En Afrique, sale temps pour les mégaprojets portuaires
La chute des cours du pétrole a entraîné le gel de nombreux programmes d’infrastructures sur les côtes africaines. En particulier au Nigeria, au Cameroun et en Angola.
Transport maritime : le pari africain
Fuyant la concurrence sur les axes traditionnels, les grands transporteurs se tournent de plus en plus vers le continent. Mais les volumes traités sont encore insuffisants, et la surcapacité menace.
Alors qu’il a fallu à l’Europe quelques décennies pour mettre ses ports à niveau, l’Afrique de l’Ouest a fait le grand saut en quelques années. Capables d’accueillir des navires de grande taille – 9 000 à 10 000 conteneurs équivalent vingt pieds (EVP), voire 13 000 pour le numéro deux mondial, MSC, à Lomé – les quais en eau profonde ont imposé une incroyable mise à niveau portuaire.
L’effondrement des cours du pétrole et des matières premières a mis un frein à ce mouvement. En Afrique, l’Angola et le Nigeria ont été les plus touchés, avec pour conséquence un ralentissement brutal des importations, et donc des trafics portuaires. Voilà pourquoi tous les projets de construction à partir de zéro – greenfield ports, comme disent les Anglo-Saxons – sont aujourd’hui à l’arrêt.
« Silence radio » au Nigeria
Officiellement, cependant, il n’en est rien. Lors d’une conférence à Londres en octobre, le géant APM Terminals et le gouverneur de l’État de Lagos ont réaffirmé leur confiance dans le projet de Badagry, à 50 km à l’ouest de la capitale nigériane. « L’expérience montre que ce genre d’annonces publiques vagues signifie le plus souvent qu’un projet est reporté et ne se fera en tout cas pas au rythme prévu », commente le cabinet d’analyse Alphaliner.
Badagry, un projet à 1,8 million de conteneurs de capacité annuelle, devait démarrer en janvier 2016 pour une mise en service en 2018, pour la première phase. Mais le nouveau port ne figure pas dans les dossiers en développement d’APM Terminals, qui a été choisi pour sa construction et son exploitation.
Le projet concurrent de Lekki, toujours au Nigeria, semble dans une situation équivalente. Autre greenfield port du grand Lagos, il a reçu l’accord des autorités en 2013. Son initiateur, le géant portuaire philippin ICTSI, a été rejoint en 2014 par CMA CGM, qui a pris un quart du capital du consortium. Depuis, c’est silence radio.
Au Nigeria, les opérateurs portuaires préfèrent, en période de vaches (très) maigres, consolider leurs terminaux existants. Le nigérian Sifax Group a obtenu en début d’année une concession supplémentaire de cinq ans pour son terminal de Tincan, tandis qu’APM Terminals pourrait investir les 135 millions de dollars annoncés en 2013 pour booster son terminal existant d’Apapa.
Ralentissement généralisé
En Afrique de l’Ouest, les difficultés du Nigeria remettent en question la viabilité de projets de grande envergure. C’est le cas de deux ports, Cotonou – géré en partie par Bolloré – et Lomé – entre les mains de MSC -, qui ont été très largement modernisés ces dernières années, principalement en vue d’échanges avec le Nigeria voisin.
À Kribi, au Cameroun, un autre greenfield port, où Bolloré, associé à CMA CGM et à China Harbour Engineering Company (Chec), a obtenu il y a plus d’un an la concession du terminal à conteneurs déjà construit, aucun navire n’a encore été reçu. Kribi, avec 1,4 million de conteneurs EVP de capacité, était pourtant censé servir de port de redistribution régionale tout en soulageant Douala. En Angola, CMA CGM reste également muet au sujet de Lobito, après avoir annoncé, en janvier 2015, qu’il s’associait au groupe local Multiparques pour développer un terminal destiné à soulager Luanda.
Pour l’heure, seul Bolloré a engagé d’importants travaux, à Freetown et à Abidjan (terminal 2). Les Chinois restent néanmoins dans les starting-blocks, notamment en Guinée. Chec a signé le 25 octobre un projet de construction de trois nouveaux quais à Conakry pour 770 millions de dollars. Et si le retrait définitif de Rio Tinto du projet minier géant du Simandou met en stand-by la construction d’un port vraquier XXL sur la rivière Morebeya, près de Forécariah, à la frontière entre la Guinée et la Sierra Leone, il sera peut-être un jour relancé par Chinalco, désormais seul maître à bord.
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