Littérature : et il est comment le dernier… J.M. Coetzee ?

Le dernier livre publié en français de l’écrivain sud-africain John Maxwell Coetzee n’entre dans aucune catégorie connue.

L’écrivaine John Maxwell Coetzee sur une photo non datée. © HO/AP/SIPA

L’écrivaine John Maxwell Coetzee sur une photo non datée. © HO/AP/SIPA

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 3 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Il s’agit d’un court recueil de trois textes totalisant 70 petites pages. Deux nouvelles (si l’on peut dire) et, pour finir, le discours (si l’on peut dire) qu’il prononça à Stockholm, lors de la remise du prix Nobel de littérature en 2003. Il y a entre Une maison en Espagne, La Ferme et Lui et son homme de nombreux points communs, qui sont aussi des éléments distinctifs du travail de Coetzee.

La limpidité d’une écriture précise ne s’autorisant aucune faiblesse en est un, le brouillage systématique des frontières littéraires en est un autre. Où sommes-nous ? Dans la fiction ou dans la réalité? Dans un essai ou dans une nouvelle? Dans un roman ou dans une autobiographie ? Le flou demeure, comme il persiste quant à l’identité des personnages, réels ou imaginaires… Ainsi, pour parler de lui-même, l’auteur célébré d’En attendant les barbares et de Disgrâce peut se permettre de faire appel dans Lui et son homme à un personnage romanesque s’il en est (mais inspiré d’une histoire vraie, on n’en sort pas), un certain Robinson Crusoé.

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Mais un Robinson Crusoé vieillissant, revenu de l’île qui le rendit célèbre et installé à Bristol sous un parasol de palmes. « Il ne lit guère, il a perdu le goût de la lecture; mais à écrire ses aventures, il a pris l’habitude d’écrire; cela le distrait passablement », écrit Coetzee.Ce Robinson-là reçoit des rapports de « son homme », superbement écrits. « Comment se fait-il alors que son homme à lui, qui est une sorte de perroquet, et plutôt mal aimé, écrive aussi bien ou mieux que son maître ? » se demande-t-il.

Le Robinson de Daniel Defoe, celui de Coetzee, le personnage et ses auteurs, l’ensemble des Robinson de la littérature, tout se mélange dans une tentative désespérée de dire par la fiction ce qu’écrire signifie pour un homme, un auteur du nom de J. M. Coetzee. « Comment faut-il se les figurer, cet homme et lui ? Le maître et l’esclave ? Des frères, des jumeaux ? Des compagnons d’armes ? Ou des ennemis, des adversaires ? » L’essai littéraire ressemble à un conte, tout comme les deux nouvelles mélancoliques qui le précèdent ressemblent à des essais.

Sur la vieillesse, l’écriture, la littérature, la nature, les hommes, l’Afrique du Sud. Avec une certaine pudeur, l’auteur, qui vit aujourd’hui en Australie, raconte à sa manière son désamour pour son pays de naissance et l’impuissance de l’écriture à influer sur le cours des choses: « Un soupçon de désolation flotte au-dessus du pays tout entier, comme un nuage, comme du brouillard. Mais on ne peut rien y faire, rien qu’il puisse imaginer. »

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