Diaspora : partir de Djibouti pour mieux y revenir
Ils sont de plus en plus nombreux, ces Djiboutiens, trentenaires ou quadragénaires, qui se sont exilés et effectuent aujourd’hui le chemin inverse. Désireux de participer à la modernisation de leur pays, ils apportent l’expérience qu’ils ont acquise ailleurs et leur soif de changement.
Djibouti : le dernier défi
Réélu en avril pour un quatrième mandat à la tête du pays, Ismaïl Omar Guelleh sait que ls vraies priorités pour ses concitoyens sont l’emploi et l’amélioration de leurs conditions de vie.
Linda Aïcha Ahmed Hassan, 41 ans, hôtelière
Linda Aïcha Ahmed Hassan est rentrée au pays depuis bientôt deux ans, et elle ne regrette pas sa décision. Partie à l’âge de 22 ans afin de poursuivre ses études de comptabilité en France puis en Belgique, elle rayonne aujourd’hui devant l’Oceania Appart’Hotel, qu’elle dirige depuis septembre 2015. Seuls ses enfants, restés à Bruxelles pour des raisons scolaires, lui manquent. Mais, affirme-t‑elle, « il était temps de se stabiliser, après tant d’années passées entre l’Europe et le Canada », où vit sa mère.
Elle qui ne s’était jamais vraiment habituée au froid a choisi la fournaise djiboutienne pour réaliser son rêve d’ouvrir une maison d’hôte pour les membres de la diaspora de passage dans le pays, ce qu’elle a elle-même été pendant plus de dix-sept ans.
Ses compatriotes sont encore rares à fréquenter son établissement haut de gamme, alors elle remplit ses chambres et appartements avec des expats, bien contents de trouver un endroit tout confort dans le quartier parfaitement sécurisé de Haramouss, entre l’aéroport d’Ambouli et le centre-ville de Djibouti – à un pâté de maisons de la résidence présidentielle et de l’ambassade américaine.
Pour l’instant, elle est locataire de l’immense villa et de sa crêperie, ouverte depuis trois mois. Mais depuis qu’elle a trouvé sa clientèle, Linda Aïcha cherche à acheter et, surtout, à se rapprocher de la mer. Pour justifier pleinement le nom de son hôtel, qui est aussi celui de sa fille de 3 ans.
Mourwan Mohamed Robleh, 36 ans, expert en sécurité
Avec son mètre quatre-vingt-douze et son énergie débordante, Mourwan Mohamed Robleh impose d’entrée le respect. Encore plus après avoir déroulé le fil de sa carrière au sein de l’armée française, d’abord comme fusilier marin puis dans les commandos : sept ans passés sous l’uniforme entre Lorient, en Bretagne, et Kourou, en Guyane, avec en bandoulière quelques faits d’armes en Côte d’Ivoire et au Tchad. « Comme un hommage » à son père, dit-il, lui-même ancien militaire français en poste à Djibouti, où il a rencontré la mère de Mourwan.
Le destin de ce Franco-Djiboutien aurait pourtant pu être très différent. Lorsqu’il quitte son pays après le bac, en 1998, c’est pour intégrer un cursus sport-études à Montréal, avec l’ambition de rejoindre la NBA, la célèbre ligue nord-américaine de basket-ball professionnel. Mais il se fait dribbler – et doubler – par un jeune Canadien, qui signera un peu plus tard à Toronto. Son pied tape encore nerveusement quand Mourwan raconte cet épisode de sa vie…
Il se défoule donc à l’armée et en profite pour voir du pays avant de rentrer dans le sien, à Djibouti, en 2008. Le réseau local des anciens militaires se met vite en branle. Il travaille un temps dans un casino, avant d’être engagé comme agent de sûreté maritime dans une mer encore infestée de pirates. Mourwan fait vite ses preuves et gagne assez d’argent pour lancer son propre business, dans la construction, en plein boom à Djibouti.
Il a peu de temps pour s’occuper de sa petite entreprise, d’autant qu’il succombe à l’appel du large et file au Yémen, où il prend en charge la sécurité d’un site gazier pour Total. Jusqu’à ce que la guerre éclate dans ce pays, en 2014. Même si sa petite entreprise de construction ne connaît pas la crise, l’entrepreneur rêve de créer sa propre société de sécurité à Djibouti. « Il y a tellement de demande dans ce secteur », constate le gaillard, qui se laisserait bien tenter aussi, à plus long terme, par la politique. Avec en ligne de mire un poste de ministre de l’Intérieur qui lui irait comme un gant.
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