Algérie : et si le bidon d’huile d’olive détrônait le baril de pétrole ?

L’agriculture doit permettre de sortir de la dépendance envers les hydrocarbures. Atteindre l’autosuffisance alimentaire, exporter le surplus… C’est le défi d’Abdelmalek Sahraoui et de Promo Invest.

Opération de filtration d’huile d’olive (image d’illustration). © Francisco Seco/AP/SIPA

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Publié le 7 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Vue d’Alger. © Omar Sefouane pour Jeune Afrique
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Au milieu des années 1990, au cœur de la guerre civile, Abdelmalek Sahraoui a hérité de son père 1,5 ha de terres dans la région de Mascara (à 360 km à l’ouest d’Alger), réputée pour ses vignobles et ses vins corsés. Plutôt que de perpétuer la tradition familiale qui consistait à cultiver d’une manière presque artisanale la pomme de terre, l’oignon ou le pimiento largo de Reus (un poivron d’origine espagnole), Abdelmalek Sahraoui décida de mettre le paquet pour transformer ce petit lopin en un vaste projet industriel.

Vingt ans après sa première incursion dans le monde des affaires, cet ingénieur en génie mécanique de 46 ans dirige avec ses frères trois holdings, spécialisés respectivement dans l’agriculture (Promo Invest), l’énergie (Petroser) et le tourisme, qui emploient au total 3 600 personnes et dans lesquels les Sahraouis comptent investir près de 500 millions d’euros au cours des cinq prochaines années.

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Indispensable diversification

« L’agriculture est une véritable opportunité pour passer du modèle économique pétrolier vers une économie diversifiée, explique Abdelmalek Sahraoui, qui, dès potron-minet, nous reçoit dans son vaste bureau sur les hauteurs d’Alger. Nous pouvons atteindre l’autosuffisance alimentaire dans les dix prochaines années et même dégager des surplus pour l’exportation. »

Le défi est immense quand on sait que la facture du pays en produits agroalimentaires avoisine 10 milliards de dollars (environ 9,4 milliards d’euros) par an. Il est plus immense encore compte tenu du fait que les exportations algériennes hors hydrocarbures peinent à dépasser 1,5 milliard.

Raisin de table, pommes de terre, cerises, semences, agrumes, céréales… Le groupe Sahraoui, via sa filiale Promo Invest, est aujourd’hui l’un des exploitants agricoles les plus importants du pays (dont les produits sont commercialisés sous la marque Slatna). Au cœur de ses activités : la production d’huile d’olive. À Saïda, dans l’ouest du pays, 2 200 ha ont été réservés pour produire une huile d’olive locale de grande qualité.

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« Nous mettons en terre 4 millions de plants chaque année, précise l’entrepreneur, qui a noué des partenariats avec des Espagnols, des Néerlandais, des Italiens et des Américains. Nous envisageons l’extension de cette ferme à 10 000 ha pour alimenter notre usine de trituration d’olives, avec une capacité de production de 20 000 tonnes par an. Si nous fédérions nos activités avec d’autres producteurs nationaux, nous pourrions exploiter 1 million d’hectares et produire 2 millions de tonnes d’huile dans les dix prochaines années. »

Agriculture intensive

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Le bidon d’huile pourrait-il un jour remplacer le baril de pétrole en ces temps de crise où l’Algérie est durement frappée par la chute des cours de l’or noir et, par conséquent, par la baisse de ses revenus en devises ? « Cela représenterait un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars à l’horizon 2030, note Abdelmalek Sahraoui. L’Algérie pourrait être un pays émergent dans ce secteur et concurrencer les autres producteurs du Maghreb et du bassin nord de la Méditerranée. Le rêve est permis… »

L’autre défi de Sahraoui consiste à défricher le Sahara, à l’instar de ce qu’ont fait les grands exploitants américains dans l’ouest des États-Unis pour développer une agriculture intensive. Une gageure ? Pas tout à fait, si l’on en croit le PDG de Promo Invest. Depuis juillet 2015, son groupe a en effet acquis 26 000 ha dans la région de Timimoun (à 870 km au sud d’Alger), une oasis « de luxe » qui accueille des centaines de touristes locaux et étrangers.

Dans cette zone désertique, en partenariat avec des entreprises américaines (AGCO et Valley Irrigation), on expérimente le développement des cultures fourragères avec des techniques modernes, notamment la gestion intelligente de l’irrigation via GPS. Objectif : produire annuellement 600 000 tonnes de maïs et de luzerne.

Dans la foulée, avec le concours des autorités, Abdelmalek Sahraoui envisage de faire construire une piste d’atterrissage en association avec une compagnie aérienne algérienne privée déjà présente sur les bases de Sonatrach. Du maïs qui pousse au-dessus des champs d’hydrocarbures, quoi de mieux pour amorcer la sortie du modèle rentier pétrolier ?

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