États-Unis : après le séisme Trump
Il a promis d’interdire à l’ensemble des musulmans l’accès au territoire américain, de construire un mur anti-immigration à la frontière du Mexique, de remettre en cause l’accord sur le nucléaire iranien… Donald Trump va-t-il changer à l’épreuve du pouvoir ?
«On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments », disait naguère André Gide. Et de bonne politique, donc ! Après de longs mois d’une campagne électorale d’une violence, d’une vulgarité et d’une démagogie inouïes, Donald Trump a, ce 8 novembre, balayé Hillary Clinton, grandissime favorite des médias, des sondeurs et des politologues, pour devenir le 45e président des États-Unis.
Surprise générale
Il a pourtant tout fait, tout dit, tout osé. Insulté ses concurrents républicains au point de mettre en péril l’unité de son parti ; tenu sur les femmes des propos de soudard ; promis d’expédier Mrs Clinton derrière les barreaux ; menacé de construire un mur à la frontière du Mexique afin d’endiguer le flot de l’immigration clandestine ; et, pour lutter contre les jihadistes de l’État islamique, suggéré d’interdire à l’ensemble des musulmans l’accès au territoire américain…
Tout le monde a poussé des cris d’orfraie, jugé cette stratégie suicidaire… So what ? Rien, ou presque. Sous réserve d’analyses socio-électorales plus poussées, il n’apparaît pas que les Noirs, les Latinos, les femmes, les musulmans, voire les jeunes gauchistes partisans de Bernie Sanders lors de la primaire démocrate se soient mobilisés en masse contre lui. En tout cas, pas au point de voter pour sa peu charismatique rivale.
Un rejet de la mondialisation et de ses valeurs
Habile à saisir l’air du temps, Donald Trump, cet entertainer surdoué, cet histrion fatal de la politique américaine, avait promis de provoquer un « Brexit puissance 10 ». Il a hélas tenu parole. Le 23 juin, les Britanniques avaient, à la stupéfaction des happy few londoniens, majoritairement approuvé la sortie de leur pays de l’Union européenne. Il s’agissait avant tout d’un rejet de la mondialisation, du multiculturalisme, d’une immigration aussi massive qu’incontrôlée…
La leçon a été retenue outre-Atlantique. A contrario des mutations démographiques en cours (les non-Blancs seront majoritaires aux États-Unis à l’horizon de 2050), Trump est parvenu à séduire une foule nombreuse de petits Blancs rescapés de la défunte classe ouvrière ou membres de la lower middle class paupérisée en claironnant les propos racistes, xénophobes et anti-establishment les plus décomplexés. C’est exactement ce qu’ils rêvaient d’entendre.
Et ce dont les médias, ces chantres pavloviens de « l’Amérique postraciale », les privent avec application. Curieusement, le triomphe trumpien ne constitue pas un désaveu direct pour Barack Obama, premier Noir à présider aux destinées du pays. À en croire un sondage, 54 % des électeurs du « milliardaire du peuple » se déclarent satisfaits de l’action de son prédécesseur.
De nouveaux chefs de l’exécutif seront élus prochainement en France (mai 2017) et en Allemagne (entre août et octobre de la même année). Alain Juppé et Angela Merkel, les grands favoris de ces scrutins – l’un et l’autre aux antipodes de telles outrances –, ont sans doute de quoi s’inquiéter.
Un programme à mettre en oeuvre
Reste à savoir si Donald Trump appliquera ne serait-ce qu’une partie de son délirant programme. Ou si, en illusionniste patenté, il se ralliera à une ligne plus réaliste et rassembleuse, comme son premier discours de président l’a laissé augurer. Seule certitude : il lui faudra bien jeter à ses farouches supporteurs, qu’il n’abusera pas longtemps avec des tours de passe-passe, un os à ronger.
Lequel ? Un démantèlement du Health Care, le système de santé mis en place par Obama ? On a un peu de mal à y croire tant l’opération serait, selon les spécialistes, financièrement et politiquement coûteuse. Pratiquera-t-il en politique étrangère un isolationnisme de stricte obédience dont l’ours russe et le dragon chinois se lèchent par avance les babines ?
Même pour complaire à Vladimir Poutine, on l’imagine mal laisser cyniquement tomber un membre de l’Otan agressé. Remettra-t-il en cause comme il s’y est engagé l’accord sur le nucléaire iranien ou se contentera-t-il d’en saboter l’application ?
Cela fait beaucoup de questions sans réponse. On y verra sans doute plus clair après la nomination de ses ministres et conseillers qui suivra sa prise de fonctions, le 20 janvier. Gardons espoir. Même avec l’extravagant Mr Trump, le pire n’est jamais tout à fait sûr.
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