Mauritanie : le groupe minier Kinross contraint de revoir ses méthodes

«C’est la première fois que Kinross est obligé de mettre les pouces ! » commente un expert européen après l’accord de mauritanisation signé le 27 juillet par les autorités de Nouakchott et le groupe minier canadien, cinquième producteur mondial de métal jaune, qui exploite depuis 2010 la mine d’or de Tasiast, dans le nord-ouest du pays.

Des casques de chantiers. © Skitterphoto/CC/Pixabay

Des casques de chantiers. © Skitterphoto/CC/Pixabay

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Publié le 21 décembre 2016 Lecture : 2 minutes.

Le désert du Sahara. © John Spooner/Flickr Creative Commons
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Au goût de l’exécutif mauritanien, la filiale de Kinross Gold Corporation, Tasiast Mauritanie Limited SA (TMLSA), était « trop offshore » et créait peu d’emplois. En effet, la mine était dirigée depuis Las Palmas, aux îles Canaries (au large des côtes marocaines), où étaient établis la direction régionale du groupe, la gestion des ressources humaines, l’informatique, le service juridique et celui des approvisionnements. Les cadres supérieurs ne séjournaient sur le site de Tasiast que quelques jours par mois.

La gestion du personnel était quant à elle d’inspiration très nord-américaine, c’est-à-dire que TMLSA ne prenait pas de gants pour réduire ses effectifs, au motif que la mine n’était pas rentable. Afin d’expliquer pourquoi il employait 11 % d’expatriés en Mauritanie alors que ce pourcentage est inférieur à 5 % dans sa filiale ghanéenne, le groupe soulignait que le Ghana avait une longue tradition minière et, donc, des personnels d’encadrement bien formés.

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Manifestement, le gouvernement en a eu assez de ces explications. À la mi-juin, des inspecteurs du travail constatent à Tasiast « des manquements graves à la législation sociale » et l’emploi d’expatriés étrangers dont le permis de travail a expiré. La direction riposte en stoppant l’exploitation. Les négociations finissent par rapprocher les points de vue : un accord est signé, le 27 juillet, et l’extraction reprend début août.

promotion interne. Première conséquence, un directeur pays de TMLSA s’est installé à demeure à Nouakchott le 24 août. Il s’agit du diplomate français Jean Félix-Paganon, ancien ambassadeur de France au Koweït, en Afrique du Sud, en Égypte et au Sénégal, qui détaille les principaux points de l’accord : « Nous ramenons à Nouakchott les personnels dédiés à la mine de Tasiast, soit une vingtaine de personnes. La mauritanisation de la mine sera étalée sur deux ans. Pour cela, nous recruterons dix personnes fin 2016, et entre vingt et trente fin juin 2017. Le recrutement se fera soit par promotion interne après formation, soit par un recrutement sur le marché local ou au sein de la diaspora mauritanienne au Canada ou dans le Golfe. »

À cette fin, le budget de formation de TMLSA sera augmenté de plus de 60 %. Et un comité de suivi vérifiera désormais que l’accord est bien appliqué et que la mine fonctionne correctement. Le 2 octobre, une nouvelle convention collective d’établissement a été signée avec les délégués du personnel de l’entreprise. Elle prévoit un système de bonus qui s’adaptera à la situation financière de la société.

Si Kinross a accepté les demandes mauritaniennes, c’est qu’il pense pouvoir rendre la mine de Tasiast rentable, voire très rentable, si le cours de l’or repart à la hausse au-delà de 1 300 dollars l’once. La capacité de traitement, actuellement limitée à 8 000 tonnes par jour, devrait augmenter à 12 000 t/j à l’horizon 2018, avec l’adjonction d’équipements de concassage et de broyage, dont le coût est estimé à 300 millions de dollars. Avec 2 400 salariés, TMLSA a produit en 2015 220 000 onces d’or (soit 6,2 t) et dit ne pas équilibrer ses comptes. En passant à la vitesse supérieure, les bénéfices seraient de retour.

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Mieux : une phase 2 du projet d’expansion – toujours à l’étude – porterait à 30 000 t/j la capacité de la mine, avec un investissement supplémentaire de 620 millions de dollars. La décision de réaliser ce doublement devrait être prise vers la fin de l’année 2017. À n’en pas douter, l’accord entre Kinross et le gouvernement repose sur ces perspectives optimistes.

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