tunisien « gaulliste ». Mais Masmoudi n’en cultivera pas moins des liens étroits avec le monde arabe qu’il avait commencé à tisser lors de l’exil de Bourguiba en Égypte, en 1945. Il côtoiera ceux qui comptent dans un monde qui change – Abdelaziz Bouteflika, Mouammar Kadhafi, Cheikh Zayed Al Nahyane, ou encore le roi Fayçal d’Arabie.

Un ministre des Affaires étrangères très apprécié

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Son rôle sur la scène internationale fera de lui un ministre des Affaires étrangères tout désigné et très apprécié. Il en aura la preuve durant sa longue traversée du désert en devenant un proche conseiller des émirs des pays du Golfe, notamment de Cheikh Zayed Al Nahyane. Mais il sera piqué au vif lorsqu’un quotidien algérien le compare à Raspoutine lors d’une visite privée rendue à Bouteflika après l’élection de ce dernier en 1999.

Celui qui appréciait de vivre dans un ancien palais à La Manouba, près de Tunis, provoquera indirectement, une dernière fois, la colère de Bourguiba quand Kadhafi, après l’échec de 1974, voulut nommer ambassadeur de la Libye auprès de l’ONU le collectionneur d’objets d’art qu’il était. Une offre que Masmoudi déclina car « la Tunisie a été ses tripes et sa gourmandise », rapporte un proche.

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Le président de la fédération du parti du Néo-Destour en France en 1945 eut d’autres différends avec Bourguiba et fut même temporairement limogé pour avoir soutenu les positions critiques de L’Action, qui deviendra Afrique Action (le futur JA), créé par Béchir Ben Yahmed et Mohamed Ben Smaïl, à l’occasion du procès intenté à Tahar Ben Ammar, ancien Premier ministre, en 1958, mais aussi un célèbre article de BBY sur « le pouvoir personnel », en 1961. Celui qui se distinguait par son sens de la repartie et du mot juste livrera, en 1977, une analyse pertinente dans Les Arabes dans la tempête, un ouvrage où il insérera une lettre ouverte à Bourguiba. Là où ils se trouvent, les deux hommes peuvent désormais poursuivre leur débat à loisir.

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