Pour Gilles Bonnenfant, « la Tunisie peut devenir la Suisse du Maghreb »

Le président d’Eurogroup Consulting, qui accompagne par ses conseils les ambitions stratégiques du gouvernement, livre sa perception de la mutation du pays.

gilles bonnenfant – au centre © Nicolas Fauqué / JA

gilles bonnenfant – au centre © Nicolas Fauqué / JA

Publié le 13 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique: Quel bilan tirez-vous de la conférence Tunisia 2020 ?

Gilles Bonnenfant : Les gouvernements étrangers, les bailleurs de fonds et les instances internationales étaient là et ont accompagné leur présence d’annonces. Maintenant, il faut agir. Les opérateurs internationaux et tunisiens disent très clairement que le temps de l’action est venu. De par leurs déclarations, les responsables politiques semblent avoir pris conscience de cet impératif. La vraie question, finalement, n’est ni le financement, puisqu’il est là, ni la capacité d’agir, puisqu’elle existe, mais les choix à opérer ; car choisir, c’est renoncer.

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Il va falloir mettre en œuvre un certain nombre de programmes, mais on ne pourra évidemment pas construire quatre ou cinq ports en eau profonde ni créer des plateaux logistiques partout, même s’il est primordial de s’occuper des régions. Il y aura forcément plus d’agricole que de numérique ou d’industriel, selon les zones. Un panachage dont doit émerger un équilibre, sachant que le gouvernement tunisien et tous les investisseurs ont des obligations de résultat à court et à moyen terme.

Maintenant que le gouvernement a clairement exprimé sa volonté, quel problème reste-t-il à résoudre ?

Le sujet social, qui n’est pas nouveau. Il est aujourd’hui clairement sur la table. Le politique a été intégré et prendra le temps de se stabiliser à partir d’un formidable élan démocratique. Le sujet social a été marginalisé sous l’effet d’un laisser-aller, mais on perçoit une reprise en main à la faveur du dialogue ouvert par les politiques, mais aussi par les dirigeants d’entreprise, qui disent que, par ce moyen, ils créent une dynamique chez leurs salariés.

La prise de conscience pour définir une nouvelle logique est collective, aussi bien politique, entrepreneuriale qu’au sein de l’entreprise. La Tunisie a un double atout : la qualité de sa main-d’œuvre et son coût raisonnable.

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Mais la productivité est trop basse. Il suffirait de pas grand-chose pour que le ratio coût global du travail-efficacité devienne très performant par rapport à certains pays concurrents, comme le Maroc, où la surenchère sociale constitue un risque pour les entreprises puisqu’elles sont contraintes de se disputer des collaborateurs qualifiés, alors que le vivier de compétences tunisien est très fourni et assorti d’un coût raisonnable. Il y a une fenêtre d’opportunité essentielle pour la Tunisie, notamment dans l’industrie automobile et aéronautique.

La Tunisie, au vu des dimensions de ses entreprises, textiles par exemple, peut-elle se positionner dans le just in time ?

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La réactivité est essentielle. Le door to door entre le sud de la France et la Tunisie est très compétitif et intervient sur les coûts, mais il ne faudrait pas qu’il soit impacté par le chaînon faible de la bureaucratie procédurière.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Si le Maghreb intégré voyait le jour, il constituerait une plateforme à fort potentiel pour ses citoyens. Il faudrait que les pays concernés évaluent les coûts de ce non-Maghreb et les pertes phénoménales qu’il induit. Comparaison n’est pas raison, mais la Tunisie, à partir de la démocratie qui se met en place, pourrait devenir la Suisse du Maghreb et jouer un rôle de passerelle pour un bassin de 90 millions d’habitants. Les prémices d’une telle destinée sont là, en germe.

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