Infrastructures : la construction du pont de Rosso peut commencer
D’ici à cinq ans, un pont sur le fleuve Sénégal va enfin permettre de relier les deux rives – l’une mauritanienne, l’autre sénégalaise – de la ville frontière. De quoi doper les échanges locaux.
Mauritanie : la République des sables
De l’énième dialogue inclusif au projet de réforme de la Constitution, en passant par les turbulences financières… À Nouakchott, l’incertitude plane. Même si, petit à petit, on progresse.
Ça y est ! La construction tant attendue du pont de Rosso, sur le fleuve Sénégal, peut commencer. La Banque africaine de développement (BAD) vient de donner l’ultime feu vert pour démarrer le chantier de ce chaînon manquant du corridor transafricain n° 1 entre Le Caire et Dakar. Si rien ne vient l’entraver, les camions et les voitures gagneront deux bonnes heures de transport entre Nouakchott et la capitale sénégalaise d’ici à 2020-2021. Inch’Allah.
C’est un projet qui a plus de cinquante ans d’âge et que tous les Africains sensés appelaient de leurs vœux, tant le bon vieux bac de Rosso constituait un goulot d’étranglement pour les transports locaux et internationaux. Les blocages venaient surtout de la Mauritanie, dont la Société des bacs tirait d’appréciables ressources de la navette fluviale.
À Nouakchott, certains dirigeants fantasmaient sur une « invasion » sénégalaise rendue possible, selon eux, par un franchissement trop facile de la frontière naturelle du fleuve. Mais le bac est petit et ne fonctionne que de 9 heures à 19 heures, à raison de 4 ou 5 traversées par jour, ce qui n’autorise pas plus de 1 500 piétons, 100 voitures et 15 camions en moyenne par jour. Il est vétuste et dangereux, ce qui a occasionné trois accidents, dont le dernier a causé la noyade de 10 personnes le 4 juillet. Enfin, les aléas climatiques vont rendre le niveau du fleuve de plus en plus erratique, et donc la navigation difficile en cas de sécheresse prolongée.
Les véhicules gagneront deux bonnes heures entre Nouakchott et Dakar.
En regard, les avantages d’un pont fonctionnant jour et nuit sont évidents. Selon les études menées par la BAD, la réduction du temps de franchissement de la frontière – qui passera théoriquement de vingt-cinq à deux minutes – diminuerait les coûts du transport de 5,60 euros à 0,45 euro l’heure. Le trafic quotidien moyen bondirait de 115 véhicules à 370 à la mise en service du pont, puis à 3 210 à l’horizon 2048.
Les populations locales seront gagnantes, aussi bien du côté mauritanien (50 000 habitants) que sénégalais (12 000 personnes). Composées en majorité de jeunes et de femmes qui vivent du commerce des produits vivriers et de la pêche, elles verront leurs activités dopées par un accès plus aisé à l’autre rive et profiteront des infrastructures sanitaires qui y seront installées.
Travail d’équipe
Le président Mohamed Ould Abdelaziz avait débloqué le projet en 2009, mais il lui a fallu résoudre avec son homologue sénégalais, Macky Sall, plusieurs problèmes qui l’ont retardé. Les Mauritaniens voulaient d’un pont à 2 × 2 voies, qui aurait coûté deux fois plus cher que l’ouvrage à 2 × 1 voie souhaité par la BAD et la Banque européenne d’investissement (BEI). C’est cette dernière solution qui a finalement été retenue.
Les Sénégalais exigeaient – et ont obtenu – de piloter seuls la gestion du pont. En compensation, l’autorité gestionnaire sera domiciliée en Mauritanie. La préparation du chantier a été un vrai travail d’équipe. Il faut rendre hommage aux deux parties – notamment aux deux chefs d’État – pour leur esprit de conciliation, qui les a poussés à se faire mutuellement beaucoup de concessions.
Pour définir l’ouvrage, les études ont duré huit ans, et le Maroc, très intéressé à disposer d’une liaison terrestre commode avec l’Afrique subsaharienne, y a apporté sa contribution. Il s’agira d’un pont de 1 461 m de longueur et de 55 m de largeur qui, avec ses voies d’accès créées ou rénovées sur 8 km, coûtera près de 87,5 millions d’euros, expropriations et aides aux populations locales, notamment aux femmes et aux jeunes, comprises. La BAD apportera 41 millions d’euros – sous forme de dons et de prêts –, la BEI prêtera 22 millions, l’Union européenne donnera 20 millions et les deux États apporteront le complément, soit près de 4,5 millions d’euros.
Souhaitons que les gouvernements des deux pays en profitent pour améliorer leurs systèmes de contrôle douanier et policier qui, actuellement, à Rosso, compliquent le transit des véhicules et infligent des tracasseries aberrantes aux commerçants. Les bénéfices attendus de l’ouvrage en dépendent.
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