Mankeur Ndiaye : « Il est normal que le Sénégal occupe des positions fortes au sein de l’UA »

De la menace jihadiste en Afrique de l’Ouest à la visite d’État de Macky Sall en France, le ministre des Affaires étrangères revient sur les priorités et les dossiers chauds de la diplomatie du pays.

Ancien ambassadeur en France, le chef de la diplomatie sénégalaise est en poste depuis quatre ans. © YOURI LENQUETTE POUR JA

Ancien ambassadeur en France, le chef de la diplomatie sénégalaise est en poste depuis quatre ans. © YOURI LENQUETTE POUR JA

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Publié le 19 décembre 2016 Lecture : 6 minutes.

La ville de Dakar, en mars 2008. © REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA
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Sénégal : objectif 2017

Place sur l’échiquier africain, résultats économiques, dynamique sociale… Où en est le pays depuis le début du septennat de Macky Sall, en 2012 ? Pour l’exécutif comme pour l’opposition, les législatives de juin prochain auront valeur de premier grand test.

Sommaire

Considéré comme un poids lourd du gouvernement sénégalais, Mankeur Ndiaye, 56 ans, est ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur depuis octobre 2012, date à laquelle il a succédé à Alioune Badara Cissé. Chargé par le chef de l’État de mettre en place une diplomatie active à l’échelle continentale et internationale, il a obtenu l’élection du Sénégal en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. Il espère aujourd’hui atteindre un deuxième objectif de taille : l’élection de son compatriote Abdoulaye Bathily à la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA) en janvier 2017.

Jeune Afrique : Quels ont été les principaux engagements du Sénégal depuis qu’il est membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU ?

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Mankeur Ndiaye : Nous avons participé à toutes les initiatives du Conseil de sécurité depuis le 1er janvier dernier. Nous avons notamment conduit, avec les États-Unis, une mission au Soudan du Sud pour rencontrer le président Salva Kiir et nous enquérir de la grave crise politique et humanitaire qui sévit dans ce pays. Et, parce que nous sommes très préoccupés par la question du terrorisme, nous sommes aussi attentifs aux opérations de maintien de la paix : nous nous sommes battus pour le renforcement du mandat de la Minusma [la Mission des Nations unies au Mali], et nous l’avons obtenu.

Pourquoi le Sénégal a-t-il choisi Abdoulaye Bathily comme candidat à la présidence de la Commission de l’UA ?

Parce qu’il a le profil de l’emploi, avec l’expérience et l’expertise nécessaires pour un tel poste. Il a une claire compréhension des enjeux politiques et diplomatiques africains. C’est un homme politique très respecté, qui a aussi un vécu onusien, en tant qu’ancien numéro deux de la Minusma et représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en Afrique centrale. Il a donc toutes les compétences et l’engagement panafricain requis pour présider aux destinées de l’UA.

Ce serait aussi un bel avantage pour le Sénégal d’avoir l’un de ses diplomates à la tête de l’UA…

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Naturellement. Le Sénégal n’a jamais dirigé l’UA, n’y a jamais disposé de poste de commissaire et n’est pas membre de son Conseil de paix et de sécurité. Or, vu le rôle que nous jouons en Afrique et dans le monde, il est normal que nous occupions des positions fortes au sein de l’UA.

Qu’attendez-vous du troisième Forum sur la paix et la sécurité en Afrique, organisé à Dakar les 5 et 6 décembre ?

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Nous souhaitons prolonger les discussions que nous avons eues lors des deux premiers forums, en 2014 et 2015. Nous allons mettre l’accent sur les facteurs de radicalisation en Afrique, sur la problématique de la jeunesse et sur la réponse doctrinale à apporter aux thèses terroristes.

Il est extrêmement important que ce combat contre le terrorisme puisse être porté par les intellectuels musulmans, pour montrer que l’islam est une religion de paix et de tolérance. Pour cette troisième édition, nous allons aussi mettre en avant une institution importante que nous venons de créer et qui est rattachée à la primature : le Centre des hautes études de défense et de sécurité.

La menace terroriste est là et elle est réelle

Que faut-il améliorer dans la coopération sécuritaire sous-régionale, en particulier en matière de lutte contre le terrorisme ?

