Mauritanie : cap sur le référendum constitutionnel
Suppression du Sénat, décentralisation, renforcement des symboles de la République… Le projet de révision de la Constitution doit être soumis au vote des Mauritaniens en janvier. La campagne sera donc courte et marquée par la division dans les deux camps.
Mauritanie : la République des sables
De l’énième dialogue inclusif au projet de réforme de la Constitution, en passant par les turbulences financières… À Nouakchott, l’incertitude plane. Même si, petit à petit, on progresse.
L’Assemblée nationale et le Sénat mauritaniens doivent adopter, courant décembre, le projet de loi référendaire voulu par le président Mohamed Ould Abdelaziz. Le texte sera soumis au vote des citoyens au mois de janvier 2017, en principe. Il prévoit la suppression du Sénat, la création de conseils régionaux, la modification du drapeau et de l’hymne nationaux – des réformes demandées par les assises du « dialogue national inclusif ». Depuis des décennies, les Mauritaniens sont les champions de la concertation avortée. L’édition 2016 n’a pas failli à cette tradition. Le président Abdelaziz voulait « un dialogue inclusif », qui devait durer une petite semaine. Il en a fallu trois, du 29 septembre au 20 octobre.
Boycott
Du point de vue de la participation, le résultat a été en demi-teinte. D’un côté, plus de 600 personnes ont assisté aux ateliers réunis au Centre international des conférences de Nouakchott sur quatre thèmes : problématiques politique et électorale, réformes constitutionnelles, renforcement de l’État de droit et de la justice sociale, et enfin gouvernance économique et financière. Même des « pestiférés » comme les Forces progressistes du changement (FPC, ex-Flam) ou le mouvement Touche pas à ma nationalité (TPMN) ont été invités et ont répondu à l’appel, ne serait-ce que pour prouver qu’ils ne sont pas des boutefeux et « pour dénoncer le pouvoir en flagrant délit de mensonges », selon les déclarations de Samba Thiam, président des FPC.
En revanche, la fine fleur de l’opposition historique a refusé d’y mettre les pieds. Fidèles à leur refus entêté de dialoguer avec le régime, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU) et ses composantes que sont Tawassoul (islamiste), le Rassemblement des forces démocratiques (RFD, d’Ahmed Ould Daddah) et l’Union des forces de progrès (UFP, de Mohamed Ould Maouloud) étaient absents. « Un vrai dialogue consisterait à préparer des élections libres et transparentes qui déboucheraient sur un gouvernement légal, explique Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine, président en exercice du FNDU. La Mauritanie est un pays volé par un homme qui a l’armée et l’argent avec lui. »
Deux articles qui font débat
Les préoccupations des « dialoguistes » ont beaucoup tourné autour des articles 26 et 28 de la Constitution. Le premier fixe à 75 ans l’âge limite pour se présenter à la magistrature suprême. L’ancien président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, leader de l’Alliance populaire progressiste (APP), qui dépassera ce seuil avant la présidentielle de 2019, aurait souhaité qu’il soit repoussé. L’article 28, quant à lui, limite à deux le nombre de mandats successifs du chef de l’État.
Certains membres de la majorité demandaient qu’un troisième quinquennat soit possible pour permettre au président Abdelaziz de se représenter en 2019, bien qu’il ait affirmé à plusieurs reprises qu’il ne le voulait pas. Finalement, le match s’est conclu sur un nul, et aucun des deux articles ne sera modifié en réponse à ces requêtes. L’éventualité de créer un poste de vice-président, souhaitée par des représentants de la communauté haratine, a également été écartée. Certains Beydanes redoutent en effet que cette fonction échoie à un Haratine… ce qui montre la persistance de la fracture entre « Noirs » et « Blancs » dans le pays.
À l’évidence, les partisans du « oui » ne sont pas parfaitement unis. La guéguerre se poursuit entre le camp de l’ouverture, incarné par le ministre à la Présidence et ex-Premier ministre Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, et celui qui rassemble l’actuel Premier ministre Yahya Ould Hademine et le président de l’Union pour la République (UPR, le parti présidentiel), Sidi Mohamed Ould Maham, qui ne veulent rien céder à l’opposition. Mohamed Ould Abdelaziz promet à ses visiteurs qu’il va mettre fin à cette division… Mais il laisse les choses en l’état.
Le camp du boycott semble plus homogène. Les islamistes de Tawassoul ont rejoint, en apparence, la position des durs du FNDU (l’UFP et le RFD), mais l’APP adopterait une ligne conciliante.
Processus de décentralisation pour satisfaire le peuple
Bien que la campagne électorale pour le référendum ne soit pas encore ouverte, le président arpente le pays en vantant son bilan en matière de sécurité, de gestion de la crise économique et de lutte contre la pauvreté. Il insiste sur les améliorations que les nouvelles régions apporteront à la gestion du pays. Dans la wilaya du Tagant (au centre du pays), le 14 novembre, il a souligné que la croissance excessive de la capitale avait nui au développement du reste du territoire.
Selon lui, la seule façon de satisfaire les besoins des populations est d’instaurer cette décentralisation qui attribuera aux conseils régionaux les compétences pour agir au plus près du terrain, dans les domaines de l’agriculture, de l’enseignement ou encore des infrastructures.
Mohamed Ould Abdelaziz a promis de quitter le pouvoir en 2019, mais le FNDU doute de cet engagement, pourtant conforme à ses exigences, et répète son opposition farouche à la tenue du référendum. Pourquoi ?
« Parce que la suppression du Sénat n’est pas un sujet pour nous, répond Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine. Parce que ce n’est pas au président, qui va quitter le pouvoir, de réaliser une régionalisation. Parce que c’est du “cinéma” organisé par un homme qui ne pense qu’à se succéder à lui-même. » Dans un communiqué du 29 novembre, le Forum ajoute : « Il est inconcevable d’organiser un référendum […] en l’absence totale de neutralité de l’État. » Le dialogue n’est pas près d’avoir lieu.
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