Mondialisation : le grand rattrapage

La mondialisation (que les Anglo-Saxons appellent globalisation) est-elle une nouvelle révolution économique ? Elle a commencé il y a un quart de siècle, s’identifie avec le XXIe siècle, est en train de modifier les équilibres mondiaux, lentement mais sûrement.

En juillet 2016, dans une usine chinoise du secteur de l’aéronautique, à Zhuhai dans la province du Guangdong. © Liang Xu/AP/SIPA

En juillet 2016, dans une usine chinoise du secteur de l’aéronautique, à Zhuhai dans la province du Guangdong. © Liang Xu/AP/SIPA

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Publié le 8 décembre 2016 Lecture : 4 minutes.

Est-elle aussi bénéfique qu’on le dit pour l’ensemble des pays de l’ex-Tiers Monde, comme elle l’a été pour l’Asie ? Ou bien faut-il s’en plaindre, comme on le fait en Europe et même aux États-Unis, où l’on a élu Donald Trump pour s’en protéger ?

On commence à en dresser le bilan : inaugure-t-elle une ère nouvelle ? Son impact sera-t-il aussi important que celui de la révolution industrielle qui, elle, a façonné en moins de trois siècles notre monde d’aujourd’hui ?

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Amorcée aux alentours de l’année 1800, la révolution industrielle a propulsé l’Europe occidentale et les États-Unis sur le devant de la scène internationale et en a fait les maîtres de la planète.

Un petit groupe de pays s’est mis en mouvement et, décennie après décennie, a distancé le reste de la planète. Ils se sont placés dans la spirale du progrès, ont fait reculer l’analphabétisme et la maladie, ont travaillé dur pour obtenir une considérable et rapide amélioration des conditions de vie d’une bonne partie de leurs populations.

Ayant raté la révolution industrielle, la majorité des pays de la planète ont constitué ce qu’on a appelé au XXe siècle le Tiers Monde. Distancés et dominés, ils sont restés au bord de la route, englués dans l’analphabétisme et le sous-développement, observant les progrès vertigineux d’une minorité, n’y participant que marginalement, n’en recevant que les miettes.

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En 1850, la Chine était encore, par son économie et le niveau d’avancement de sa société, la première puissance mondiale, et ce depuis quatre siècles. Mais elle s’est refermée sur elle-même, a délaissé l’éducation et la recherche (suivant en cela le mauvais exemple du monde musulman, qui, lui, a décroché à partir du XIIIe siècle).

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Elle est vite tombée de son piédestal, a glissé vers la stagnation économique et culturelle, et n’a pas tardé à être envahie et humiliée.

Elle a connu les affres de la famine et de la guerre civile, n’émergeant de ce déclin qu’à partir de 1950.

Tout s’est passé depuis 1850 comme si la révolution industrielle avait propulsé les pays qui l’avaient faite et déclassé ceux qui l’avaient ratée. Et la mondialisation que nous vivons depuis un quart de siècle environ, jouant le rôle de balancier, a conduit à l’inverse : les laissés-pour-compte d’hier se réveillent et se mettent à rattraper leur retard.

Les changements dont elle est porteuse donnent le vertige et annoncent un rééquilibrage du monde.

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Le 1,3 milliard de Chinois produit déjà plus que les 330 millions de citoyens des États-Unis. Et lorsque chaque Chinois disposera de la moitié du revenu d’un Américain, le poids de l’économie chinoise sera deux fois supérieur à celui de l’économie américaine.

Il y a quinze ans, l’économie japonaise pesait trois fois plus que celle de la Chine ; aujourd’hui, c’est la Chine qui produit deux fois plus que le Japon.

L’Inde a emprunté la même voie que la Chine ; elle a doublé la taille de son économie dans la première décennie du XXIe siècle, et l’on prévoit qu’elle aussi supplantera les États-Unis d’ici à 2050.

Depuis le début de ce siècle, et même si elle a ralenti, la croissance annuelle des pays émergents est deux, voire trois fois plus élevée que celle des pays développés.

Le monde s’achemine vers une situation où la puissance économique d’un pays sera proportionnelle à son poids démographique. Il retrouvera peu à peu l’équilibre qu’il a toujours connu, sauf pendant les deux siècles de la révolution industrielle (1850-2050).

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Au début de cette révolution dont, je le rappelle, n’ont bénéficié que l’Europe, les États-Unis et, plus tard, à partir de 1870, le Japon, le pays le plus prospère de la planète était neuf fois plus riche que le plus pauvre. Ce « gap » a été multiplié par cinq en un siècle : le rapport était de 1 à 45 en 1970 !

En 1960, il y a donc moins de soixante ans, l’Italie et l’Autriche étaient déjà, grâce à la révolution industrielle, des pays développés. Aujourd’hui, du fait de la mondialisation et du rattrapage qu’elle a permis, une vingtaine de pays émergents, dont la Chine, le Mexique, la Thaïlande, la Russie, la Malaisie, sont déjà au niveau auquel étaient l’Italie et l’Autriche en 1960.

La mondialisation permet donc au monde de se rééquilibrer en corrigeant l’énorme déséquilibre provoqué par la révolution industrielle.

Mais comment est perçue cette mondialisation en 2016 ?

Les résultats d’un sondage conduit auprès de 20 000 personnes dans 19 pays viennent d’être rendus publics. En partie prévisibles, ils sont néanmoins, parfois, étonnants.

C’est en Occident, et plus particulièrement en France et aux États-Unis, que la mondialisation est le plus impopulaire.

Et c’est en Asie qu’elle est le mieux perçue, plus particulièrement au Vietnam, aux Philippines et en Inde (voir graphique).

Il y a lieu cependant de nuancer ce distinguo : si plus de 70 % des sondés asiatiques sont favorables à la mondialisation, plus de 50 % de l’opinion des pays développés la juge positive.

Sauf en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni, où elle a mauvaise presse.

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Mais ce sont les citoyens des pays développés favorables à la mondialisation et à ses effets qui ont raison : s’ils progressent plus lentement, leurs pays continuent de trottiner à l’avant-garde de l’humanité.

L’avance qu’ils ont prise est un « avantage acquis », et les progrès réalisés par les autres consolident la prééminence des pays les mieux éduqués.

Ne prendront le chemin du déclin que ceux d’entre eux qui baisseront les bras.

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