France : SOS détresse au PS
Valls, Montebourg, Hamon et une kyrielle d’autres… Alors que les socialistes ne sont même pas assurés de figurer au second tour de la présidentielle, ils se présentent tous à la primaire de janvier ! Le choc des ego l’emporte sur le sens des réalités.
La gauche est en miettes. En renonçant à briguer un second mandat, François Hollande n’a rien arrangé. Annonçant sa décision, le 1er décembre, le président appelait « à un sursaut collectif, qui engage tous les progressistes, qui doivent s’unir dans ces circonstances parce que ce qui est en cause, ce n’est pas une personne, [mais] l’avenir du pays ». Pour l’instant, c’est raté : déjà se profilent à l’horizon une quinzaine de candidats, se réclamant de près ou de loin du camp « progressiste » et priant celui-ci de s’unir… en leur faveur.
Premier obstacle dans cette course à l’Élysée : la primaire de la gauche, les 22 et 29 janvier. Les inscriptions seront closes ce 15 décembre. Huit ou neuf concurrents ont fait savoir qu’ils ambitionnaient d’être sur les rangs. Le plus connu d’entre eux, Manuel Valls (1), a démissionné de son poste de Premier ministre pour faire acte de candidature dès qu’il a su que François Hollande ne se représenterait pas. Désireux d’incarner le réformisme et la sécurité, il avait profondément divisé la gauche en faisant passer en force la loi travail au Parlement et en préconisant la déchéance de nationalité pour les binationaux qui se seraient rendus coupables d’actes de terrorisme.
Désormais, à gauche toute ! Il a esquissé un mea culpa pour faire oublier ses déclarations sur « les deux gauches irréconciliables » et la part qu’il a prise dans les échecs de François Hollande. Il était clivant ? Aujourd’hui, il se veut rassembleur face au danger d’une victoire de la droite « dure ».
Pas sûr que les partisans du président sortant se rallient à lui, comme l’ont fait Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, ou Michel Sapin, celui de l’Économie et des Finances. Pas sûr non plus qu’il retrouve grâce aux yeux de Martine Aubry, l’ancienne patronne du Parti socialiste, plus que réservée à son égard.
suspense. Candidat « pour tourner la page du quinquennat » qui s’achève, Arnaud Montebourg (2) aurait préféré affronter François Hollande, ce qui lui aurait permis de davantage mettre en valeur son credo en faveur d’un État fort et protectionniste. Champion de la « démondialisation » et du made in France, il veut en finir avec l’austérité et annuler les hausses d’impôts décidées par le gouvernement auquel il a pourtant appartenu en tant que ministre du Redressement productif. Au premier tour de la primaire de 2011, il était arrivé troisième derrière Hollande et Aubry, et s’était rallié au vainqueur.
Trois autres candidats, Benoît Hamon (3), ancien ministre de l’Éducation, Marie-Noëlle Lienemann (4), ex-secrétaire d’État au Logement, et Gérard Filoche (5), un militant socialiste de base, appartiennent grosso modo à la même mouvance qu’Arnaud Montebourg. Hostiles au social-libéralisme, ils militent pour la retraite à 60 ans, défendent les trente-cinq heures de travail hebdomadaire et préconisent l’abrogation de la loi travail, qu’ils ont combattue.
Le reste de la cohorte ? François de Rugy (6) et Jean-Luc Bennahmias (7), tous deux écologistes patentés et déçus des Verts, veulent faire entendre leur différence. Pierre Larrouturou (8) est, depuis les années 1990, le chantre de la réduction du temps de travail, qu’il fixerait à trente-deux heures hebdomadaires. Quant à Vincent Peillon, ancien ministre de l’Éducation, dont la candidature était annoncée pour la fin de cette semaine, il devrait se positionner en rassembleur de tous les courants du PS. Voilà Valls averti…
À ce jour, tous les sondages prédisent que seuls Manuel Valls et Arnaud Montebourg resteront en lice au second tour de la primaire, le premier l’emportant d’un cheveu. L’exemple de la primaire de la droite et du centre, qui, le 27 novembre, a sacré l’outsider François Fillon au détriment des favoris Juppé et Sarkozy incite à la prudence : le suspense ne prendra fin qu’au soir du 29 janvier.
Le chemin de croix du vainqueur de la primaire de la gauche ne sera pas fini pour autant. Au premier tour de la présidentielle, il a toutes les chances de se trouver face à une kyrielle de candidats lorgnant l’électorat « progressiste ». Au moins six se sont fait connaître. Les inévitables trotskistes, Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) et Philippe Poutou (Nouveau Parti anticapitaliste), sont sur les rangs, tout comme Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts) et l’inattendue Sylvia Pinel (Parti radical de gauche), qui pourrait finalement se présenter à la primaire.
Plus grave, le candidat du PS sera pris en tenaille. Sur sa gauche, Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) prône « un coup de balai » dans la classe politique. Soutenu par le Parti communiste, celui qui se proclame « révolutionnaire, pacifiste et démocrate » séduit la gauche de la gauche. Sur sa droite, Emmanuel Macron (En marche !) espère en finir avec les blocages économiques et sociaux qui paralysent la France. Lui aussi snobe la classe politique, « qui vit pour elle-même » et se préoccupe davantage d’assurer « sa survie » que de « servir les intérêts du pays ». Son message réformiste fait mouche auprès d’une partie de la droite de la gauche.
fratricides. Résultat : la gauche est éclatée, et aucun de ses champions ne parvient à se détacher. Le sondage réalisé par POP 2017, BVA et Salesforce, publié le 7 décembre, est on ne peut plus clair : Valls (13 % des intentions de vote) est devancé par Mélenchon et Macron (14 % chacun). Si le candidat du PS était Montebourg, les scores seraient comparables.
Autant dire qu’avec Fillon et Le Pen caracolant en tête (24 % chacun), la gauche serait éliminée dans la dernière ligne droite : celle qui mène à l’Élysée. « On ne peut pas dire que Valls n’a aucune chance, car il peut faire une campagne exceptionnelle, commente le politologue Dominique Moïsi, conseiller spécial à l’Institut Montaigne. Mélenchon devrait faire un bon score. A priori, c’est tout de même mal parti pour la gauche. La vraie bataille qui se joue n’est pas celle de l’Élysée, mais celle de la Rue de Solférino, pour le contrôle du PS, qui sera crucial dans la perspective de la présidentielle de 2022. » Après tant de guerres fratricides, il faudra bien cinq ans pour recoller les morceaux et remettre la gauche en ordre de marche. L’homme providentiel des « progressistes » ? Il ne devrait pas surgir en 2017. À moins d’un miracle.
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