États-Unis : Donald Trump 1 – les « experts » 0

C’est la surprise de l’année, voire de la décennie, et un fait politique aux conséquences incalculables.

Donald Trump tenant un masque à son effigie, le 7 novembre 2016 à Sarasota (États-Unis). © Chris O’Meara/AP/SIPA

Donald Trump tenant un masque à son effigie, le 7 novembre 2016 à Sarasota (États-Unis). © Chris O’Meara/AP/SIPA

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Publié le 17 novembre 2016 Lecture : 5 minutes.

L’élection présidentielle (et législative) américaine s’est tenue comme prévu le 8 novembre. La majorité de la presse et des instituts de sondage, Wall Street et les autres grandes places boursières mondiales, et les « bookmakers » nous ont assuré que Hillary Clinton serait vraisemblablement élue : à en croire ces augures, le 45e président des États-Unis allait donc être une présidente.

Elle devait s’installer le 20 janvier prochain à la Maison Blanche, succédant à Barack Obama et donnant à l’Amérique comme au monde l’assurance d’une certaine continuité.

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Ainsi aurait été évité le changement funeste qu’aurait constitué l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.

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Nous vivions sur ces quasi-certitudes et pensions que la « nuisance » Trump ne serait bientôt plus qu’un mauvais souvenir. Cet homme inquiétant retournerait à ses multiples affaires et sortirait de notre horizon.

Et patatras : le 9 novembre au matin, incrédules, stupéfaits, nous apprenons que rien de ce qu’on nous a seriné n’était vrai, que nous allions vivre tout le contraire.

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Sous-estimé par « l’establishment » américain et mondial, vilipendé par la plupart des hommes politiques, ce Donald Trump a battu tout à la fois Hillary et Bill Clinton, Barack et Michelle Obama, qui avaient conjugué leurs efforts pour le contrer.

Président élu, il s’installera à la Maison Blanche le 20 janvier prochain et sera donc, pour quatre ou huit ans, à la tête de la plus grande puissance nucléaire, militaire, technologique, financière, diplomatique du monde.

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Soyons désormais plus méfiants vis-à-vis de ceux qui prétendent savoir, pérorent à longueur de journée sur les sujets dont ils traitent avec une apparente et autoproclamée compétence.

Ils en sont déjà, dès le 9 novembre, à nous expliquer comment, à vrai dire, ils ne se sont pas trompés…

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Plus que tous les autres peuples, les Israéliens étaient suspendus au résultat du scrutin et se posaient la question : « Lequel des deux candidats est le plus favorable à Israël ? »

Dans sa lettre hebdomadaire parue la veille de l’élection, l’homme politique et écrivain israélien de gauche Uri Avnery, qu’on ne peut suspecter d’antisémitisme, répond avec humour : « Le milliardaire juif américain Sheldon Adelson, propriétaire de casinos et qui finance généreusement notre Premier ministre, Benyamin Netanyahou, a financé la campagne de Trump avec la même générosité. Tandis que Hillary Clinton bénéficiait, elle, pour sa campagne, de l’argent de cinq autres milliardaires juifs.

Comme vous le voyez, l’argent des donateurs juifs est dans les deux camps.

Israël sera donc gagnant dans les deux cas. Mais ce sera l’Israël du gouvernement. »

Cela pour l’anecdote et la relation entre les États-Unis et Israël.

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Président des États-Unis à partir de janvier 2017, Donald Trump sera-t-il aussi dangereux qu’on le craint ?

Un vieux routier de la politique américaine, considéré comme un dirigeant éclairé du Parti républicain, a dit qu’une éventuelle accession de Donald Trump à la magistrature suprême ne l’inquiétait pas.

Ce « vieux sage » est James Baker. Il a 86 ans aujourd’hui mais a occupé aux côtés de deux présidents, Ronald Reagan, puis Bush père, les trois fonctions les plus importantes, juste au-dessous de celle de président : il a été chef de cabinet de la Maison Blanche et secrétaire au Trésor sous Reagan, puis secrétaire d’État sous George H. Bush. Il demeure actif et, dit de lui un observateur, « aussi fort qu’un cheval, plus dangereux qu’une mule ».

James Baker a commenté avec sang-froid et scepticisme les promesses et menaces électorales des deux candidats : « Il ne faut pas s’émouvoir de leurs saillies, dit-il. Ce qu’ils disent pendant la campagne et ce qu’ils feront à la Maison Blanche sont deux choses différentes.

Au fond, peu importe qui occupera le Bureau ovale : les présidents des États-Unis peuvent faire beaucoup de choses, mais seulement dans le cadre de l’équilibre des pouvoirs.

Nous sommes un État de droit, où les lois sont limitées par la bureaucratie et les structures du pouvoir à Washington.

Les présidents ne gouvernent pas de manière unilatérale et discrétionnaire. S’ils ne le savent pas, les candidats à cette fonction le découvriront bien assez tôt. Élus, ils se heurteront à la réalité du pouvoir… et c’est au pied du mur que le maçon voit ce qu’il ne peut pas faire. »

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Nul ne sait comment se comportera au pouvoir un homme de 70 ans, imprévisible, porté à la rodomontade, mais qui n’a jamais exercé de fonctions publiques.

Il a été le premier surpris de son succès et, en dehors de sa famille, n’a aucune équipe prête à assumer avec lui le pouvoir suprême à la tête d’une très grande puissance.

Je n’ai, pour ma part, aucun regret : Hillary Clinton étant, à mon avis, une mauvaise candidate, elle aurait fait une mauvaise présidente.

Quoi qu’il en soit, Donald Trump sera testé dès sa prise de pouvoir, car, je l’ai indiqué ici la semaine dernière et le réaffirme : avec ou sans lui, s’amorcera entre les États-Unis et l’Occident, d’une part, et la Chine et la Russie, d’autre part, une ère de confrontation, une « guerre froide » d’un nouveau genre.

Ne se contentant pas du rôle de « puissance régionale » que lui assignent les États-Unis, la Russie voudra briser l’encerclement dans lequel l’Amérique et l’Otan tentent de l’enfermer. La Chine, elle, commencera à disputer aux États-Unis le contrôle de l’Asie d’abord, du reste du monde ensuite.

Ce sera, à mon avis, ce qui dominera la politique internationale au cours des prochaines années.

Désormais, nul ne peut empêcher Donald Trump d’être aux commandes de ce porte-avions que sont les États-Unis. Attendons donc que la poussière soit retombée, laissons « les experts » nous dire tout et son contraire.

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À propos de la démocratie, retenons ce que des hommes d’expérience en ont dit.

Winston Churchill : « La démocratie ? C’est un mauvais système. Mais tous les autres sont encore plus mauvais.

Le meilleur argument contre la démocratie : cinq minutes de conversation avec l’électeur moyen. »

H. L. Mencken va plus loin et nous dit ce qui me servira de conclusion : « La démocratie est fondée sur la théorie selon laquelle le peuple (représenté par les électeurs) sait ce qu’il veut.

Et mérite de l’obtenir, que ce soit bon ou difficile à avaler… »

Les Américains et nous avec eux méritons ce qui s’est passé aux États-Unis le 8 novembre 2016.

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