Donald Trump est-il dangereux ?

C’est la mère des questions ou la question à un million de dollars. Depuis dix jours chefs d’État, chancelleries et rédactions du monde entier se la posent. Sans lui trouver de réponse.

Donald Trump le 22 novembre 2016 à New York, Etats-Unis. © Mark Lennihan/AP/SIPA

Donald Trump le 22 novembre 2016 à New York, Etats-Unis. © Mark Lennihan/AP/SIPA

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Publié le 24 novembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Quel genre de Président sera Donald Trump et que fera-t-il de l’énorme pouvoir dont il héritera dans deux mois ?

Son action sera-t-elle bénéfique pour les États-Unis et le monde, comme certains le pensent et l’espèrent ? Ou bien aussi néfaste que beaucoup le craignent ?

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Et qui peut nous assurer qu’un événement imprévu ne se produira pas au début de sa présidence pour la façonner ? George W. Bush et sa présidence n’ont-ils pas été métamorphosés par les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington ?

Pour venger l’affront, ce prédécesseur de Donald Trump a engagé son pays et le monde dans une guerre sans fin contre le terrorisme.

Il a envahi l’Afghanistan puis l’Irak, a changé leurs régimes. Et y a enlisé son pays, qui y guerroie depuis une quinzaine d’années.

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Ce que nous avons vu de Donald Trump au cours des derniers mois, ce que nous apprenons sur lui depuis dix jours et ce que nous savons des États-Unis ne nous permettent pas de répondre à la question que tout le monde se pose. Seulement d’y voir un peu plus clair et d’exclure ce qui n’a aucune chance d’arriver.

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Les États-Unis sont une démocratie et, de plus, une république fédérale de 50 États avec, pour chacun, un gouverneur-chef d’État, un Parlement et une législation.

Son 45e président, Donald Trump, et le Parti républicain disposent à la Chambre des représentants et au Sénat d’une (courte) majorité. De ce Parlement, ils obtiendront beaucoup. Mais pas tout, car, aux États-Unis, le pouvoir législatif est un vrai contre-pouvoir. Il en va de même pour le pouvoir judiciaire.

La presse ? Quatre-vingt-dix pour cent des médias américains ont été anti-Trump, parfois avec excès et violence. Mais ils ont tous relayé sa parole, et il a été élu malgré eux, grâce à la publicité gratuite qu’ils lui ont faite.

Il ordonne et on lui obéit. Jusqu’à un certain point.

Il découle de cela que le président des États-Unis dispose d’immenses pouvoirs. Mais pas de tous les pouvoirs.

Il ordonne et on lui obéit. Jusqu’à un certain point.

Il lui est interdit, par exemple, de nommer un membre de sa famille à un poste éminent : la famille de Trump sera influente, l’est déjà, mais dans l’ombre…

Trump s’apparente par son tempérament à Erdogan, Poutine et Xi Jinping. Mais il n’aura pas autant de marge de manœuvre qu’eux, ne pourra pas se permettre ce qu’ils se sont permis.

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Comment cet homme qui a dit tout et son contraire, multipliant attaques, provocations et contre-­vérités, a-t-il pu l’emporter, alors que lui-même ne s’y attendait pas ?

On connaît les chiffres, mais on ne s’explique pas encore pourquoi un aussi grand nombre d’Américains lui ont accordé leurs suffrages : plus de 61 millions de voix, 2 million de moins que Hillary Clinton, mais davantage de grands électeurs, 290 contre 228, ce qui l’a fait élire.

Contre tous les augures, confortablement.

Cinquante-quatre pour cent seulement des femmes ont donné leurs voix à la candidate démocrate, tandis que 56 % des hommes votaient Trump.

Parmi eux, 67 % des hommes blancs, 74 % des hommes blancs sans diplôme et 62 % de protestants.

Donald Trump est donc l’élu des hommes blancs (en particulier les moins éduqués) et des protestants.

Mais 29 % des Hispaniques, qu’il n’a pas ménagés, ont voté en sa faveur, et les Noirs ne l’ont pas massivement rejeté, comme le leur avaient demandé Barack et Michelle Obama.

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En vérité, l’élection présidentielle américaine de 2016 est une lame de fond, le contrecoup de celle qui a porté, il y a huit ans, Barack Obama au pouvoir. Il ne s’agit pas d’une simple alternance entre deux partis mais d’un retour de bâton.

Tout se passe comme si l’Amérique se repentait de son audace de 2008, lorsqu’elle a élu son premier président noir, qui se trouve être un intellectuel de centre gauche, un homme instruit et policé. Elle le remplace, en 2016, par un Blanc de droite, businessman de son état, dont le langage et le comportement sont ceux d’un palefrenier.

À la Maison Blanche, il sera entouré d’hommes et de femmes de droite, voire d’extrême droite ; beaucoup d’entre eux sont racistes, certains ne cachent pas leur antisémitisme.

Après l’avoir rencontré, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Barack Obama nous a dit que son successeur est un homme pragmatique : « Laissons-le décider et agir. Nous verrons d’ici à deux ans si cela nous plaît ou non. »

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Ceux qui le connaissent depuis son adolescence pensent que la consécration électorale et l’exercice du pouvoir le calmeront, lui apporteront la sérénité derrière laquelle il courait depuis longtemps.

« Quand nous étions à l’université, dit l’un d’eux, il n’avait que peu d’amis et ne cherchait pas à en avoir. Il est ce que les Américains appellent un loner, un solitaire, un de ces hommes qui n’écoutent que leur voix intérieure.

Après avoir été un démocrate classique pendant des années, il s’est brusquement rapproché de l’aile la plus à droite du Parti républicain. Non par conviction, mais mû par un ressentiment qui couvait en lui.

Ce qui le motive vraiment ? Un besoin maladif d’être respecté.

En dépit de sa richesse et de sa célébrité, Trump a toujours été une sorte de paria, un forban un peu rustre et fasciné par le clinquant. Il a tenté d’obtenir le respect de ses pairs, mais il n’a jamais pu se faire accepter dans les conseils d’administration, meilleur indicateur de statut social.

Ce qui le motive vraiment ? Un besoin maladif d’être respecté par des personnes qu’il respecte. C’est le bien précieux que son argent a été incapable d’acheter – mais ce respect est maintenant à portée de main.

Il pourrait réaliser son rêve en étant un Président qui apaise les divisions qu’il a contribué à aviver pendant la campagne, faisant preuve de magnanimité envers ceux qu’il a diabolisés et perpétuant l’engagement de l’Amérique à tenir son rang dans le monde.

Trump est une page blanche ; il n’a pas peur, n’a pas de convictions mais veut par-dessus tout qu’on le prenne au sérieux. »

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Président de la plus grande puissance mondiale, élu à cette fonction par plus de 61 millions d’Américains, le voici enfin pris on ne peut plus au sérieux.

Il lui reste à nous montrer par ses actes et ses paroles qu’il a résolu ses problèmes psychologiques et qu’il est devenu raisonnable.

Nous ne tarderons pas à être fixés.

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