Mauritanie : pour Ely Ould Mohamed Vall, « Ould Abdelaziz est un homme qui n’aime parler qu’à lui-même »

L’ex-président de la transition ne pardonne pas au chef de l’État, son cousin germain, le putsch qu’il a mené en 2008. Depuis, il est son plus virulent détracteur, même s’il n’appartient à aucun parti.

Ely Moahamed Vall, ancien président de la République, à son domicile à Nouakchott, le 24 septembre 2014. © Yéro Djigo pour JA

Ely Moahamed Vall, ancien président de la République, à son domicile à Nouakchott, le 24 septembre 2014. © Yéro Djigo pour JA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 21 décembre 2016 Lecture : 3 minutes.

Le désert du Sahara. © John Spooner/Flickr Creative Commons
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Mauritanie : la République des sables

De l’énième dialogue inclusif au projet de réforme de la Constitution, en passant par les turbulences financières… À Nouakchott, l’incertitude plane. Même si, petit à petit, on progresse.

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S’il ne reste qu’un opposant en Mauritanie, c’est lui. Ely Ould Mohamed Vall, 63 ans, ancien président de la transition, a réintroduit un pouvoir civil dans son pays en 2007 et n’acceptera jamais le coup d’État de son cousin, l’actuel président Mohamed Ould Abdelaziz, qui y a mis fin en 2008. Selon lui, ce dernier conduit la Mauritanie dans le mur. Et il ne croit pas à sa promesse de ne pas se présenter en 2019 pour un troisième mandat.

Jeune Afrique : Quelle est votre position par rapport au chef de l’État ?

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Ely Ould Mohamed Vall : Elle n’a pas varié depuis huit ans. Admettre le coup d’État de 2008 est inacceptable et immoral. Un coup d’État peut se comprendre quand un pays croule sous les problèmes. Or, il a trouvé la Mauritanie dans une situation économique idéale. L’exploitation du pétrole démarrait, le pays était désendetté et, pour la première fois, les Mauritaniens avaient réussi une élection présidentielle démocratique.

Aujourd’hui, notre dette atteint 93 % de notre produit intérieur brut. La mauvaise santé des sociétés publiques est en train de provoquer la faillite de l’État. Les milliards du minerai de fer de la Snim [Société nationale industrielle et minière] ont été pillés pour financer des affaires douteuses. La pêche est délabrée. Les investisseurs n’investissent plus… L’unité nationale est menacée.

Le dialogue qui s’est tenu en octobre n’est-il pas une solution pour apaiser le pays ?

Le parti-État et quelques petites formations d’opposition instrumentalisées ont organisé un monologue voulu par un homme qui n’aime parler qu’à lui-même. La vraie opposition a refusé de se prêter à cette mascarade destinée à remettre en cause les acquis démocratiques du pays. La situation politique est donc bloquée, car l’opposition n’acceptera jamais de négocier des atteintes à ces acquis et ne reconnaîtra jamais le résultat d’un référendum qui les organisera. Pas question de légaliser les simulacres du pouvoir.

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Mohamed Ould Abdelaziz a pourtant dit qu’il ne changerait pas la Constitution pour effectuer un troisième mandat…

Je n’ai jamais cru ce qu’il disait depuis sa violation de l’accord de Dakar [entre l’opposition et Ould Abdelaziz pour la résolution de la crise ouverte par le coup d’État de 2008].

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Serez-vous candidat à la présidentielle de 2019 ?

La question n’est pas d’être candidat, mais de trouver une solution politique.

Quelle solution ?

Il y a deux options : soit le pouvoir comprend qu’il est dans une impasse et il revient à un dialogue réel pour préparer une vraie alternance en 2019 ; soit il persiste dans ses choix et il conduira la Mauritanie à la catastrophe. L’opposition, dans laquelle je m’inscris, est ouverte à un véritable dialogue – mais avec des garanties –, qui exclurait le bon plaisir du président.

Quelles garanties ?

Il faut mettre en place des instruments qui garantiront l’honnêteté et la transparence de notre vie politique. Il faut que l’État redevienne neutre et qu’aucun corps constitué ne puisse être au service d’un camp. Il faut que ni l’administration territoriale ou centrale, ni l’argent de l’État, ni les médias audiovisuels ne soient instrumentalisés au profit d’un candidat. C’est possible, car les Mauritaniens ont prouvé en 2005 qu’ils étaient mûrs pour la démocratie.

L’armée n’est-elle pas incontournable dans le jeu politique mauritanien ? Acceptera-t-elle un président qui ne soit pas issu de ses rangs ?

Ce n’est pas l’armée qui a fait le coup d’État de 2008, mais le Bataillon pour la sécurité présidentielle, le Basep, qui s’est mis au service d’un individu. En vingt-sept ans, nous avons connu six coups d’État ou tentatives de coup d’État. Ça suffit ! Notre armée a été infiltrée par des intérêts particuliers. À ce petit jeu, elle risque de se désintégrer, comme on l’a vu en Somalie ou en Côte d’Ivoire. Nous avons frôlé la guerre civile. Il faut que l’armée comprenne qu’elle doit sortir de la vie politique pour redevenir la garantie ultime de la nation mauritanienne.

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