Au Portugal, « une forme de nostalgie de l’Afrique hante la société »

Les intérêts économiques et l’Histoire ne font pas toujours bon ménage. C’est à ce grand écart permanent qu’est confrontée la diplomatie portugaise, pour qui les anciens territoires conquis en Afrique (Angola et Mozambique, principalement) ont une importance capitale.

Un soldat portugais surveille le village de Carmona, dans le nord de l’Angola, en novembre 1963. © AP/SIPA

Un soldat portugais surveille le village de Carmona, dans le nord de l’Angola, en novembre 1963. © AP/SIPA

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Publié le 13 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Carte des possessions italiennes en Afrique (1896). © Bibliothèque nationale de France
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Colonisation : qu’en dit l’école ?

Dans une Europe en pleine crise identitaire, l’enseignement du passé colonial dans les écoles fait débat. Que disent vraiment les manuels scolaires sur cette période ? De Berlin à Londres, en passant par Bruxelles, Paris, Rome et Lisbonne, Jeune Afrique a mené l’enquête.

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« Depuis quelques années, une forme de nostalgie de l’Afrique hante la société portugaise, constate Rui Neumann, journaliste et auteur du livre Le Cabinda, dernier tabou colonial des Portugais. Le « luso-tropicalisme » est désormais très répandu », poursuit-il.

Colonisation douce

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Le contenu des manuels scolaires de cet ancien empire, qui fut le premier à coloniser un territoire sur le continent (Ceuta, en 1415), est à géométrie variable, « en fonction des pouvoirs, entre une gauche très critique et une droite qui glorifie et exagère les faits », poursuit Neumann. Après la décolonisation, au lendemain de la Révolution des œillets en 1974, qui mit fin à la dictature, la violence de la domination coloniale est dénoncée. Avec le temps, les faits sont lissés, et certains événements oubliés, telle la guerre du Cabinda.

« Si les textes n’éludent pas totalement la brutalité de cette domination, on préfère rappeler que ce fut une colonisation douce, avec un certain partage, par rapport à d’autres pays, comme la France », précise Rui Neumann. Une posture a minima adoptée également en préambule des cours portant sur la traite négrière, qui indique que « l’esclavage existait avant l’arrivée des Européens »…

Un regard critique nécessaire

Plus précisément, le programme fourni par la direction générale de l’éducation demande de « décrire le processus de création de colonies », de « relater le développement du commerce colonial », de « souligner que ces territoires fournissaient des matières premières », d’« expliquer l’importance de la Conférence de Berlin (1885) dans le processus de partage du continent ». À aucun moment il n’est proposé de porter un regard critique sur ces événements.

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Au chapitre de la décolonisation, l’émergence des mouvements de libération, mais aussi les conséquences économiques tant « pour la métropole que pour ses colonies » sont à détailler.

Les enseignants doivent aussi insister sur les politiques de modernisation économique, sociale et éducative avec l’arrivée de Marcelo Caetano au pouvoir en 1968 et son nouveau projet politique, relativisant ainsi son refus de décoloniser et le recours à la guerre pour contenir les indépendantistes. « Quand on est trop critique, il y a des protestations ; quand on ne l’est pas assez, il y en a aussi… Le gouvernement essaie donc de trouver le juste milieu », conclut Rui Neumann.

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