Il faut faire davantage en matière d’échange de renseignement. Gagner la bataille contre le terrorisme, c’est disposer des meilleurs renseignements. Il faut que nos services coordonnent davantage leurs actions, au niveau de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] comme au niveau continental. Il faut également disposer de moyens adaptés et de forces spéciales capables de réagir en cas d’attaque. Nous devons aussi continuer à développer la prévention et l’éducation au sein des populations, mieux surveiller les allées et venues sur notre territoire et améliorer la coopération transfrontalière avec nos voisins.

La menace terroriste sur le pays s’est-elle accentuée ces derniers mois ?

La menace est là et réelle. Les terroristes agissent par surprise. Il faut être très prudent. De ce point de vue, le Sénégal fait beaucoup d’efforts en matière de prévention. Allez dans les hôtels, par exemple, et vous constaterez qu’on y a mis en place des systèmes de contrôle qui n’existaient pas il y a un an.

Cette menace vient de l’extérieur, mais elle a des ramifications à l’intérieur du pays. Nous avons démantelé des cellules terroristes dormantes. En outre, parmi ceux que l’on appelle les « combattants étrangers » – parce qu’ils combattent en Libye ou en Syrie, par exemple –, certains ont la nationalité sénégalaise et pourraient rentrer au Sénégal. Nous surveillons donc notre territoire.

Le Sénégal pourrait-il intégrer le G5 Sahel ?

J’ai saisi mes cinq collègues ministres des Affaires étrangères il y a plus de six mois pour introduire la candidature du Sénégal en tant que pays observateur du G5 Sahel. J’attends encore leur réponse. Ces pays sont libres de se regrouper pour former une organisation. Mais nous pensons aussi que le Sénégal fait partie intégrante du Sahel. On ne peut pas l’enjamber si on veut lutter contre le terrorisme dans cette zone. Selon nous, le Sénégal a donc toute sa place au sein du G5 Sahel, avec lequel nous sommes pleinement disposés à travailler.

Comment expliquez-vous le fait de ne pas avoir été associé à la mise en place de cette organisation sous-régionale ?

Nous n’avons pas été tenus à l’écart. Sur la base d’une étude des Nations unies, qui les avaient cités comme « pays les plus vulnérables », ces États ont considéré qu’ils étaient les plus menacés par le terrorisme. Ils ont donc pensé qu’ils devaient se regrouper et créer un cadre commun pour mobiliser l’appui international. C’est comme ça que le G5 Sahel est né.

Quels seront les principaux thèmes de la visite d’État que le président Macky Sall doit effectuer à Paris du 19 au 21 décembre ?

Il s’agit d’une visite d’État, la dernière remontant au président Abdou Diouf [en juin 1992]. Cela traduit donc la relation exceptionnelle qui existe aujourd’hui entre la France et le Sénégal. Cette visite d’État couronne cinq années de coopération très intense entre la France et le Sénégal, sous les leaderships respectifs de François Hollande et de Macky Sall. Nous souhaitons qu’elle renforce encore davantage cette excellente relation. Il y aura évidemment une dimension politique et diplomatique très forte, mais aussi une dimension économique importante.

Il faut faire en sorte que la CPI soit véritablement universelle et qu’elle jette son regard partout

Vos relations avec la Gambie se sont-elles apaisées ?

Oui, nos relations sont normales et apaisées. Nous avons récemment eu des rencontres sectorielles entre différents ministères, à l’invitation des autorités gambiennes, à Banjul. Nous sommes en train de travailler sur plusieurs projets importants, à commencer par celui du pont de Farafenni, sur le fleuve Gambie. Cet équipement est un grand enjeu de coopération, qui doit fluidifier davantage les relations entre nos deux pays. Quelques blocages ont été levés, et nous espérons qu’il sera construit et inauguré dans les délais prescrits.

Quand ?

Je ne sais pas.

Que vous inspire la fronde de plusieurs États africains vis-à-vis de la Cour pénale internationale (CPI) ?

Il n’y a pas de fronde. Certains pensent que cette cour s’acharnent sur les dirigeants africains. Mais il faut rappeler que pratiquement tous les cas déférés devant elle l’ont été par des pays africains eux-mêmes. Il faut faire en sorte que la CPI soit véritablement universelle et qu’elle jette son regard partout, dans tous les coins et recoins du monde. Il n’y a pas seulement en Afrique qu’il y a des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Il faut donc que la CPI élargisse ses tentacules et que tous les États du monde y adhèrent.

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