Agriculture : en Afrique, l’hévéa entrevoit le bout du tunnel
Alors que la production de caoutchouc augmente depuis quelques années et que les prix chutent, la donne pourrait changer à partir de l’an prochain.
Enfin ! L’année 2017 pourrait bien être synonyme de reprise pour l’hévéa. Selon le dernier rapport « Commodities Markets Outlook » de la Banque mondiale, après avoir atteint son plus bas niveau au début de l’année, le cours du caoutchouc naturel devrait remonter à 1,57 dollar le kilogramme en 2017, contre une moyenne de 1,50 cette année. Soit un retour aux prix enregistrés il y a deux ans.
« A priori, le cycle baissier va bientôt s’achever », confirme Hermann Boua, directeur de la recherche chez Hudson & Cie, qui couvre notamment SAPH, la valeur de la Société africaine de plantations d’hévéas du géant Sifca en Côte d’Ivoire.
Des secteurs en demande
Les gros producteurs asiatiques (Thaïlande et Indonésie en tête), qui représentent 95 % du caoutchouc mondial, tentent de limiter le nombre d’hectares consacrés à cette culture. Parallèlement, ils ont augmenté leur consommation locale. « Ainsi la Malaisie utilise désormais l’hévéa pour fabriquer du bitume, précise l’analyste. Non seulement les volumes disponibles diminuent, mais la remontée des cours devrait être structurellement tirée par la fin du ralentissement économique mondial. » Et de rappeler que le marché automobile, facteur clé dans la demande de caoutchouc, principal composant des pneumatiques, a progressé en 2016 de quelque 10 %.
On reste cependant loin des niveaux délirants enregistrés entre 2009 et 2011 (jusqu’à plus de 6 dollars/kg, un record). Cette reprise est tout de même un très bon signe pour les producteurs africains, qui avaient massivement planté de l’hévéa pendant la période d’euphorie. Une tendance particulièrement visible en Côte d’Ivoire, qui enregistre à elle seule 60 % de la production continentale. À cette époque, les arbres avaient même grignoté certaines parcelles dévolues au sacro-saint cacao.
La production ivoirienne en hausse
Sept ans plus tard, soit la durée nécessaire avant de pouvoir saigner les arbres, la production a explosé. En Côte d’Ivoire, elle a dépassé les 350 000 tonnes cette année, loin devant les autres producteurs, tel le Cameroun, qui totalise environ 60 000 t.
Mais jusqu’ici, cette progression n’a pas signifié de meilleurs revenus ; ceux-ci ont au contraire fortement chuté. Selon l’Association des professionnels du caoutchouc naturel en Côte d’Ivoire (Apromac), qui gère la commercialisation de l’hévéa, le chiffre d’affaires des producteurs est passé de 350 milliards de F CFA en 2013 à 140 milliards en 2015 (de 533,6 à 213,4 millions d’euros). Certains planteurs commenceraient déjà à convertir leurs parcelles au manioc, indique Reuters.
L’espoir une hausse des cours
Dans ce contexte, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a annoncé il y a un an une réforme de la filière avec la création d’une nouvelle agence de gestion du secteur, sur le modèle du Conseil café-cacao (CCC). En juillet, des orientations stratégiques ont été adoptées pour lutter contre les « perturbations organisationnelles » qui touchent le secteur, mais Hermann Boua juge la filière globalement bien gérée, sous la houlette de l’Apromac.
La Côte d’Ivoire a grand intérêt à voir les cours remonter. « Environ 50 % des surfaces plantées ne sont pas encore entrées en activité », souligne Jérôme Sainte-Beuve, spécialiste de l’hévéa au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Selon lui, la progression des volumes va s’accélérer : « La production va rapidement dépasser les 500 000 t. » Une remontée des cours constituerait donc une excellente nouvelle sur la lagune Ébrié.
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